Commentaires fermés sur À Contre-courant. 200 000 morts en Syrie Et une «victime» qu’on ne regrettera pas : Al Jazeera et son discours périmé

À Contre-courant. 200 000 morts en Syrie Et une «victime» qu’on ne regrettera pas : Al Jazeera et son discours périmé

Ismail Harakat

Ismail Harakat

Plus un conflit traine en longueur et plus il risque de sombrer dans l’oubli. L’opinion publique internationale qui peut se passionner pour une crise d’envergure et même manifester sa compassion vis-à-vis des victimes et multiplier les manifestions condamnant l’inaction des gouvernants, finit par se lasser et passer à autre chose. La guerre civile syrienne a atteint justement un stade où elle commence à susciter l’indifférence. Et ce, en dépit d’un bilan insupportable de 200 000 morts d’après plusieurs observateurs et des conséquences cauchemardesques qui découleraient d’un enlisement de la situation et de la chute de Bachar el Assad.

Au milieu des crimes perpétrés par les uns et les autres depuis trois ans et qui ont rendu la Syrie exsangue et contraint à l’errance des centaines de milliers d’individus, il ne serait pas inopportun de rappeler le rôle funeste joué par Al Jazeera qui se nourrit du conflit et pèse de tout son poids qui est considérable pour que les hostilités soient aussi durables que possibles.  Sans la moindre nuance ou discernement, Al Jazeera, fidèle à elle-même si on ose dire a mis tous ses œufs dans le panier islamiste et déploie des trésors d’énergie pour faire émerger dans ce pays un régime qui soit à la solde du Qatar et reconnaissant envers la  contribution peu discrète apportée par cet émirat richissime à la mouvance islamiste, qu’elle soit incarnée par les Frères Musulmans qui sont tout aussi puissants en Syrie qu’ils le sont en Égypte, ou par les Salafistes qui prônent l’application d’un islam rigoriste ne laissant aucun marge à l’Ijtihad.

Populisme tous azimuts  

Le ralliement inconditionnel d’Al Jazeera derrière les islamistes n’est pas nouveau. Il figure même parmi les toutes premières motivations derrière la naissance de la chaine en 1996, au même titre que le règlement des comptes avec l’Arabie Saoudite et la visibilité internationale du Qatar. C’est ainsi qu’Al Jazeera ouvre ses tribunes comme on signe un chèque en blanc au Hamas, au Hezbollah, aux Taliban…avec une insistance et un acharnement qui feraient passer Fox News ou le New Yorker pour l’incarnation de la rigueur journalistique. Le conflit syrien donne toute la mesure de la partialité d’Al Jazeera qui avait violemment condamné la volte-face franco-américaine en septembre 2013 alors que des raids aériens semblaient imminents. Le manque de popularité d’une action militaire en Syrie était si manifeste en France et aux États-Unis que les deux alliés ont précipitamment accepté sans se faire prier le plan russe de destruction de l’arsenal chimique syrien comme sortie de crise « honorable » pour Paris et Washington. Un scénario qui n’a absolument rien changé à la situation et c’est justement ce qu’Al Jazeera a fustigé sur le même ton employé par la mouvance islamiste.

Autant dire qu’Al Jazeera n’agit pas dans le conflit syrien en tant que média mais en tant que protagoniste du conflit, fort de son énorme capacité de nuisance…qui s’est sérieusement érodée au cours de ces dernières années. Il faut préciser en effet que le taux d’audience de la chaine qatari est passé près de 46 millions à 6 millions de téléspectateurs dans le monde arabe qui est particulièrement remonté contre cet outil de propagande qui se nourrit des conflits entre les peuples de la région. Effectivement, de l’Arabie Saoudite aux autres pays du Golfe en passant par l’Égypte, l’Iraq, la Libye ou le Maroc, la quasi-totalité des pays arabes en veulent à Al Jazeera pour sa prétendue liberté de ton qui est au fait affectée au service de la division et des tensions entre les peuples.

La fin d’un monopole? 

Bien entendu, au début les griefs retenus contre Al Jazeera émanaient essentiellement des leaders arabes décontenancés par tant d’insolence et d’irrévérence, mais l’hostilité visant la chaine qatari touche désormais la rue arabe, de plus en plus exaspérée par le rôle pour le moins ambigu joué par ce puissant média en Syrie, en Iraq, dans la péninsule arabique et ailleurs. Le courant ne passe plus dans cette région du monde peuplée de près de 350 millions de personnes entre Al Jazeera et ceux-là mêmes qui buvaient ses paroles il y a quelques années à peine. C’est exactement comme si on parlait d’un gouvernement en fin de règne, miné par les scandales et l’usure du pouvoir. Car quelque part, les téléspectateurs ont l’impression de s’être fait avoir et ils ont mis beaucoup de temps à se rendre compte de la supercherie. Ils ont en plus qu’assez d’un média qui se nourrit des tensions au lieu de s’en tenir à sa mission première consistant à transmettre l’information sans fard. Les fameux débats qui pulvérisaient jusqu’à tout récemment des records d’audience ressemblent à des combats de coqs mexicains très remontés qui n’attendent que d’être lâchés par leurs maitres pour s’entretuer. Et avec ça, dans un cynisme à nul autre pareil, le modérateur fait semblant d’appeler ses invités à la retenue au nom du direct.

Al Jazeera paie donc pour ses erreurs comme en témoigne le verdict implacable de l’audimat. La chaine qui a doté le Qatar d’une visibilité à l’échelle internationale inversement proportionnelle à sa dimension réelle n’enflamme plus les foules arabes. C’est un peu comme si  le phénomène Al Jazeera ou plutôt le discours d’Al Jazeera avait une date de caducité. Le téléspectateur arabe sort d’une sorte de torpeur et diversifie de plus en plus ses sources d’information puisque d’autres chaines ainsi que les réseaux sociaux constituent une alternative. Reste le monopole du foot qui ne semble pas être assujetti à la même logique. On peut bouder une chaine au contenu politique  pour sa ligne éditoriale, tout en continuant à faire les yeux doux à sa petite sœur qui nous gave de foot jusqu’à l’abrutissement!!!

Par Ismaïl Harakat (Atlas.Mtl)

 

Rubriques : Actualités, Société Mots-clés : , ,
© 2002 - 2017 Atlas Media. Tous droits réservés.
Propulsé par Noordev Technologies inc