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Islamophobie; l’autre nom du combat contre la haine

Abdelghani Dades

Abdelghani Dades

Lorsque dans les années quatre-vingt et dix du siècle dernier, un certain nombre de sociétés occidentale étaient entrées dans un nouveau cycle de conservatisme et de xénophobie, on n’y avait pas trop pris garde. Certes les discours de leaders d’opinion extrémistes choquaient-ils, mais personne ne prenait la peine de contre argumenter et de démonter les escroqueries intellectuelles auxquelles ils se livraient.

Le silence méprisant des bien-pensants a cependant eu cet effet pernicieux que les discours exclusifs non contredits on pu tranquillement faire leur chemin dans la tête des gens ordinaires, s’imposer comme une vérité.

Le résultat, on le voit aujourd’hui, est que les tenants d’idées extrêmes sont soit au pouvoir comme en Hongrie (et même un peu plus près de nous), soit dans les allées du pouvoir comme au Pays Bas ou encore tout près des marches du pouvoir comme en France pays-mère pourtant de toutes les libertés. Et tous ont en commun de se prévaloir légitimement  de leur accession démocratique aux postes suprêmes de leurs pays respectifs et de compter sur une masse d’électeurs indéfectibles.

Un tel cheminement est-il possible ici, au Canada et au Québec?

À première vue non. Mais à y regarder de plus près, le doute est permis.

Le débat autour de la motion parlementaire M-103 est en ce sens parfaitement significatif.

À l’est comme à l’ouest du pays en effet, les groupuscules racistes et suprémacistes ont réussi à accréditer l’idée chez bon nombre de citoyens ordinaires que «l’immigrant (entendez aujourd’hui le musulman) impose sa différence et change notre société». Un débat bien mené sur l’islamophobie étant de nature à dissiper cette peur injustifiée, l’étape suivante consiste à – à la fois – contester la notion d’islamophobie, nier sa pertinence et l’existence des réalités qu’elle recouvre et empêcher tout débat prouvant le contraire.

Ingrédient supplémentaire : la peur encore.

Ainsi dans le discours de ces gens-là, donner crédit à ce fait, qu’ils décrivent comme «vide de sens et de signification» qu’est l’islamophobie, ne serait qu’une manœuvre des musulmans – ne pouvant être soutenus en l’occurrence que par des gens naïfs – afin de restreindre l’une de nos plus belles libertés, la liberté de penser et de s’exprimer. Et la résolution M-103 ne serait donc que l’un des outils de ce complot.

Sauf que l’islamophobie existe bel et bien. Son expression est même de plus en plus courante dans notre vie quotidienne, de l’agression verbale d’une femme portant le voile jusqu’au cas extrême de la mosquée de Québec, est de plus en plus fréquente.

Ce, en outre, que ne disent pas les adversaires de M-103 c’est que si la motion parlementaire cite nommément l’islamophobie, elle concerne bien plus que cela, à « condamner la discrimination envers les musulmans, toute forme de racisme et de discrimination religieuse systémiques et demande que l’élaboration d’une approche pangouvernementale soit étudiée».

Et c’est très bien ainsi, car si bien contre le gré de la plupart d’entre eux, les musulmans sont au centre de toutes les attentions ces derniers temps, l’islamophobie n’est pas le seul travers exclusif de notre société; son éclosion n’a malheureusement pas fait disparaitre la judéophobie, ni le racisme fondée sur la couleur de la peau, les choix de vie ou la différence physique.

En somme, comme le dit Thomas Mulcair, leader du NPD, c’est la haine qui est visée par la motion; et de poursuivre «Soit on est contre la haine, et l’islamophobie est une manière d’exprimer sa haine, soit on va essayer de la justifier».

Ce qui est cependant dommageable, c’est que le débat sur cette question reste dans l’enceinte du Parlement fédéral; les débats y sont féroces et engagent l’ensemble de nos élus, «pour» et «contre». Ce débat trouve écho dans les média, bien sur. Mais hors de ces cercles, il ne touche pas tous ceux qui devraient se sentir concerné, c’est-à-dire l’ensemble des citoyens canadiens.

Ainsi, lorsque des manifestants décident de s’exprimer sur la question on retrouve d’un côté des groupuscules dit «d’extrême droite» et pour leur donner la contradiction, de l’autre côté, des membres de partis «d’extrême gauche».

Autrement dit, quelle que soit l’issue du débat, il n’aura été influencé que par les députés et par une infime minorité de citoyens aux idées de surcroît marginales.

Notre question est alors : avons-nous le droit de laisser une minorité nous dicter un choix de vie collectif?

Certes non, surtout lorsqu’il s’agit de faire face à une préoccupante et dangereuse montée de l’intolérance et du racisme au Québec, au Canada et ailleurs encore à travers le monde; surtout lorsque nous pouvons encore faire la différence…

Abdelghani Dades (Édito atlas.Mtl 299 du 23 mars 2017)

 

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