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Les relations Algéro-Françaises vers une nouvelle ère. Hollande vu d’Alger

Avec l’arrivée de François Hollande à l’Élysée, Alger ne sait pas sur quel pied danser. Si le candidat socialiste  présente l’avantage d’être en rupture avec les politiques français sur la réconciliation historique avec l’Algérie,  c’est son appareil qu’on craint le plus au regard des enjeux régionaux.

Hollande et l’Algérie, c’est l’histoire de rendez-vous manqués. Par deux fois, Hollande, candidat à qui on prêtait peu de chances en Algérie de remporter la présidentielle française, est venu à Alger. Par deux fois, le président Bouteflika a oublié de le recevoir pour ne pas ulcérer Nicolas Sarkozy, très attentif à l’accueil des Algériens. Pis, le président algérien reçut à la même époque le chef de l’appareil UMP, Jean-François Copé. Quand François Hollande est passé à Alger, il a eu droit à une rencontre avec Abdelaziz Belkhadem, SG du FLN, et à un déjeuner avec l’ancien président Ahmed Ben Bella qui lui avait offert le couscous dans sa villa à Hydra. “Ici même où Che Guevara prenait le couscous chaque vendredi”, avait glissé Ben Bella à un Hollande qui faisait la diète.

Hier, la séance de rattrapage que s’est imposé le président Bouteflika reflète probablement cette gêne. “Je veux également vous exprimer ma pleine disponibilité à œuvrer, avec vous, en faveur d’une coopération algéro-française qui soit à la hauteur des potentialités des deux pays et en adéquation avec la dimension humaine de nos relations et du partenariat d’exception que nous ambitionnons de construire”, écrira-t-il dans un message qui est tombé 53 minutes après la proclamation officielle de la victoire de Hollande. Un record dans les annales diplomatiques algériennes.

Quelques mois avant, malgré la voiture présidentielle mise à sa disposition, Hollande avait écumé Alger avec un brin d’amertume. Il était venu à Alger pour se construire cette fameuse “stature présidentielle” et être reçu à El-Mouradia. Il n’en fut rien. Il était venu pour incarner une autre vision des relations algéro-françaises, mais Bouteflika semblait tétanisé par la réaction de Sarkozy qui aurait vécu une audience à la Présidence comme une trahison de la part du président algérien. Mais Hollande n’avait pas cure de cela et martelait à qui voulait l’entendre à Alger qu’avec lui, à l’Élysée, ça allait être différent. Mais la méfiance était tenace. Sauf lors de la dernière semaine lorsqu’une délégation emmenée par la pro-marocaine, Élisabeth Guigou, et Benoît Hamon sont venus discrètement à Alger pour renouer un dialogue que Hollande veut apparemment dénué d’arrière-pensées.

Lacoste, Mitterrand  et les autres
Car l’équation vue d’Alger était plus complexe qu’elle n’y paraît. Depuis le début de la présidentielle française, l’Algérie a fait preuve d’une discrétion exemplaire pour ne pas afficher sa préférence et hypothéquer l’avenir. Car le choix était cornélien. Vus d’Alger, toujours, les deux présentaient autant d’avantages que d’inconvénients pour le devenir des relations algéro-françaises. Les deux candidats français ont des visions antagonistes de la relation “privilégiée” entre Paris et Alger.

Pour paraphraser Jean-Pierre Raffarin, facilitateur acharné des relations algéro-françaises : l’Algérie d’en haut vote à droite alors que l’Algérie d’en bas vote à gauche. Dans les constances de la tradition politique algérienne, l’Algérie cultive le leitmotiv suivant :   “La gauche française nous a fait la guerre et c’est avec la droite qu’on a fait la paix.” Le choix algérien est conditionné génétiquement par cette redondance historique qui tient ses racines dans l’histoire de la “guerre d’Algérie”. L’histoire de la guerre d’Indépendance et le rôle cruel de la gauche française dans les premières heures du 1er Novembre 1954 marqueront définitivement la rupture avec les socialistes français. Après Lacoste et Soustelle, et avec un Mitterrand, d’abord ministre de la Justice adepte de la guillotine qui a signé les billets d’exécution de plus de 50 combattants de l’ALN, puis en tant que président français qui a misé sur la ruine de l’Algérie. Le candidat socialiste, François Hollande, a dû porter ce lourd héritage comme une croix et devait s’en affranchir. Mais le peut-il ? Car pour Hollande se pose la contrainte de la double réconciliation. D’abord large, celle entre les deux pays pour concrétiser ce fameux désir d’avenir, mais à l’intérieur de la grande réconciliation, celle des socialistes à l’égard de l’Algérie qui représente un contentieux à part. Dans les milieux politiques algériens, on trouve Hollande “sympathique” ou “sincère”, surtout depuis qu’il s’est promené un certain 17 octobre 2011 sur le pont à Paris pour commémorer le massacre des Algériens. Ce qu’aucun autre homme politique français de son rang, même de droite, n’avait accompli. On se méfie moins de ce Hollande, à la vision nouvelle, qui vient à l’invitation du FLN, tant honni en France par les nostalgiques, pour donner des gages d’avenir. Mais on continue de se méfier du PS. De l’appareil socialiste qui a tant habitué les Algériens aux désillusions de par ses prises de position. Dans ce jeu, Nicolas Sarkozy présentait un avantage de surfer sur cette superstition historique. La droite de de Gaulle, celle dont se réclamaient le RPR, un peu moins l’UMP, faisait toujours recette à Alger.

