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Dons d’organes. Ce qu’en pensent les théologiens musulmans «Sans contrepartie, non seulement licites, mais fortement encouragés»

Dons d’organes. Ce qu’en pensent les théologiens musulmans «Sans contrepartie, non seulement licites, mais fortement encouragés»Comme tous les pays du monde, le Maroc a célébré le 17 octobre 2016, la Journée nationale de sensibilisation au don d’organes et des tissus, qui coïncide avec la Journée mondiale du don d’organes. Si le cadre législatif avance, notamment avec la promulgation de la loi n°16-98 régissant le don et la transplantation des organes et des tissus humains, les Marocains restent encore hésitants et peu sensibilisés. Pour justifier cette hésitation, certains évoquent la position de l’islam quant à cette question. L’Islam est-il contre le don d’organes ? Les éclaircissements de Mustapha Benhamza et d’Ahmed Kafi.

Une question épineuse

Sujet toujours sensible, tabou ou même inconcevable pour la majorité des Marocains, le don d’organes, même après le décès de la personne, reste une question épineuse. Certains brandissent même la position de la religion musulmane, interdisant selon eux ce genre d’opération, sans même se renseigner sur l’actualité en la matière. La Charia autorise-t-elle le don d’organes ? C’est la question que nous avons posée ce mardi à Mustapha Benhamza, président du conseil des oulémas d’Oujda et à Ahmed Kafi, professeur d’enseignement supérieur des études islamiques à l’Université Hassan II de Casablanca.

Le premier fait un rappel historique de cette question qui s’est invitée au menu de plusieurs rencontres des Oulémas de l’Islam. « Les Oulémas de l’Islam avaient déjà sorti une fatwa sur ce sujet, qui a été abordé pas mal de fois, notamment par le cheikh Abdellah Guennoun (théologien et l’un des plus grands érudits du 20e siècle au Maroc, décédé à Tanger en 1989, ndlr) », déclare Mustapha Benhamza. Pour lui, « l’ensemble des oulémas considèrent cet acte comme un appui, un support et une forme de soutien à autrui », parce que ce genre de dons permet de sauver la vie d’une autre personne.

«Hautement recommandé»

Dans sa déclaration, le président du Conseil des oulémas d’Oujda insiste sur le fait que le don d’organes est une pratique courante aujourd’hui dans plusieurs pays musulmans. « La greffe, le don et la transplantation disposent actuellement de tout un arsenal du point de vue religieux afin d’encourager cette pratique ». Et d’indiquer que « le don d’organe est hautement recommandé dans la mesure où c’est un geste destiné à préserver la vie d’autrui et de l’aider. C’est un geste humain que les musulmans doivent pratiquer pour soutenir leurs frères et sœurs. Il faut savoir que les musulmans profitent eux aussi de ces dons dans des pays européens et il y a des gens qui font don de leurs organes sans même connaître les personnes qui vont en bénéficier ».

« Systématiquement sans contrepartie» 

Acte de matérialisation du sacrifice et de la générosité, pour reprendre les mots de Mustapha Benhamza, notre interlocuteur insiste aussi sur le fait que « si le don intervient après le décès du donneur, il est permis à condition que la finalité soit à 100 % charitable ». A l’argument très souvent utilisé par certains musulmans qui rappellent que « le corps humains reste un cadeau de Dieu et [qu’]il faut le préserver », notre interlocuteur note que « lorsqu’une personne fait don d’un organe, elle sauve la vie et le corps d’une autre. Elle ne décide pas de pratiquer ce prélèvement pour s’en débarrasser ». Et d’ajouter que « l’humain fait ce geste lorsqu’il aime la vie et souhaite la préserver ».

Ahmed Kafi, professeur d’enseignement supérieur des études islamiques à l’Université Hassan II de Casablanca, quant à lui, rappelle les conditions mises en place par la réflexion des oulémas sur cette question. « La vente ou l’achat d’organes est unanimement interdit. La dignité de la personne est préservée lorsqu’elle ne rentre pas dans ce processus. »

Pour le don d’organes, la Charia différencie entre deux aspects : « Le don d’une personne décédée ou en mort encéphalique et le don d’une personne vivante à une autre ». Le premier est « autorisé voire même encouragé dans l’Islam mais avec des conditions », insiste Ahmed Kafi avant d’apporter les précisions. « D’abord qu’il y ait un don, promis, écrit ou déclaré à un proche. Cela doit émaner de la volonté de la personne, sans pression ni contrepartie. Les oulémas insistent sur le fait qu’en cas de contrepartie, notamment matérielle, le don reste formellement interdit par la religion », poursuit-il.

«Sans danger pour le donneur»

Pour le deuxième aspect, la personne toujours en vie et après son accord peut, elle aussi, faire don d’un organe mais avec une condition : « L’expertise médicale doit prouver que l’organe donné n’est pas un membre vital et qu’il n’y aura aucun danger pour le donneur. En cas de danger ou d’impact sur le corps du donneur ou même sur sa psychologie, le don n’est pas autorisé », précise le professeur des études islamiques.

« La santé mentale et physique du donneur doit être garantie. On ne peut donc accepter de soigner un malade en rendant un autre patient tout aussi malade que lui. C’est une règle et une base doctrinale de l’Islam », conclut-il ses propos.

 

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