0

Ce que peuvent dire des urnes

Si la ligne de front de l’information est occupée par la grève des étudiants et l’opération Gravier, cela n’empêche guère le landerneau politique québécois de bruisser de mille et une rumeurs sur d’éventuelles élections législatives au printemps peut-être, au plus tard, plus probablement à l’automne. Les désignations par la CAQ, chaque jours, de nouveaux candidats; tout comme l’annonce cette semaine par des figures de proue du gouvernement Charest – telles les ministres Raymond Bachand et Lise Thériault – de  leur intention de briguer à nouveau la confiance des électeurs; donnent encore d’avantage de corps à ces pronostics consultatifs.

Les actualités électorales ne s’arrêtent cependant pas là.

Scrutins d’ici et d’ailleurs

Deux autres scrutins se frayent en effet leur petit bonhomme de chemin dans l’attention des québécois et québécoises : les présidentielles françaises (premier tour le 22 avril et second tour le 6 mai 2012) et les législatives algériennes (10 mai 2012).

Le suspens qui plane sur l’issue de la course Sarkozy – Holland ou l’impact d’une Assemblée Nationale renouvelée sur l’évolution institutionnelle de l’Algérie expliquent certes cette attention, qui se manifeste avec plus ou moins d’intensité selon les origines; mais d’autres facteurs, justifieraient une autre approche, et d’autres analyses.

Car ici se pose une infinité de questions auxquelles beaucoup de pays du monde, sous la poussée des migrations humaines, ne réussissent pas à donner de réponse : quelle citoyenneté doit être celle des «double nationaux»? Quelle participation politique doit accompagner cette citoyenneté? Citoyenneté d’origine ou citoyenneté de résidence? Participation aux consultations organisées dans le pays d’origine, dans le pays de vie ou double participation?  À quel niveau de représentation, municipal ou législatif? Etc.

Certes, des réponses – plus ou moins nombreuses – ont été apportées dans les faits à ces questionnements; En Amérique du Nord, Canada et Québec compris, tout comme en Europe, des élus, aux plus hauts niveaux quelquefois, des personnalités issues de la diversité, souvent talentueuses, ont-elles fait leur choix, brigué et obtenu des charges publiques de haut rang. On n’en reste pas moins au niveau individuel, au niveau de l’exercice d’une liberté personnelle et civique à laquelle rien ne peut s’opposer.

Au niveau des États en revanche c’est, généralement, le non-dit et l’embarras qui priment.  L’implicite aussi. Un exemple.

Nationalité Vs citoyenneté

Lorsque, au Maroc, un débat national était engagé sur le réforme de la constitution du pays, parce que la citoyenneté marocaine est inaliénable, il à été question de la place et du rôle  des originaires du pays vivant au-delà des frontières, un des gros problèmes posés à ceux qui avaient en charge la rédaction du projet de Loi suprême, consistait à trouver les mots formalisant les droits des expatriés sans porter la moindre atteinte à la souveraineté de résidence (et souvent de citoyenneté) de ces mêmes expatriés. De ce fait, la réponse trouvée est que le droit de vote et d’éligibilité est garanti formellement; l’exercice de ce droit, s’il est revendiqué par les concernés est réglementé par les lois électorales adoptées pour chaque scrutin; les votes hors territoire marocain ne sont pas abordés mais il est évident qu’ils seront toujours exprimés en fonctions des lois des pays dans lesquels ils pourraient se dérouler. On ne sort ici pas des pratiques courantes et des usages en vigueur.

En revanche un autre article de la constitution vient apporter des possibilités d’interprétation tout à fait intéressantes. La Constitution marocaine prévoit ainsi que les non-marocains vivant sur le territoire du Maroc peuvent participer aux élections municipales. Sous réserve bien sûr de réciprocité. Autrement dit, un canadien vivant au Maroc, même sans porter la nationalité du pays, pourra participer aux scrutins pour l’élection de ses édiles, si toutefois un accord entre Rabat et Ottawa est passé, autorisant et cette participation et la participation des marocains vivant au Canada et non détenteur de la citoyenneté canadienne à voter aux municipales. On reste ainsi, au pied de la lettre, dans le respect de la souveraineté des pays tiers puisque cette disposition concerne essentiellement ceux qui, émigrés,  conservent leur nationalité d’origine et elle seule, le tout aux termes d’un accord d’État à État.

Mais dans l’esprit, implicitement donc, cet article peut être considéré comme un «encouragement» aux double-nationaux à adopter, dans les scrutins législatifs, une citoyenneté de résidence et une participation civique dans les pays de vie. En toute bonne logique, un tel «encouragement» en appelle aussi au bon sens des citoyens concernés pour le reste. Il a également le mérite de ne pas ignorer un problème réel, d’aborder une question difficile, d’y apporter un début de réponse.

Tout n’est cependant pas ainsi réglé. D’autres réflexions, dans d’autres pays (et le Canada n’échappe pas à cette nécessité), doivent être menés afin que «nationalité» et «citoyenneté cessent d’être confondus, afin que des attitudes liberticides (interdiction de la double nationalité, interdiction des scrutins «étrangers» etc.) cessent d’être adoptées, afin que des mouvements rétrogrades  ne profitent plus de lacunes normatives pour restreindre les libertés publiques de citoyens n’ayant que le tort d’être différents.

Post Scriptum

Dans les dernières pages (pages 27 et 28) de ce numéro, vous lirez sans doute avec intérêt deux articles traitant de sport, du bon usage et du mauvais usage que l’on peut faire du sport : un outil de développement social et d’intégration, avec le «Projet Contact», ou un outil de perturbation sociale avec un nouveau cas de hooliganisme.  Sans en avoir l’air, ces deux articles traitent du même sujet que l’éditorial ci-dessus : la citoyenneté.

Abdelghani Dades (Edito Atlas.Mtl numéro 179 du 26 avril au 9 mai  2012)

Rubriques : Édito, Société Mots-clés : , , , , , , , , , ,
© 2002 - 2017 Atlas Media. Tous droits réservés.
Propulsé par Noordev Technologies inc