Sarkozy et la mémoire atrophiée 
Mais le type de campagne électorale, menée par les deux hommes, a fini par convaincre les plus sceptiques à Alger. Sur ce plan, Sarkozy a nettement perdu son crédit par rapport à Hollande. Sarkozy semblait être déchiré sur la question de la mémoire. Il refuse obstinément le repentir ou les excuses officielles, fait une crise d’urticaire quand des parlementaires algériens présentent l’avant- projet d’une loi criminalisant le colonialisme et il courtisait de manière ostensible les réseaux des pieds-noirs, des juifs d’Algérie et des harkis en les haranguant avec un discours que ne renierait pas l’OAS. Sarkozy sur ce plan a été bipolaire. Alger a eu du mal à suivre ses volte-face répétées et seuls les pragmatiques du côté algérien lui trouvaient des excuses sur le fait que l’extrême droite lui était indispensable et qu’il devait faire avec ces lobbies omniprésents dans les milieux de la droite comme Bouteflika ferait de même avec la famille révolutionnaire algérienne. Certains même comprenaient ses écarts. Comme son entêtement à faire réviser les accords de 1968 alors qu’Alger a opposé une fin de non-recevoir et qu’il continue d’utiliser cet argument en campagne comme lors de son dernier meeting à Nice.

Rendez-vous manqué  à Marseille 
Pour François Hollande, la donne est encore plus compliquée. Le vainqueur socialiste a multiplié les signaux positifs sur sa disponibilité à revisiter le grenier de l’histoire. Il emprunte à Sarkozy une vision “décomplexée” sur les relations algéro-françaises mais à Alger on a du mal à croire à sa marge de manœuvre en interne.

Hollande, auquel peu croyaient à Alger, avait reçu un accueil amical mais réservé. Si le FLN s’est rabiboché avec le PS français, à travers les réseaux de l’Internationale socialiste, et que Hollande accepta le principe d’un débat à Marseille, début avril, avec Belkhadem (débat qui n’a pas eu lieu car Hollande se décommanda en proposant Manuel Valls. Ce que le SG du FLN refusa à son tour), les relations avec le PS ne peuvent pas pour autant être qualifiées de refondation. L’amertume est grande, côté algérien, sur les coups de boutoir d’un PS qui avait “lâché” l’Algérie durant les années du terrorisme.

Dans l’ordre de l’invisible, les réseaux algéro-français continuent à fonctionner à plein tube. Sur ce plan, François Hollande peut se prévaloir d’avoir dans son équipe, Faouzi Lamdaoui, chef de cabinet issu d’une diversité qu’on croit forcément sensible à l’Algérie. Un signe d’une ouverture plus large sur les Français d’origine algérienne qui ont une sensibilité plus acérée sur les relations bilatérales.

Reste que dans le camp socialiste, hormis Jean-Pierre Chevènement, qui possède des relais efficaces en Algérie, peu de ténors du PS peuvent se prévaloir d’en avoir en Algérie. C’est plutôt vers le Maroc que ce PS revisité, mitterrandiste, semble pencher. Martine Aubry, déléguée à Rabat, Strauss-Kahn, lobbyiste du Maroc dans les sphères socialistes, Pierre Moscovici, pourfendeur acharné de l’Algérie au Parlement de Strasbourg ou à la Commission européenne de Bruxelles, tous ne donnent pas des gages de quiétude vu d’Alger. Mais le bénéfice du doute existe envers un Hollande qui semble plus déterminé que jamais à renouer avec Alger avec un regard neuf.

Par : Mounir B / Liberté-Algerie

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