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La France face aux ratés de l’intégration. Quand le tout-sécuritaire l’emporte sur l’inclusion

Ismaïl Harakat.  *UTA-Université de Sherbrooke                                                                                                                        UTA-Université du Québec à Trois-Rivières                                                                                                       UTA- Université Laval à Québec

Ismaïl Harakat.
*UTA-Université de Sherbrooke UTA-Université du Québec à Trois-Rivières UTA- Université Laval à Québec

L’intervention de l’ancien président français Nicolas Sarkozy sur France 2 mercredi 21 janvier en dit long sur la droitisation de l’UMP – en attendant que cette formation politique change de nom une fois de plus- et donne d’ores et déjà un avant-gout de ce que seront les prochaines élections présidentielles et législatives en France. Des élections qui seront vraisemblablement placées sous le signe du tout sécuritaire faute de pouvoir répondre aux attentes des Français sur le terrain économique. Surtout dans un contexte de déclin irréversible où la stigmatisation des minorités devient facile.

Pour paraphraser les propos de M. Sarkozy, les auteurs des attentats et leurs semblables ne sont que des ingrats incapables de reconnaitre à leurs justes valeurs les largesses consenties par la République à ces jeunes des banlieues. Des individus soignés à l’œil et qui suivent gratuitement leur scolarité dans les écoles françaises et qui se laissent séduire par le discours extrémistes. Un raccourci sans rapport avec la réalité et qu’on croirait surgi du programme du Front National. C’est que ces jeunes de la troisième ou de la quatrième génération de l’immigration maghrébine, s’ils sont effectivement soignés et scolarisés « à l’œil » par la France, n’en sont pas moins marginalisés et font les frais d’une discrimination sans égal. Et c’est là où se situe le cœur du problème justement. A compétences égales, ces banlieusards n’ont souvent pas la moindre chance de décrocher un emploi décent à cause du profilage racial. Certes, des mesures timides ont été mises sur pied pour lutter contre le crime du faciès à l’instar de CV anonyme, mais on trouve évidemment toujours le moyen de se débarrasser au dernier moment d’un candidat dont la tête ne vous revient pas.

Stigmatisation tous azimuts 

Ce sentiment de rejet social constitue « le » principal fonds de commerce pour les recruteurs jihadistes qui surfent à merveille sur la vague de ce ressentiment pour conditionner ces jeunes. Des jeunes faciles à embrigader du fait de leur méconnaissance de l’islam et de la précarité de leur situation. Quelque part, ce sont des apatrides car ils ne sont considérés ni comme des Français à part entière ni comme des Maghrébins comme leurs frères à supposer que l’idée de tenter leur chance au pays de leurs grands parents effleure leur esprit. Ce sont en fin de compte des citoyens de seconde zone exclus des grandes écoles et de toute forme de promotion sociale. En cultivant ainsi un sentiment d’infériorité, ils deviennent évidemment une proie facile et réceptive au discours extrémistes véhiculés par des prédicateurs qui leur disent exactement ce qu’ils veulent entendre, alors que dans le fond, leur connaissance de l’islam est souvent des plus sommaires.

A partir du moment où l’image de l’islam est au plus bas en Occident et particulièrement en France, l’occasion semble trop bonne pour vouer aux gémonies la communauté musulmane. Celle-ci est désormais le centre d’une surenchère entre la droite dite traditionnelle et le Front National qui s’érige d’ores et déjà en véritable alternative à l’hégémonie gauche-droite. Le climat est devenu si malsain et irrespirable pour les français d’origine maghrébine que les actes racistes ne peuvent que se multiplier à l’orée des prochaines échéances électorales.

La droite française, soucieuse de couper l’herbe sous le pied du Front National, muscle son discours et soumet désormais des propositions irréalistes à l’instar de celle consistant à déchoir de la citoyenneté française tous ceux qui seraient reconnus coupables d’actes terroristes pour les empêcher de sévir en France. Soit, mais que faire lorsque les candidats au Jihad n’ont que la nationalité française? Il va bien falloir les juger quelque part, non? En outre, il faut bien que l’UMP et surtout M. Sarkozy reconnaissent qu’ils assument une part de responsabilité engagée dans l’enlisement de la situation pour la simple et bonne raison qu’ils étaient aux affaires depuis des lustres et à aucun moment ils n’ont réellement fait des banlieues une priorité.

Quelles leçons à tirer pour le Québec? 

Bien des Québécois établissent à tort un parallèle entre l’échec français en matière d’intégration des minorités et leur propre contexte. La situation est fort différente. En France, les premières vagues d’immigration provenant du Maghreb ont commencé à déferler au lendemain de la première guerre mondiale pour aider à la reconstruction et mettre l’économie française sur les rails. Trop souvent, ces immigrants maghrébin étaient incultes et provenaient directement du milieu rural de leur pays. Avec un si pauvre bagage, bonjour le choc culturel! Et avec l’appauvrissement de la France dès le début des années 1990, la ghettoïsation de ces immigrants est devenue une véritable bombe à retardement.

Le Québec lui, a opté dès le départ pour une immigration choisie en fonction des besoins du marché de l’emploi. Ainsi, il n’y a aucun point de comparaison pour ce qui est de l’approche d’intégration. Certes, quelques individus peuvent se laisser séduire par le discours intégriste, mais de là à comparer les deux contextes, c’est quand même grotesque. Évidemment, le Québec gagnerait à consentir des efforts supplémentaires pour veiller à une meilleure équité – et c’est un problème avéré- mais de là à instaurer un climat de psychose, c’est franchement aller trop vite en besogne. N’empêche qu’un meilleur contrôle du champ religieux est devenu une nécessité pour empêcher certains individus de raconter des sornettes.

Ismaïl Harakat (Atlas.Mtl)

 

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