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Youcef Bendada : « Le Parti québécois utilise les Maghrébins comme marche pied pour se maintenir au pouvoir »

Yousef Bendada

Youcef Bendada

Le Québec est en pleine campagne électorale pour les élections législatives du 7 avril. Dans la série d’entretiens avec les Algériens de la Belle Province, discussion avec Youcef Bendada, économiste qui y est installé depuis une vingtaine d’années. Il a démissionné il y a quelques mois du Parti québécois (nationaliste et séparatiste).

Le PQ qui forme un gouvernement minoritaire cherche une majorité. Il joue à fond la carte identitaire en polarisant le débat autour de la charte des valeurs québécoises qui interdirait, entre autres, le port du voile dans la fonction publique.

Vous avez été membre du Parti québécois jusqu’à récemment. Pourquoi avez-vous quitté cette formation politique ?

J’ai pressenti qu’une dérive profonde de ce parti était enclenchée dès que les premières informations ont commencé à sortir. Le débat était engagé en conclave par les dirigeants constitués en noyau dur autour de celle qui prend de plus en plus des allures d’une sorte de Dame de fer [La Première ministre du Québec, NDLR], inflexible et intransigeante comme son ministre en charge de charte.

Ainsi et bien avant que le projet de charte ne soit rendu public, j’ai , en toute conscience, décidé de m’exclure de ce parti qui a voulu nous utiliser comme une sorte de marche pied pour perdurer dans le pouvoir en faisant sienne la démarche qui a failli porter la défunte ADQ (Action Démocratique du Québec) au pouvoir.

Je ne me suis plus reconnu dans ce parti, auparavant de coloration socio-démocrate et qui recrute aujourd’hui dans le vivier des nantis et autres conglomérats de fortunés avec pour seule envie : rester au pouvoir coûte que coûte. R. Lévesque s’en offusquerait aujourd’hui

La charte des valeurs québécoises est-elle nécessaire au Québec ? N’y a-t-il pas déjà séparation entre l’État et la religion ?

Une charte des valeurs au Québec? Non, il n’y a aucune nécessité. Mais une charte de la laïcité oui. D’ailleurs, une de nos compatriotes [Djemila Benhabib, NDLR] qui a bâti toute sa réputation autour de ce thème et tout son combat porte sur sa promotion, au Québec et à travers le monde, ne se prononce plus sur la question à la suite de l’injonction de son parti pour la mise en sourdine de cette notion. Elle a abdiqué et s’en tient, selon ses propos à la ligne du parti.

Y a-t-il un danger islamiste ou intégriste au Québec?

Laissez-moi rire très fort devant cette insignifiance! C’est quoi le danger islamiste, intégriste…? Nous même, musulmans pratiquants ou non pratiquants, nous le combattons déjà tous les jours que Dieu fait.

Mais nous n’en voyons pas la couleur dans ce Québec qui est notre pays choisi par nous. Cette menace que l’on évoque avec légèreté me révulse. J’ai honte devant de telles insanités.

Ce ne sont pas les paisibles musulmans qui sont la menace pour la société, ni cette dizaine de burka que l’on rencontre accidentellement dans les rues de Montréal qui vont déstabiliser le Québec. La menace pour ce Québec, c’est la césure profonde entre nous, immigrants et la société, du fait de l’exclusion du monde du travail.

Les statistiques nous révèlent une communauté maghrébine, bien éduquée, diplômée, francisée, mais malheureusement pauvre. Pauvre, parce qu’elle subit le taux de chômage le plus élevé au Québec. Le taux avancé de 30%  me semble même minoré, au regard de la mal vie d’une partie de cette communauté.

L’enjeu, le véritable à l’heure actuelle, devrait être celui de la bonne intégration des immigrants.

La charte ne va-t-elle pas créer plus d’exclusion en congédiant et en fermant la porte du travail à certaines femmes musulmanes?

Manifestement le congédiement prévisible de certaines femmes musulmanes n’émeut nullement Drainville, ni Lisée, ni la Pauline [les ténors du Parti québécois, NDLR]. Ils vont droit devant. Ils sont déterminés.

