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Dar al Maghrib célèbre la Journée internationale de la femme. Hommage à une icône marocaine de la pensée féministe

Un vibrant hommage posthume a été rendu, samedi 3 mars à Montréal, à l’icône de la pensée féministe à renommée internationale et à l’éminente sociologue et écrivaine marocaine feue Fatema Mernissi, lors d’une conférence-débat organisée par le Centre culturel marocain “Dar Al-Maghrib”, à l’occasion de la célébration de la journée internationale de la femme.

Cette rencontre, initiée sous le thème “Hommage à la Shéhérazade marocaine, Madame Fatema Mernissi”, a permis à une pléiade d’intellectuels marocains et canadiens de mettre en avant le combat mené par cette grande militante pour l’émancipation de la femme et la défense de la cause féminine dans le monde arabo-musulman, ainsi que de braquer les projecteurs sur le parcours extraordinaire de cette personnalité plurielle, son œuvre intellectuelle et ses écrits traduits en plusieurs langues.

S’exprimant à cette occasion, le directeur de “Dar Al-Maghrib” à Montréal, Jaâfar Debbarh, a indiqué que cette conférence, tenue dans le cadre du “mois de la femme marocaine d’ici et d’ailleurs”, se veut un hommage à la mémoire d’une figure féministe marocaine très emblématique et d’une personnalité marocaine exceptionnelle dont la réputation dépassait largement les frontières du Royaume.

Il a souligné que feue Fatema Mernissi est une femme qui honore l’Humanité toute entière, mais surtout une femme qui honore toutes les femmes qu’elles soient marocaines ou non marocaines, issues du Maghreb ou de l’Orient, de l’Afrique ou de l’Amérique, de l’Europe, de l’Asie ou de l’Australie.

Fatema Mernissi, femme d’exception

Et d’ajouter que la défunte était connue par ses innombrables actions, son combat, son parcours atypique et son œuvre colossale qu’elle a léguée à l’Humanité.

De son côté, Mme Magda Popeanu, représentant la mairesse de la ville de Montréal, Valérie Plante, a salué la mémoire d’une “dame d’exception”, dont la parole s’est éteinte le 30 novembre 2015 à l’âge de 75 ans, mais dont les mots sont là pour rester.

Elle a ajouté que feue Mernissi, cette “grande humaniste”, qui fut la première sociologue du Maroc contemporain, a laissé une œuvre prolifique traduite en 25 langues, soulignant que la défunte a été aussi une “visionnaire” et une militante à la parole incisive, dont le thème de prédilection était la déconstruction de l’image qu’a l’Occident de la femme arabo-musulmane.

Mme Popeanu a indiqué que feue Mernissi, “la Shéhérazade marocaine” est une femme “à ancrer dans notre mémoire collective”, qui a déconstruit des préjugés, lutté pour les droits humains, et uni les femmes de l’Orient et de l’Occident en les invitant à agir par les mots pour contrer la violence qu’elles subissent.

Une éminence de la sociologie arabe

Pour sa part, Yassin Adnan, écrivain, journaliste et membre de la Chaire Fatema Mernissi, a souligné qu’avec la disparition de la “Shéhérazade marocaine”, la sociologie arabe a perdu l’un de ses esprits les plus éminents et les plus lus à travers le monde, relevant que la défunte était une conteuse passionnée, fascinée par les histoires : les siennes et celles des autres.

Il a fait remarquer que Mme Mernissi s’est hissée dans le monde arabe et au-delà au rang de sociologue arabe la plus connue et écrivaine arabe parmi les plus influentes en Occident, et dans le monde entier.

Relevant qu’”il est impossible de catégoriser Fatema Mernissi, car “dans son œuvre, la science et la littérature se fondent, la recherche universitaire et le pouvoir d’imagination s’imbriquent”, il a expliqué que son courage à toute épreuve en matière de questions féminines a constitué une source d’inspiration majeure pour les mouvements féministes arabes.

