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Le Rêve interdit de Lahcen Zinoun

Par Évelyne Abitbol

Lorsque l’on entre dans le Rêve Interdit, celui qui a marqué au fer rouge le monde de Lahcen Zinoun, impossible de détourner le regard ailleurs. 

Photo : Antony Dehez https://anthony-dehez.be/
Photo : Antony Dehez https://anthony-dehez.be/

Cette autobiographie est une plongée vertigineuse dans la mémoire et les impressions les plus enfouies de l’artiste. Celle où la beauté côtoie l’inhospitalité. 

Nous suivons Lahcen Zinoun pas à pas en faisant au passage des pas de deux avec lui, avec son épouse Michèle, ses enfants Jaïs et Chems-Eddine – notre adoré disparu que j’ai eu la grande chance de connaître. 

Nous entrons alors dans les méandres d’un univers hostile à l’art et à la danse.

Cet univers hostile, Lahcen Zinoun l’a côtoyé au Maroc, lui a fait face parfois au péril de sa vie en tentant de briser tous les murs qui se dressaient devant et malgré lui.

Armé de ses convictions, et avec l’aide de Michèle et de leurs enfants, ils ont fait naître au pays l’amour de cet art tant négligé et tenté avec des personnalités à qui il rend hommage de percer des trous comme dans un moucharabieh pour que le patrimoine marocain de la danse ne se perde pas avec le départ des anciens.

Mais commençons par le commencement. Lahcen Zinoun est né à Casablanca. Son enfance a été marquée par les activités quotidiennes d’un monde, dissimulé au regard des occidentaux, où se côtoient les jeunes joueurs de foot, les voleurs, les malveillants mais aussi de grands moments de tendresse entre leurs habitants, dans le quartier Derb Moulay Cherif, à l’extrémité sud-ouest de Hay Mohammedi dans la cité ouvrière de Socica. 

La précision du lieu de la maison de son enfance nous entraine loin vers un labyrinthe où nous nous enfonçons sans pour cela nous perdre.

« Dans le quartier, il n’y avait ni salle de cinéma, ni salle de spectacles, ni théâtre, ni maison des jeunes, rien qui puisse participer à l’éducation et à la formation culturelle des enfants. Alors, nous nous regroupions et chacun jouait à quelque chose (…) plus tard, nous en viendrons à organiser un cinéma en plein air (…) Un après-midi que j’avais du temps libre, je m’étais aventuré dans le centre-ville. Je musardais tout en contemplant les élégantes artères ornées de ces bâtiments blancs plus beaux les uns que les autres. C’est alors que j’entendis une délicate musique filtrer de l’une de ces bâtisses. J’étais hypnotisé. Il me fallait absolument en savoir plus. Je fis donc le tour du bloc jusqu’à en trouver l’entrée. Le destin avait frappé. Il allait changer ma vie… »

C’est ainsi que Lahcen Zinoun raconte son premier contact avec ce qui allait devenir sa passion. Tout simplement en se risquant à dépasser la limite du quartier et entrer dans la partie de la cité interdite aux plus pauvres. 

Nous découvrons alors à travers le regard d’un enfant émerveillé, les balbutiements de ce qui allait faire partie prenante de la vie du futur danseur étoile. Rapidement, il a succombé à l’appel de la musique classique et à la danse par la suite.

Les images du père sont fortes dans cette biographie. Figures d’autorité qui empêchent le jeune Zinoun de s’épanouir dans un art qui le passionne et dont il veut à tout prix transmettre la beauté. 

Lahcen Zinoun raconte le paradoxe des danseuses du ventre presque dénudées et provocatrices dans un pays où le corps et le langage du corps dérangent. 

Ce corps qu’il faut cacher. Ce rapport malsain au corps l’afflige. 

Après plusieurs rejets, insultes, tentative de meurtre le phœnix Zinoun revient plus fort et plus déterminé pour que la danse soit acceptée, valorisée et ainsi identifier les plus talentueux qui passeront par l’École de ballet Zinoun, tenue principalement par Michèle Zinoun, aidée de leurs fils. 

Une école qui, grâce aux recettes, lui permet souvent de payer des danseurs qu’il a engagé pour réaliser un spectacle inédit.  

Lahcen Zinoun, le prince du désert, comme l’a si bien surnommé Isabelle Adjani, a fait le tour du Maroc, identifié les danses patrimoniales pour ensuite diriger des spectacles où la technologie récente met en évidence les danses ancestrales qu’il commence à répertorier. Il travaille ainsi contre la montre pour que soit conservé au Maroc le riche patrimoine des musiques et des danses berbères et arabes.

Une des images qui m’a le plus frappée au cours de la lecture : celle où Lahcen Zinoun se désole et questionne le fait qu’au pays des arts vivants de tradition orale qu’est le Maroc, le seul vrai théâtre marocain qui fonctionne serait la place Jemaâ El Fna à Marrakech.

Zinoun décortique avec force, détails et amour, des lieux sacrés qui mériteraient des attentions particulières de préservation de la part des autorités. 

Je connaissais Lahcen Zinoun, l’ami, le danseur, le mélomane, le réalisateur, le créateur, le sculpteur, le peintre – il a peint un portrait de mon père – le voici devenu écrivain. Sa plume aiguisée fait de son livre un indispensable à lire pour comprendre ce qu’est une vie au service de l’art, de la danse, de la culture musicale et picturale.

Lahcen Zinoun, cette bio il fallait l’écrire! 

À elle seule, elle décrit l’histoire du Maroc de l’époque jusqu’à celui d’aujourd’hui, un pays qui s’inscrit dans la modernité. 

Lahcen Zinoun sera de passage à Montréal où une soirée lui sera consacrée, pour présenter son livre et une partie de son oeuvre, organisée conjointement par le Centre Culturel Marocain (CCM) et la Fédération Sépharade du Canada (FSC) :

Mercredi 17 novembre 18 h 30

 Centre Culturel Marocain (CCM)

515, rue Viger , Montréal

Quelques couvertures de presse :

http://rtbf-pod.fl.freecaster.net/pod/rtbf/geo/open/a/ac5RYExMii.mp3

https://m.le360.ma/culture/video-parution-quand-lahcen-zinoun-fait-danser-les-phrases-decrit-ses-frustrations-ecrit-son-reve-237831

https://medi1news.com/fr/article/217559

https://www.snrtnews.com/fr/article/lahcen-zinoun-%C2%AB-je-n%E2%80%99ai-pas-encore-r%C3%A9alis%C3%A9-mes-r%C3%AAves-%C2%BB

https://lobservateur.info/article/341/culture/danse/lahcen-zinoun-nous-conte-son-reve-interdit-

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