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A contre-courant. La Charte a bien une date de péremption…

A contre-courant.  La Charte a bien une date de péremption…En politique, tout a une date de péremption. La Charte des valeurs québécoises qui vaudra peut-être au Parti Québécois la formation d’un gouvernement majoritaire en avril ne sera plus d’actualité d’ici quelques mois et il faudra bien alors trouver autre chose lors du prochain scrutin pour remobiliser l’opinion publique derrière une cause qui rapporte. En attendant, il s’agira de vivre avec les conséquences d’une mesure dont l’impact est vraisemblablement limité dans la durée.

Première conséquence et non des moindres de la Charte : La communauté musulmane du Québec qui votait déjà PLQ avant le débat en question prendra encore plus ses distances avec le PQ, ce qui n’est pas rien. Car nous sommes en train de parler de quelques centaines de milliers d’individus en ratissant un peu plus large. C’est-à-dire en ajoutant aux Maghrébins, minorité la plus visée par la Charte, les Hindous, les Pakistanais, les Sri-lankais…en plus de la communauté arabe non maghrébine. Cela fait une masse électorale et une situation de divorce avec tout ce beau monde finira bien un jour par porter préjudice au PQ. C’est que l’électorat québécois et canadien globalement est assez volatil et avec lui, il n’y a pas de lune de miel éternelle. Et dans une province de huit millions d’habitants pour quelque 5 millions de votants, quelques centaines de milliers de voix peuvent faire toute la différence. A ce titre, il manque peut-être un peu de sagesse orientale au parti de madame Marois  dans le sens de préparer l’avenir au lieu de tout miser sur le présent.

La fin d’un monopole 

Deuxième conséquence : la communauté musulmane et plus particulièrement maghrébine sera plus stigmatisée que jamais alors qu’elle pâtit déjà de discrimination à l’embauche depuis des lustres. Bien des hommes politiques québécois savent que les Maghrébins viennent en queue du peloton en matière d’accès à l’emploi et que la Charte ne fera que s’ajouter aux ratés du système d’immigration. Par conséquent, il y a un risque de voir d’autres provinces susciter l’intérêt des nouveaux arrivants. Entre le climat assez malsain accompagnant le débat sur la charte des valeurs et les difficultés à trouver un emploi correspondant à son profil, l’immigrant est en droit de se poser des questions avant de choisir sa destination. Surtout lorsqu’on sait que de plus en plus de Maghrébins se font conseiller avant même de quitter leur pays de jeter leur dévolu sur une province anglophone, où on a plus de facilité à obtenir sa première chance qu’au Québec.

Ce sont là des éléments importants à prendre en considération car il est tout à fait évident que la Belle Province ne constitue plus un monopole pour les Maghrébins en tant que destination, alors qu’effectivement, cette communauté venue d’Afrique du Nord n’aurait guère imaginé déposer son baluchon ailleurs qu’au Québec il y a une vingtaine d’années. Et cette tendance risque de s’accélérer à un moment où le besoin en main d’œuvre francophone se fera de plus en plus ressentir dans un contexte de recul de la francophonie à travers le monde.

Il faut savoir en effet qu’en dehors du Maghreb, les alternatives deviennent de plus en plus rares. Évidemment, l’Afrique subsaharienne constitue un marché non négligeable qui demande à être mieux exploité, mais tout le monde sait que les frais liés au traitement du dossier d’immigration, au cout du voyage, aux premiers mois d’établissement et à la preuve d’actifs requis par le gouvernement fédéral constituent un fardeau si élevé que d’emblée on exclut un pourcentage très appréciable de candidats potentiels dont les compétences correspondent au profil recherché par le Canada et le Québec. Autrement dit, avec la misère accablante qui sévit en Afrique, le cout de l’immigration est en soi un gros facteur de blocage.

Une profonde désaffection 

Tout ça pour dire que le Parti Québécois gagnerait à se mettre de son côté la communauté maghrébine au lieu de s’aliéner son soutien sous prétexte que son électorat naturel se situe dans le « Québec profond » et dans ses bastions francophones à Montréal et dans sa couronne. Les instituts de sondages qui prédisent une majorité à Mme Marois en avril devraient réaliser un sondage sur les intentions de vote de la communauté maghrébine en les comparant aux élections antérieures. Ce serait quand même intéressant à la lumière du débat en cours. Tout en prenant en considération évidemment que globalement les Maghrébins deviennent de plus en plus des champions de l’abstention. Un peu comme s’ils n’étaient pas concernés par les enjeux du fait de la frustration ressentie dans leur parcours pour l’intégration. De plus en plus, ils nourrissent une méfiance instinctive à l’égard des politiques car ils sentent bien qu’au-delà des promesses, rien ne change réellement pour eux sur le terrain lorsqu’il s’agit de déposer leur CV quelque part.

C’est là où se situe le véritable enjeu pour la communauté maghrébine, pas au niveau de la Charte des valeurs  québécoises qui ne fait que les stigmatiser davantage au lieu de faciliter leur intégration. Le PQ sait que la politique est comme la roue de la fortune. Aujourd’hui vous gagnez un lot, mais demain, vous vous retrouvez bredouille après avoir perdu votre mise.

Par  Ismaïl Harakat (Atlas.Mtl)

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