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Drapeau blanc

Drapeau blancLe Mondial 2014 fut. Au plan sportif nous en garderons le souvenir de la victoire allemande certes, mais surtout le souvenir apocalyptique de la déroute du Brésil en demi-finale et de sa déconvenue à l’issue du match pour la troisième place. Au plan économique, on aura appris que l’accueil d’un Mondial ne constitue pas forcément, comme on l’a longtemps cru, un coup de pouce aux efforts de développement économique du pays  organisateur. En matière sociologique on n’aura rien appris du tout puisque le caractère métapsychique de l’effet du football sur les masses populaires comme sur leurs gouvernants est demeuré inexpliqué. Mais en terrain politique, on aura vu, une nouvelle fois, que ce sport réveil aussi les pires des passions.

Une affaire de drapeaux

Ainsi, en France, l’extrême droite n’a pas raté l’occasion, au prétexte d’une affaire de drapeaux, de mettre sur le tapis la question de la citoyenneté et de la loyauté et de conclure – fallait-il s’y attendre? – que la solution finale pour la France, la décision qu’il fallait prendre et qui résoudrait tous les problèmes (y compris économiques et sociaux) de l’Hexagone, ne pouvait être que l’interdiction des nationalités double ou multiples.

Servant une cause (si mauvaise soit-elle),  ce raisonnement n’avait besoin de faire justice ni à la vérité, ni à la connaissance; fort démagogiquement, il ne pouvait que feindre ignorer, dans le cas de la France, ceux qui ont arboré des drapeaux autres que le Tricolore, étaient d’abord de bons petits français (de troisième ou de quatrième générations) et que leur geste, plus qu’une marque d’allégeance, s’inscrivait dans une logique de contestation voire de transgression, née de grandes frustrations et d’attentes déçues par la réalité de la patrie.

Naturellement d’aucuns ici – ceux qui s’enrhument dès que Paris éternue – n’ont pas manqués de vouloir nous mêler à ce débat. Mais les glorieuses incertitudes du sport les ont vite calmés. Dès lors en effet que les communautés culturelles les plus nombreuses ou les plus remuantes n’ont plus eu de représentants au Mondial, un joyeux mélange s’est installé, faisant brandir des fanions allemands à des Québécois bon teint, des oriflammes brésiliennes à des haïtiens colorés, des drapeaux argentins à des italiens déçus par la Squadra Azzura etc.; le tout dans un joyeux mélange enlevant jusqu’à la moindre apparence de cohérence à un débat vain dès sa naissance.

Évidemment, nous nous serions attendus à ce que ces adeptes des belles idées se re-concentrent alors sur un débat autrement plus digne d’intérêt : le Canada et ses valeurs. Car depuis quelques jours, en raison des douloureux événements du Proche Orient, certaines prises de position gouvernementales provoquent quelques sérieuses interrogations.

Entorses aux principes

« L’appui du Canada envers Israël est sans équivoque. Nous appuyons son droit de se défendre(…)», nous dit ainsi un communiqué officiel.

Soit ; mais est-il vrai que c’est le Canada qui se prononce ainsi, ou est-ce plutôt le gouvernement du Canada ? Dans quelle mesure, ce communiqué représente-t-il donc un avis de tous les Canadiens ? Sur quelles conditions objectives cette prise de position s’appuie-t-elle ?

Il est évident que ce n’est que l’avis du gouvernement, qui à certes bénéficié d’une majorité (électorale) mais qui n’a pas été élu à l’unanimité. De ce fait, la position exprimée ne représente pas le point de vue de l’ensemble des Canadiens ; la meilleure preuve en est d’ailleurs les manifestations qui viennent de se dérouler à Montréal et à Toronto. Il y aurait donc là comme une sorte d’entorse à la démocratie et à ses règles.

D’autre part, si ce qui se chuchote, à Ottawa et ailleurs – un propos voulant que les convictions religieuses de certains politiciens déteignent parfois sur les prises de position politiques – est vrai, on serait alors en défaut par rapport au sacro-saint principe de la laïcité de l’État.

Et plus que cela, la teneur du communiqué va à l’encontre de l’idéal de paix auquel, nous a-t-on appris, aspire le Canada. 

Cet idéal de paix nous a amené à toujours considérer que toute violence, quel qu’en soit le responsable, est condamnable ; il nous a amené à considérer que chaque mort violente est une mort de trop ; la vie dans ce pays nous a aussi inculqué un certain gros bon sens voulant (comme le code pénal d’ailleurs) que même en situation de légitime défense, l’usage d’une force excessive est condamnable ; au triste spectacle du monde dans lequel nous vivons, nous nous prenons à considérer que même en situation de guerre, lorsque les «dégâts collatéraux» (tous les innocents qui meurent sous les bombes) deviennent trop considérables, on revienne à la sagesse et à la retenue sans aucune autre considération ; et que lorsque ces faits ne sont pas observés, le Canada – père fondateur des Casques bleus de l’ONU – se lève, pour appeler à la sagesse, au silence des armes et à la fins des souffrances des uns et des autres. 

En sommes-nous encore là ?

Abdelghani Dades (Edito Atlas.Mtl 233)

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