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El Amine Serhani : Le mythomane aux mille et un visages

L’homme a toujours vécu dans la mythomanie et le déni le plus total, s’inventant fortune, diplômes et relations. Fanfaron, bravache et affabulateur, il s’est cru dès la prime jeunesse d’une essence supérieure et investi d’une mission spéciale confiée par la Providence. Là où il met les pieds, le commun des mortels doit se coucher plus bas que terre pour lui confier sa destinée.
Car c’est lui et lui seul qui sait. Il a solution à tout et toute personne qui aurait quelque velléité de contester sa suprématie doit être démolie séance tenante.

‘’Il’’, c’est El Amine Serhani, alias Amine El Idrissi, 46 ans – natif de 1975-, titulaire selon ses dires de trois doctorats et d’une trentaine de diplômes dont le premier a été probablement obtenu au cinquième mois de grossesse. Avant de s’installer au Canada et de présenter officiellement sa demande de revendicateur du statut de réfugié le 18 février 2020, il avait déjà un casier judiciaire dont il s’est  toujours bien gardé de parler.

Escroquerie, extorsion et chèques sans provision figurent parmi les antécédents qui lui ont permis de devenir un habitué des représentants de l’autorité. Ainsi, en plein démêlés avec la justice marocaine, il est parvenu à quitter subrepticement le territoire national le 19 décembre 2019 à travers le poste frontalier de Bab Sebta en bénéficiant de la complicité de l’une de ses relations. Comme il avait déjà en sa possession un visa à entrées multiples pour le Canada, il ne lui restait plus alors qu’à préparer à partir de l’Europe son rocambolesque périple vers Montréal. 
Avant de quitter le Maroc sur la pointe des pieds car traqué par la justice, il s’était constitué un joli pactole… à coups d’arnaque. Ainsi, il avait promis à quelques personnes de leur obtenir un permis de travail en tant que travailleurs saisonniers agricoles. Bien entendu, ce ‘’service’’ n’était pas gratuit, loin de là. C’est ainsi que certaines de ses victimes, souvent issues d’un milieu social des plus humbles, se sont endettées jusqu’au cou et ont vendu quelques biens pour s’acquitter du montant réclamé par cet individu. Le tout, alors qu’aucun pays d’Afrique ni du monde arabe ne font partie des signataires avec le Canada de l’accord sur le Programme des travailleurs saisonniers agricoles (PTAS). Peu importe ! L’argent était bel et  bien encaissé et c’était plus que suffisant pour que El Amine Serhani s’installe dans conditions relativement confortables au Canada. 

Le rêve détruit de ses jeunes victimes
Dans un autre registre, l’homme caressait l’espoir de mettre en place un ‘’groupe de presse sous l’appellation Groupe Origine” unique en son genre et ‘’inédit dans l’histoire de la communauté marocaine du Canada’’. À cet effet, il avait pris contact avec une dizaine  d’étudiants en journalisme et communication au Maroc et s’est pu constituer ainsi une solide réserve d’articles et de reportages… fruit du travail de ces étudiants, à qui il avait promis un contrat de travail au Canada dans les conditions les plus alléchantes. De quoi vous garantir la loyauté d’un jeune pour un bail. Bien entendu, comme il est imbu de sa personne, il a commencé à se vanter de ‘’son’’ équipe et de ‘’son’’ groupe de presse alors qu’en presque un an de collaboration, c’est à peine si ces jeunes ont perçu quelques dizaine de dollars chacun, 200$ pour plus de 200 articles dans le cas de Imane Essaidi journaliste stagiaire au Maroc. Cependant, El Amine Serhani saisissait la moindre occasion pour parler de son projet et des conditions de travail avantageuses mises à la disposition des stagiaires.

Une fois au Canada, il s’est empressé à l’aéroport au début 2020 de présenter une demande  d’asile en tissant un scénario sordide où le Maroc est dépeint de la plus cruelle des manières.
 Normalement, un individu à la situation aussi précaire et pouvant être expulsé à tout moment devrait faire montre de discrétion et raser les murs en attendant de trouver une solution vis-à-vis d’Immigration Canada. Pas lui. El Amine Serhani était visiblement décidé à écrire une nouvelle page de sa vie. Faite encore une fois d’escroquerie et d’extorsion. Il a ainsi mis son point d’honneur dès son arrivée à faire une ‘’étude’’ sur  la communauté marocaine du Canada en ratissant le plus large possible. Portraits, articles et reportages ont commencé à être ‘’mis en frigo’’ pour reprendre une expression journalistique et ce, grâce à ces jeunes étudiants qui rêvaient de s’installer au Canada depuis qu’ils ont fait connaissance avec cet individu.

 Les tuiles s’accumulent
Fait curieux, El Amine Serhani, le revendicateur du statut de réfugié a mis son point d’honneur à déclarer la guerre à certaines figures de la communauté. Trois d’entre elles étaient plus particulièrement visées : Le Directeur du groupe ‘’Atlas Média’’ Rachid Najahi, le président de la chambre du commerce et de l’industrie du Maroc au Canada, M Abderrahim Khouibaba, M   Abdelaziz Rzik, Président de l’Association musulmane de Montréal-Nord (AMMN) et d’autres membres de la communauté. Ainsi, cet individu saisissait la moindre occasion pour exprimer tout le mal qu’il pensait des trois personnages. Dans le cas de M Najahi et M Khouibaba, il mettait en avant son désir  d’ ‘’assainir la communauté’’, en les éliminant de la scène publique et en promettant de mettre lui-même en place une ‘’nouvelle génération’’ de représentants qu’il allait se charger ‘’d’encadrer’’ jusqu’à ce qu’on n’entende plus parler de ceux qui, dans son esprit ‘’occupent l’espace publique depuis toujours’’. Dans le cas de M. Rzik, El Amine Serhani semble convaincu de détenir  des ‘’preuves irréfutables’’ concernant de prétendues malversations en termes de gestion de  l’AMMN. Lesdites preuves ont été fournies par des personnes ayant des comptes à régler avec M. Rzik et comptent elles-mêmes à leur passif quelques sordides manigances. 

El Amine Serhani a par ailleurs pris sans tarder la précaution de se marier pour bénéficier d’un parrainage qui renforcerait sa situation.
 Malheureusement pour lui, les tuiles ont commencé à s’accumuler de manière fort inquiétante. De quoi mettre la puce à l’oreille des autorités tant au Maroc qu’au Canada. L’enquête suit actuellement son cours des deux côtés de l’Atlantique, et on se demande bien comment cet individu parviendra à échapper aux mailles de la justice tellement les preuves retenues contre lui sont accablantes. 

Nadia Sfaoui, Journaliste indépendante

Atlas Montréal

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