Vous vous rendez compte du degré de leur détermination! Si cette attitude pouvait être adoptée pour les réformes sociales, économiques pour améliorer, entre autres la situation, dans le système de santé pour contrer le décrochage scolaire etc… , alors le Québec avancerait plus vite vers un mieux-être de l’ensemble de la société et en particulier constituerait une société mieux accueillante pour tous les nouveaux arrivants, pourtant indispensables pour maintenir un équilibre de la population vieillissante et ne se renouvelant que parcimonieusement.

Le débat sur la charte semble avoir donné carte blanche au discours islamophobe et d’exclusion. Qu’en pensez-vous ?

Il n’est pas utile de revenir sur ce burlesque moment où des gens simples [voir vidéo plus bas, NDLR] qui  naïvement ont cru venir enrichir les débats dans une commission parlementaire et se sont ridiculisés. Le blâme est à jeter à celui qui a ouvert la boite de Pandore aux expressions de tous les racismes et dérives malsaines.

Tous les québécois n’ont pas tous des maitrises et des bacs! En ouvrant ce débat le gouvernement savait pertinemment que des dérapages s’en suivraient et que leurs auteurs ne seront pas inquiétés.

Rappelez-vous la commission Bouchard /Taylor. Ce fut un moment puissant de discours haineux, racistes et blessants. Leurs auteurs se sont défoulés et sont rentrés chez eux avec la conscience tranquille.

Ils ont utilisé leur liberté d’expression, ont vomi sur les autre et n’ont pas été inquiétés. Fort heureusement, à part,« Mailloux et le prépuce» [une candidate du PQ affirme que la circoncision est un viol, NDLR] et «la famille qui prend l’Étobus pour voir et s’offusquer que des gens se mettent à quatre pattes pour prier», il faut dire que le gouvernement n’a pas à beaucoup rougir des faux débats sur la question.

Je n’oublierais pas de mentionner l’hystérie qui s’est emparée «des racistes» qui ont imputé la mort d’une maghrébine à son foulard et surtout le silence sidéral de la classe politique devant cet accident? Dû certainement à l’escalier mécanique.

Les enjeux pour la communauté ne sont-ils pas ailleurs (travail, éducation des enfants…) ? et les nouveaux arrivants ne doivent-ils pas se tenir à l’écart du débat sur l’indépendance puisqu’ils n’ont pas émigré pour ça ou contre ça ?

Mais bien sûr! L’enjeu, c’est le travail, l’éducation, la recherche de la stabilité. D’ailleurs les nouveaux arrivants ont de la peine à se retrouver et trouver leur équilibre émotionnel après un déchirement  et leur arrachement à leur pays.

Il n’est pas facile pour une famille déracinée de faire une nouvelle vie dans une société quelque peu différente. Leur combat est quotidien. Leurs préoccupations sont bassement matérielles et très terre à terre. Comme on dit chez nous, «C’est lorsque le ventre est bien rempli que la tête se met à chanter».

Alors comme tous les citoyens ordinaires et à ce moment-là seulement, lorsqu’il y a intégration au sein de la société, par le travail, par les loisirs, que l’homo politicus prend le pas sur l’homo économicus et veut user pleinement de sa citoyenneté.

Il pourra alors participer à tout débat social, politique et marquer de son empreinte son intégration dans la société.

Le PQ vient de présenter quatre candidats d’origine algérienne. Poteaux ?

Je peux vous dire que je connais parfaitement trois candidates. Ce sont des intellectuelles de haut calibre. Leurs bagages universitaires et leur expérience feront rougir de honte plus de 80% des membres des assemblées élues au Québec et au Canada. Les circonscriptions «réservées» à nos compatriotes ne sont pas gagnées d’avance. Le défi est lourd. Dans ces trois  circonscriptions résident des milliers de musulmans. Comment se fera leur engagement? Seul l’électeur pourra nous le révéler, le 7 avril prochain. Pour ma part et après avoir cru très fort qu’en 2012 nous allions avoir une compatriote au sein de l’assemblée Nationale du Québec, je suis pessimiste cette fois sur le sort qui sera  réservé aux candidates.

Quel commentaire faites-vous sur le peu de candidats d’origine maghrébine au Parti libéral du Québec ?

Ce parti gagnerait, à l’avenir, à avoir une approche plus positive vis-à-vis de notre communauté qui, électoralement lui est favorable.

Samir Ben (elwatan.com). Lire l’article depuis la source

 

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