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Envie de citoyenneté

Dans le flot d’une actualité surabondante, nous avons du faire des choix, privilégier des nouvelles intéressantes aux détriments d’autres informations tout aussi intéressante. Et dans cette hiérarchisation difficile, notre cahier «Spécial Immobilier» s’est forgé une place de choix. Pour une raison objective : le souci grandissant chez les membres de la communauté des canado-maghrébins de se donner un toit, de pleine propriété et de plein droit obéit, à notre sens, à un autre souci, fondamental, celui de s’enraciner de la société de vie, de graver l’identité canado-maghrébine dans le foncier,  la pierre et le durable. Une telle tendance en effet, apparait très vite pour ce qu’elle est : un outil d’intégration, de nature à rassurer nos concitoyens de toutes autres origines et appartenances, sur notre intention de devenir des citoyens et non pas des gens de passage.

La tendance est récente certes, mais elle vient en son temps. Car le flux migratoire originaire du Maghreb est lui aussi récent. Il est apparu et s’est développé depuis un cinquantenaire seulement.

Aujourd’hui, l’effectif des membres de la communauté – toutes identités confondues – frise les 300 000 personnes. Par ailleurs, le nombre de nouveaux arrivants provenant annuellement du Maghreb s’établit autour de 7000 et le taux de natalité dans ce segment de la population est suffisamment élevé pour améliorer encore ces chiffres. Nous sommes en outre aujourd’hui, dans de nombreux cas en deuxième et troisième générations.

La communauté maghrébo-canadienne a ainsi on seulement atteint un poids démographique conséquent  dans la population du pays; mais ses membres commencent à penser que le «mythe du retour n’a plus de raison de nous enchanter encore et que notre avenir – et celui de nos descendants – est ici.

Cette masse démographique critique et ces approches cependant profitent-t-elles réellement à la société de vie? Sont-elles perceptibles dans la vie publique? Produit-elle des restitutions utiles à la société d’origine?

Autant que les interpellations identitaires, ces questionnements se posent désormais  à  la communauté. Ils ne rencontrent que des réponses partielles.  Outre d’exacerber les interpellations identitaires les plus diverses, ces réponses partielles produisent  des effets délétères à l’intérieur même de la communauté. Deux tendances se dessinent ainsi : soit la rupture avec le souvenir de la culture d’origine ou alors un repli crispé, souvent biaisé, sur les valeurs du pays-mère. En résulte une sorte d’«assignation à résidence culturelle», de ghettoïsation de la pensée qui, parce que l’on ne sait pas y répondre autrement que par le bricolage identitaire, pervertissent les comportements collectifs et handicapent structurellement autant la relation au pays d’origine que la relation – et l’intégration – au pays de vie.

Bien sur, les apports – certes difficilement quantifiables – de la communauté à son pays d’adoption sont là et bien là; en terme d’enrichissement démographique, de production de valeur, d’animation économique, culturelle, académique etc. ; Mais en termes de participation,  notamment à la vie publique, nous restons  grandement déficitaires. À tout le moins, la situation  ne traduit pas vraiment les velléités (ou les envies) citoyennes qui sont désormais les nôtres. Pourquoi? Il y a là matière à réflexion et à débat.

Un débat d’autant plus utile qu’avec des débuts de réponses aux questions posées, il amènera ceux que l’immigration effraye encore à se rendre compte  qu’ils vivent vraiment dans une société multiculturelle ouverte et à la reconstruction de laquelle tout le monde peut et doit participer de la même manière.

On pourra alors faire l’économie de ces combats d’arrière garde – largement alimentés par les «querelles» importées de France et de Navarre –  et dont le seul effet est de faire ici le lit d’une xénophobie dont nous avons nul besoin ni usage.

Abdelghani Dades (Edito Atlas.Mtl numéro 176 du 29 mars au 11 avril  2012)

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