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Citoyenneté C-24 : une loi plus qu’inquiétante

Citoyenneté C-24 : une loi plus qu’inquiétanteL’été est enfin là, avec sa chaleur et ses épisodes de canicule. Avec ses hausses saisonnières des prix, qui dérangent certes, que l’on finit cependant par accepter comme on accepte un fruit de saison. Mais aussi avec ses fêtes; la Saint Jean, la fête du Canada; avec ses festivals qui remplissent les rues de cultures, de diversité et de métissages. Avec également ses loisirs et ses plaisirs. Avec tout ce qui nous fait oublier l’hiver, nous rempli de joie et d’optimisme et, en fin de compte, nous fait aimer ce pays.

Mais dans cet été 2014, un nuage vient assombrir le tableau. La Loi C-24.

Bien peu d’entre nous en avaient entendu parler, et pourtant, elle est au feuilleton depuis le mois de février dernier. Quatre mois sans communication sur le sujet, dans une «discrétion» qui ressemble à une omission volontaire de mauvais aloi.

Et pour cause!

Cette loi vient profondément changer les règles entourant la nationalité canadienne.

D’une part, elle sera plus difficile, plus longue et plus chère à obtenir; et là passe encore. Mais d’autre part, elle sera bien plus facile à perdre, et dans des conditions qui sont loin de rassurer.

Car, au lieu de demeurer dans le giron de la loi et de la justice, la procédure de déchéance de citoyenneté va passer dans le domaine du règlement et devenir une prérogative de fonctionnaires; qui pourront décider de cet acte gravissime sans que les personnes concernées n’en soient préalablement informées, ni ne puissent entrer en contact avec le fonctionnaire qui décident de leur sort, ni, encore moins pouvoir faire recours de la décision prise à leur encontre.

Ainsi, si vous bénéficiez d’une autre nationalité, vous pourriez vous coucher canadien et vous réveillez étranger, sans le savoir et sans avoir la moindre occasion de vous défendre.

Tollé

Naturellement, cette évolution provoque des réactions. Un véritable tollé dans la classe politique, dont l’un des membres les plus éminents, M. Thomas Mulcair, chef de l’opposition officielle à Ottawa, nous déclare : «La Loi sur la citoyenneté nécessite des réformes parce qu’il y a des failles dans le système actuel, mais les articles proposés par les conservateurs changent complètement les règles du jeu et nous nous devons de les dénoncer. Nous espérions que le ministre s’engage à travailler en collaboration avec nous pour réellement améliorer nos lois en matière d’immigration, mais il a choisi d’aller de l’avant avec un projet de loi fort probablement anticonstitutionnel.»

Comme chez les juristes d’ailleurs. «l’Association du Barreau canadien a ouvertement laissé entendre que C-24 pourrait menacer certains droits fondamentaux protégés par la Charte canadienne des droits et libertés et qu’il serait donc, comme d’autres projets de loi conservateurs déposés avant lui, inconstitutionnel. L’Association du Barreau canadien, l’UNICEF, l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, Amnistie Internationale, le Conseil canadien pour les réfugiés, le Constitutional Rights Centre et de nombreux universitaires chevronnés ont tous indiqué que ce projet de loi ne respecte pas la Charte ou les engagements internationaux du Canada. Le Constitutional Rights Centre a d’ailleurs déposé une contestation de la constitutionnalité de C-24 devant les tribunaux.» relève M. Mulcair à ce sujet

Demi-citoyenneté?

Ainsi donc, ce que vient de faire le gouvernement, de fait, crée une citoyenneté de second ordre, voire une demi-citoyenneté, que l’on octroie comme une faveur et que l’on se réserve le droit de retirer au gré de personnes qui n’ont jamais vu ou rencontré ceux qu’ils sanctionnent ainsi suprêmement, sans recours et sans espoir.

De plus, lorsque le gouvernement a fait adopter son texte, il est apparu bien clair, à travers une déclaration du ministre concerné, M. Alexander, que C-24 est «la première réforme d’envergure depuis 1977». Première? Est-ce à dire que d’autres surprises nous attendent? De quelle nature? Avec quelles nouvelles restrictions et contraintes? Nul ne le sait; et cette incertitude est grosse de menaces.

Irons-nous jusqu’à donner corps à ce vœux des extrêmes droites européennes qui ne cessent de réclamer la prohibition des doubles appartenances nationales? Avec la loi C-24, on pourrait ne pas avoir à aller aussi loin dans la législation formelle pour en arriver à une telle extrémité.

Et dans ce processus, qui fait dire à bien des gens «qu’ils ne reconnaissent plus le Canada», on oublie une chose; que nous rappelle encore une fois M. Mulcair : «Tout le monde s’entend pour dire que la citoyenneté canadienne revêt une valeur considérable, mais il est inadmissible d’instrumentaliser cette question», comme il est inadmissible de réduire les droits des minorités et ce d’autant moins que «Le droit canadien comporte déjà des mécanismes permettant de punir les gens qui commettent des actes illégaux.»

Abdelghani Dades (Édito atlas 232 du 3 au 16 juillet 2014)

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