“Fatema Mernissi a toujours dit les choses, abordé et exposé les problèmes d’une façon originale et bien à elle. Mais la valeur sûre de son projet intellectuel résidait dans le dialogue. Encore et toujours, elle a continué à engager l’échange comme solution aux dilemmes culturels”, a-t-il soutenu.

Une femme libre

Dans la même veine, Mme Sanaa El Aji, sociologue, écrivaine et journaliste, a affirmé que feue Mernissi ne s’est jamais inscrite dans les schémas classiques et traditionnels de la recherche : elle était une femme libre dans son âme et dans sa pensée ainsi que par rapport aux codes restrictifs imposés par les longues bibliographies méthodologiques.

Elle a expliqué que la défunte sociologue et écrivaine pouvait aller au-delà de ces codes qu’elle maîtrisait sans en être prisonnière, dans sa quête du savoir et de la connaissance, précisant qu’elle a brillamment réussi ce mix magique entre l’exploration sociologique et la littérature.

Selon Mme El Aji, Fatema Mernissi a créé sa propre méthode et sa propre école où la technique ne peut pas prendre le dessus sur le fond, et où les méthodologies de recherche sont un outil pour interroger les réalités et les dynamiques sociales, et non un frein qui encadre et emprisonne le fond même de la pensée.

Et de relever qu’au-delà des propres résultats auxquels elle est arrivée et qui restent indéniablement d’une valeur scientifique, sociologique et humaine très élevée, c’est surtout le chemin du questionnement perpétuel qu’elle nous apprend à emprunter.

Pour sa part, Françoise Naudillon, professeur au département d’études françaises à l’université Concordia à Montréal, a mis en relief l’héritage intellectuel de Mme Mernissi, soulignant que ses paroles et ses écrits résonnaient toujours à travers le monde.

Pour elle, feue Mernissi était non seulement une “passeuse de parole” de l’Orient à l’Occident, mais aussi “une passeuse des frontières” d’une écriture à l’autre.

Mme Naudillon, qui a aussi jeté la lumière sur la riche bibliographie de Mme Mernissi, a affirmé que cette icône marocaine a su établir avec brio un lien entre la littérature et la sociologie, grâce à l’habileté dont elle faisait preuve dans son écriture.

De son côté, Ahmed Toufik Zainabi, docteur en développement local et directeur de la promotion des droits de l’homme au Conseil national des droits de l’homme, a livré un témoignage dans lequel il a rappelé sa première rencontre avec Fatema Mernissi au début des années 2000, alors qu’elle était en voyage à Zagora en train de préparer son livre “les Sindbads marocains, voyage dans le Maroc civique”, ajoutant qu’elle l’avait invité ainsi que ses collègues de la région du Drâa à rejoindre sa caravane civique qui comprenait de nombreux acteurs, artistes et intellectuels marocains et étrangers venus partager leurs expériences et préoccupations intellectuelles et artistiques.

Il a indiqué que Mme Mernissi a pu dissoudre à travers sa caravane civique, pendant plusieurs années, les différences entre générations, sexes, nationalités et mentalités, notant qu’elle n’a pas cessé d’appuyer son groupe à travers l’organisation d’une série d’ateliers d’écriture dont l’un a été couronné par la publication d’un guide touristique sur la vallée du Drâa.

Mme Mernissi, a-t-il poursuivi, croyait fortement aux talents du Maroc profond et avait un sens aigu d’exploration et de découverte de ces talents, estimant que sa véritable force réside non seulement dans l’exploration et le découverte, mais aussi dans le soutien et l’orientation des talents découverts.

Il a ajouté que la défunte sociologue était très positive dans ses analyses et sa lecture critique de la réalité marocaine, et était très consciente des défis socio-économiques que le pays devrait affronter, relevant également qu’elle mettait toujours en exergue les réalisations positives du pays et procédait le plus souvent à des comparaisons du Maroc d’aujourd’hui avec celui de son enfance.

Et de conclure que la disparition de Fatema Mernissi est “une perte énorme” pour le Maroc en général et ses disciples du Maroc profond en particulier.

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