“We can never build alone, we need others!” (Nous ne pouvons jamais construire tout seuls, nous avons besoin des autres!”). Cette formule simple de Jamal Chaouki, professeur, d’origine marocaine, á l’École Polytechnique de Montréal, résume à elle seule le sens et la force de la rencontre historique du 17 septembre 2016, á New York, de trois associations de compétences marocaines du Canada et des États-Unis.
Il s’agit du FCCM (Forum des Compétences Canado-Marocaines), AMCN (American Moroccan Competencies Network) et AMPA (Association of Moroccan Professionals in America).
Compte-tenu de l’importance quantitative et qualitative de ces compétences, elles peuvent avoir un impact significatif sur le Maroc, dans les domaines de l’entreprenariat, affaires et finances, recherche scientifique et innovation, et l’action civique et sociale. Pour Mr. Boutjdir, il s’agit là de contributions allant dans la droite ligne de “l’économie basée sur le savoir” qu’il prône fortement.
Joignant l’acte à la parole, des professionnels de haut calibre, membres de ces associations, ont fait part dans des panels de discussion, de leurs expériences dans divers domaines et suggéré des recommandations spécifiques, basées sur la réalité marocaine, qui seront communiquées aux entités concernées.
Ces domaines concernent l’entreprenariat et l’innovation dans les industries aéronautique et automobile, les secteurs de l’énergie, finances et sciences médicales, ainsi que l’action civique et sociale.
Industries aéronautique et automobile
C’est ainsi que Zouhair Lazreq, directeur en ingénierie à “On-Highway Driveline Technologies” et expert en industrie automobile, recommande un changement radical de paradigme du “government to do it” à “I am going to do it!”. Ce nouvel état d’esprit repose aussi sur une stratégie d’éducation à long terme.
Jamal Chaouki renchérit dans le même sens en soulignant que le Maroc, tout en progressant dans l’éradication de l’analphabétisme, doit aussi procéder à une refonte fondamentale de l’enseignement secondaire et supérieur, qu’il juge “catastrophique” dans son état actuel. Le pays devrait s’inspirer d’autres expériences réussies entreprises au Japan, Inde et Corée du Nord par exemple.
Mr. Lazreq a aussi fait remarquer que l’économie marocaine est entrain d’évoluer d’un système à trois secteurs de base (agriculture, tourisme et services) á une économie industrielle incluant l’automobile, l’aéronautique et les fertilisants dérivés du phosphate. Cette évolution progressive de “consommer” à “fabriquer”, et ensuite à “innover” requiert un investissement conséquent en recherche et développement, et la promotion d’écosystèmes intégrés incluant la sous-traitance industrielle de 2ème, 3ème et 4ème niveaux.
Souad Elmallem souligne également le développement considérable de l’aéronautique au Maroc, avec “la multiplication par 10 de tous les indicateurs de ce secteur en 10 ans!” Elle, qui a facilité un investissement de 200 millions de dollars au Maroc du canadien Bombardier permettant la création de 850 emplois, a fondé sa propre compagnie appelée 6temik qui favorise et accompagne des investissements similaires de la part d’autres acteurs internationaux.
Tout en mettant en exergue la qualité de la formation accomplie par le Maroc en aéronautique, Mme Elmallem signale la déficience du middle management qu’il y’a lieu de corriger.
Énergie et environnement
L’énergie est un autre secteur où l’innovation est requise au plus haut point. Selon Mr. Chaouki, le Maroc doit évoluer d’un “acheteur de technologie” á un “producteur de technologie” moyennant l’éducation et l’innovation.
Le coût élevé de l’énergie au Maroc constitue, d’après lui, un frein au développement. D’où le besoin d’en diversifier les sources, et s’atteler en particulier à transformer les déchets en énergie.
Pour sa part, Saad Zouaq, président d’Airtek, une entreprise de services en environnement, attire l’attention sur la multiplication de la législation environnementale, et par conséquent la hausse vertigineuse du coût de conformité à cette législation.
Cette évolution n’est pas l’apanage des seuls pays développés. Elle affecte aussi les pays en développement tels que le Maroc. D’où la nécessité de développer un savoir-faire spécifique, tâche autrement plus aisée lorsqu’elle exploite les connaissances acquises ailleurs, en particulier en Amérique du Nord.
Digital Marketing
Amine Bentahar et Loubna Kadiri Hassani, tous deux experts en Digital Marketing, ont réussi des prouesses: le premier en créant la première plateforme économique marocaine (de type Amazone), et la deuxième en spécialisant son offre aux compagnies francophones et arabophones ciblant le marché américain.
La devise de Mr. Bentahar et “d’apprendre à nos enfants qu’ils ont le droit de rêver, et qu’ils ont le droit absolu d’échouer!” Il recommande aussi d’arrêter de tout planifier, et de s’atteler à bâtir l’esprit entrepreneur au Maroc.
Entreprenariat social
Sara Amiri, pour sa part, fait la promotion de “l’entreprenariat social” pour créer de la “valeur ajoutée partagée”. Deux projets en ce sens ont été initiés au Maroc: un á Oujda pour la certification d’inspecteurs automobile, et l’autre á Saïdia pour la création d’une université anglophone en Business et Entreprenariat.
Santé – Médecine
Un second panel de professionnels de la santé á mis en valeur la recherche Medicale, le développement de médicaments et l’application d’autres disciplines scientifiques aux soins de santé. Ce groupe comprend Mohamed Boutjdir en sa qualité de professeur á State University of New York, Mohcine Alami, directeur de la sécurité médicale à Population Council, Hicham Fenniri, professeur à Northeastern University et Rachid Assina, neurochirurgien a Rutgers Neurological Institute.
Ces experts ont en particulier décrit le processus extrêmement long, complexe et coûteux de la création et approbation de médicaments. Ils ont également insisté sur le lien critique qui existe entre éducation, actes cliniques et recherche.
Habiba Chaker, présidente de Ideal Connect International, a par ailleurs rapporté l’effort plus que louable des “Mercy Ships” dont elle fait partie. Ce sont des bateaux-hôpitaux qui vont à la rencontre de populations démunies pour leur apporter soins et réconfort.
Économie
Un autre panel regroupe des experts en systèmes économiques et d’affaires: Mariama Zhouri, directeur associé de HammerSmith Consulting, Manaf Bouchentouf, Directeur exécutif à La Banque Nationale du Canada et Houda Rabah, directeur des analyses à MetLife. Ce groupe s’est penché sur le processus de création et développement d’entreprises startups, ainsi que les systèmes d’exploitation de grandes masses de données, en particulier pour le marketing.
Social
Enfin, un dernier panel est consacré à la responsabilité civique et sociale, et au volontariat. Composé de Naima Remmak et Souad Kiram, toutes deux activistes dans les domaines sociaux, ainsi que de Mohamed Boutjdir et Chawki Zahzah, présidents respectifs de AMCN et AMPA, ce panel a rendu compte d’une myriade d’activités organisées en faveur des communautés démunies et des défis que cela pose, en particulier pour la communauté marocaine et immigrée.
En somme, cette première rencontre des compétences marocaines d’Amérique du Nord a permis des échanges extrêmement riches et fructueux, et identifié de nombreux enseignements transférables, pour une bonne part, au Maroc.
Ces échanges sont appelés à se poursuivre, avec notamment une seconde rencontre annuelle dont il a été décidé qu’elle se tiendra en septembre 2017 á Montréal.
Par Badreddine Filali-Baba pour Atlas.Mtl