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Débats: Le Maghreb à l’ombre du Printemps arabe

Les petits pas et les dérobades des politiciens n’entachent cependant en rien la foi et l’enthousiasme qui, depuis 1957 date de la naissance de l’idéal maghrébin, continuent de se manifester chez les originaires des pays concernés par l’Union.

Les canado-maghrébins de Montréal ne manquent pas de souscrire à l’idée et considèrent que leur citoyenneté pleine et entière passe autant par leur implication dans la société que par une contribution à l’édification du Maghreb. Cette position a encore une fois été affirmée lors d’une rencontre tenue à l’Université de Montréal le 23 mars écoulé à l’initiative conjointe de l’association Marocains du Canada et de l’association des étudiants en science politique et des études internationales de cette université.

Faisant intervenir, devant un parterre de plusieurs dizaines de participants que l’atmosphère en ébullition qui régnait ce jour sur le monde académique n’a pas réussi à dissuader, cinq universitaires en renom qui ont tout d’abord re-planté le décor maghrébin avant de dire leurs vœux et déceptions devant son parcours en dents de scie.

Scepticisme et «Poésie politique»

Pour Omar Aktouf, qui est sans doute à classer parmi les maghrébo-sceptique, le discours des décideurs sur ce projet relève de ce qu’il appelle «le Discours minimum interprofessionnel garanti». Pour ce spécialiste du management, l’Union ne deviendra possible que lorsque tous les pays de la région seront d’accord pour mettre au point un système managérial propre, mis au service des pays et peuples de la région et n’obéissant en conséquence plus à un mode de passé qui a fait son temps, le capitalisme. «L’intelligence économique réside non pas dans la capacité à résoudre les problèmes, mais dans la capacité à les formuler». Or, au Maghreb aujourd’hui, on continue à croire que les Investissements Étrangers Directs vont régler les difficultés économiques qui entravent la réalisation de l’unité régionale «comme si l’on pouvait gérer un problème avec les outils du système qui l’a généré».

Tout aussi critique aura été le professeur Samir Moukal, second à intervenir qui constate que «Entre les pays du Maghreb, 36 conventions ont été passées. L’Union, dont les objectifs sont en tous points similaires à ceux de la Ligue Arabe, s’est aussi dotée d’instance communes; mais tout ceci reste presque sans effet. On est dans les eux cas dans la «Poésie politique», un discours dans lequel le mot peuple est toujours présent mais qui reste de peu d’effet». Sa conclusion n’est pas moins grise, il s’interroge en effet en conclusion «L’enthousiasme maghrébin des années 80 existe-t-il encore?», manière de dire, peut-être, que cette Union n’est qu’une chimère.

Espoir et pragmatisme

Ces propos ne laisseront pas indifférent le troisième intervenant, Le Pr Najib Lairini. Ce spécialiste en relation politiques internationales pense que le Maghreb est «une opportunité à saisir». Jusqu’à aujourd’hui croit-il, on a hésité entre «une approche romantique voulant que parce que les peuples de la région se ressemblent, ils finiront par se rassembler et une approche pragmatique qui imposera l’Union à la faveur d’une complémentarité réelle entre les pays de la région». Il privilégie pour sa part l’approche pragmatique, une approche passant à son sens par «un combat contre les risques d’instabilité dans la région, non pas dans une logique sécuritaire mais dans une logique économique».

Pour M. Mohamed Reda Khomsi, pas de doute : l’Union peut se faire. C’est encore certes «un bébé qui souffre de troubles sévères». Mais son diagnostic vital n’est pas désespéré. Le Maghreb doit apprendre à se faire, d’abord en coopération avec  les sept autres ensembles régionaux ou subrégionaux existant , puis en menant une véritable réflexion autocentrée, sur le modèle d’intégration à promouvoir et développer.

La place de la société civile dans le processus

Dernier intervenant, Atman Chebli avait la lourde tâche d’analyser à la fois le rôle des médias et la place éventuelle des maghrébins vivant à l’étranger dans l’édification du Maghreb.

Optimiste également, il considère que les évolutions politiques récentes – ou à venir – dans la région, sont un« facteur innovant» à même de faciliter le processus unitaire. Reste toutefois une question à régler : «Qui va élaborer le contenu (notamment économique) maghrébin et avec quel référentiel? Quelle place la société civile va-t-elle occuper dans cette démarche?». À l’ère des «frontières incontrôlables», celle de la circulation de l’information, dit-il, «on voit émerger un contenu qui n’est pas forcément lié aux dirigeants; un changement semble s’opérer dans les médias et la circulation de ces idées va à l’encontre du blocage des structures des médias».

Il sera cependant un peu plus dubitatif sur le rôle des canado-maghrébins dans le processus. «On reste tous conditionnés par nos appartenances nationales plus que par notre identité régionale. Il n’y a pas de communauté maghrébine en tant que telle. Ce cloisonnement hypothèquera, tant qu’il durera, toute démarche concrète qui pourrait par exemple aboutir à la création d’un Centre de recherches maghrébines. Et pourtant, la relative neutralité que nous offre notre appartenance au Québec devrait nous permettre de nous rapprocher sur l’objectif unitaire de la région et de contribuer puissamment à sa réalisation.»

Atlas.Mtl

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