Identité, laïcité, religion; Si vous voulez gâcher une réunion de famille ou entre amis, mettez l’un de ces sujets sur la table en entrée. Si vous voulez VRAIMENT transformer la rencontre en pugilat, combinez deux ou plusieurs de ces sujets, ajoutez-y un zeste de politique et lancez la discussion.
Car ici, on est dans l’affect, dans les perceptions, dans le subjectif total; soit donc dans ce que l’humain est incapable de mettre de la raison, de la pondération ou de la sagesse.
Imaginez alors, lorsque l’on sort des cercles privés et que l’on entre dans les espaces collectifs, là où tout un chacun peut s’exprimer et ou des multitudes d’avis peuvent être émis, ce que de tels thèmes peuvent susciter comme controverses dans des foires d’empoigne sans nom. Toujours aux détriments de la paix sociale et du vivre ensemble.
Des débats fondamentaux…
Ce sont pourtant là des débats fondamentaux, qu’il faut mener, un jour ou l’autre.
Avec intelligence? Sans doute; même si comme l’a démontré l’épisode de la Commission Bouchard – Taylor.
Dans la modération? Peut-être pas car ici la modération signifierait que l’on cherche à faire consensus alors que le sujet exige d’abord et surtout de gérer un profond désensus, comme cela à été prouvé par les épisodes douloureux des Charte d’Hérouxville et des Valeurs.
C’est pourquoi bon nombre de politiciens veulent (re)mettre la question à l’ordre du jour; à l’Assemblée Nationale et ailleurs.
Tout dépendra donc forcément de la manière dont on abordera ces questions qui nous interpellent tous. Et la bonne manière n’est certainement pas celle dont, au moment ou s’ouvrent les sessions parlementaires à Ottawa et à Québec, à la veille aussi de l’élection d’un nouveau chef au Parti Québécois, certains de nos confrères ont choisi d’utiliser ces accélérants pour rallumer des incendies sociaux que l’on croyait, sinon éteints, du moins circonscrits.
… et des procès d’intention
Premier procès d’intention, celui fait à Justin Trudeau, lors de la célébration par le segment musulman de la population canadienne de Aïd al Adha, un moment sacré entre tous.
Aux yeux de certains, le Premier ministre en allant présenter ses vœux à cette communauté dans une mosquée, a commis un péché capital.
Et pourquoi le premier ministre n’irait-il pas dans une mosquée? Pourquoi n’irait-il pas dans une synagogue au cours du mois d’octobre si riche en fête juive? Pourquoi n’irait-il pas dans une église ou un temple évangélique ou orthodoxe pour une messe de minuit le mois de décembre prochain et pourquoi n’irait-il pas dans un temple shintoïste, bouddhiste ou confucianiste à l’occasion du têt ou du nouvel an chinois?
N’est-ce pas le devoir d’un dirigeant que de partager les moments de recueillement de tous les citoyens de son pays et de rappeler ainsi l’égalité de tous et les obligations de citoyenneté de chacun?
Doit-on, raisonnablement, exclure tout un groupe du privilège de l’attention du Premier ministre au prétexte que les rites que ce groupe observe dans ses prières déplaisent à une minorité? Et si un tel prétexte suffisait, dans la multitude de confessions pratiquées au pays, ne trouveraient-t-on pas aussi bien des rituels discutables et donc dès lors privatifs des attentions des autorités?
Il est vrai que, à aujourd’hui, Justin Trudeau avait su éviter les pièges auxquels les débats sur la religion, les valeurs et l’identité exposent les politiciens.
Tout comme Alexandre Cloutier, candidat à la chefferie du Parti Québécois. Qui a droit à un même traitement. Et puisque qu’il ne tombe pas lui-même dans le traquenard des déclarations controversées et des polémiques, on cherche à créer une controverse autour de lui, pour le placer sur la défensive et l’obliger à réagir…
Si ce n’est toi…
Ainsi quelqu’un a-t-il eu l’idée d’aller demander son avis à Adil Cherkaoui, sur la course en cours.
Pourquoi et à quel titre Adil Cherkaoui, a-t-il été invité à se prononcer sur un fait qui de toute évidence ne la concerne pas. Car il n’est pas péquiste à ce que nous sachions et qu’en conséquence, puisque non votant, son avis ne regarde que lui…
Pourquoi pas Matthieu Bock-Côté ou Joseph Facal?
La réponse à ce genre de questions, peu importe laquelle et à qui elle s’adresse, ne peut que peser sur la réflexion de ceux qui auront droit de vote lors de l’élection et sans doute servir de repoussoir et défavoriser le candidat en faveur duquel elle est prononcé.
Parmi les militants péquistes votants, un groupe en particulier va devoir maintenant y penser à deux fois avant de se prononcer : les musulmans péquistes (et il y en a bien plus que l’on veut le croire); Pour eux dorénavant, choisir le candidat qui a les faveurs de Adil Cherkaoui, revient à être assimilé à Cherkaoui, à être comme lui diabolisé (à tort ou a raison; là n’est pas la question).
Celui qui a eu l’idée de poser une telle question à un personnage controversé est-il un écervelé auquel la recherche du «scoop» sert d’intelligence? Est-ce quelqu’un de maléfiquement génial qui cherche à infléchir le choix des votants et, advenant une réaction du candidat mis en question à se donner du «grain à moudre»?
Dans les deux cas, les règles de l’éthique et de la déontologie professionnelles et leur finalité, soit servir l’intérêt collectif et non pas se donner pour seul but de créer le «buzz», ont été bousculées.
Pour notre part, nous voulons croire que c’est le premier cas de figure, celui de l’irresponsabilité, qui est le bon.
Car autrement, si c’est le calcul cynique qui a prévalu, il y aurait tout lieu de désespérer de voir un jour les véritables débats publics, nécessaires et utiles, être menés, par tous, pour le bien de tous.
Abdelghani Dades (Edito Atlas.Mtl 286)