
M Jason Jenney et M Wahid Megherbi
«Le but est d’avoir un système juste et efficace»
Le 16 février écoulé, le gouvernement déposait un projet de Loi qui donne un véritable tour de vis dans les procédures et démarches donnant accès à un droit de résidence et au statut de réfugié au Canada. La démarche a suscité, comme toute initiative qui touche aux droits de la personne dans un sens restrictif, une levée de bouclier chez tous ceux – et ils sont nombreux – qui craignent les effets du virage à droite que semble être la politique du gouvernement de M. Harper.
Nous faisons état dans les pages suivantes, des réserves émises sur ce projet de Loi C-31. Mais nous ne pouvions manquer de donner aussi la parole sur le sujet au Ministre responsable de l’Immigration et de la Citoyenneté. M. Jason Kenney développe donc ici les arguments qui selon Ottawa, justifient la démarche gouvernementale et dont l’objectif, dit-il est de mettre en place «un système juste et efficace» dans le traitement des demandes de statut de réfugié.
Le ministre a également profité de cet entretien pour rappeler, notamment à l’intention de la communauté maghrébine l’existence de programmes destinés à répondre à sa préoccupation première : intégrer le marché de l’emploi. Entretien.
Jason Kenney : « Croyez en votre pays, le Canada; Car ce grand pays croit en vous.»
Wahid Megherbi: Pourquoi le gouvernement a-t-il changé les dispositions de la loi des réfugiés ?
Jason Kenney : Nous avons constaté des problèmes graves dans le système de l’octroi de l’asile politique au Canada ; deux tiers des demandeurs d’ asile proviennent des pays démocratiques de l’ Union européenne. L’Union européenne fournit plus de demandeurs d’asile politique que l’Afrique ou l’Asie. Or, il faut que le système de l’octroi de l’asile donne la protection aux refugiés légitimes. C’est inacceptable que les demandeurs d’ asile, victimes de persécutions et de tortures dans leurs pays, attendent des années et pendant qu’il nous faut plusieurs années pour évaluer des demandes qui se retrouvent à la fin abandonnées ou refusées et ensuite de renvoyer du Canada les faux demandeurs d’ asile politique. Pendant cette longue période, ces demandeurs profitent du système canadien durant leur présence en sol canadien.
Le but est d’ avoir un système juste et efficace , nous allons nous assurer que tous les demandeurs de tous les pays recevront la même sorte d’ audience auprès de la Commission de l’ Immigration et du Statut pour les Refugiés. Ils recevront, ainsi, des réponses dans un délai de deux à trois mois au lieu de deux années ou plus.
Pour rendre le système encore plus juste, les demandeurs déboutés pourront faire appel de la décision prise par la commission. Ce sera différent de la révision judicaire actuelle de la cour fédérale qui est très technique et limitée.
Il y aura donc un processus accéléré pour les ressortissants des pays qui respectent les lois démocratiques.
Il est écrit dans La Presse qu’ il y avait une commission indépendante qui statuait quel pays est a risque et celui qui ne l’ est pas et que la nouvelle loi accorderait au ministre de l’ Immigration les pleins pouvoirs dans la décision du choix du pays à risque . Qu’en est -t-il au juste?
Le but de ce projet loi est d’aider les vrais demandeurs d’asile. Nous nous efforcerons ainsi à éviter les décisions arbitraires qui pourraient pénaliser les demandeurs d’ asile légitimes. Le projet de loi sur les réfugiés se réfère à des critères basés sur les décisions prises par la CISR ( Commission de l Immigration et du Statut du Refugié) et d’ autres qui stipulent quel le pays débouté est démocratique, exécutoire de la Convention sur les Refugiés. La Convention sur la Torture, possède, également, une cour de justice indépendante et des organismes non gouvernementaux indépendants .Il y a des critères quantitatifs et qualificatifs.
Plus de 95 % des demandes d’asile venant de l’Union Européenne ont été retirées, désistées ou rejetées. 95%. Si cette tendance continue, les demandes d’asile non fondées présentées par prés de 6000 demandeurs provenant de l’Union Européenne en 2011 coûteront aux canadiens près de 170.000.000 $.
Vous avez également pris de nouvelles mesures pour faciliter l’intégration des nouveaux arrivants au marché du travail. Pouvez-vous nous en parler?
C’ est la plus grande préoccupation des immigrants en particulier ceux originaires du Maghreb. J’ai rencontré les ressortissants des pays du Maghreb qui ont de la misère de se trouver un emploi au Québec et dans certaines autres provinces. Cela concerne, surtout, les emplois régis par les Ordres Professionnels.
En 2006 nous avons créé un programme pour donner les conseils aux nouveaux immigrants comment faire leurs demandes auprès les Ordres Professionnels.
Deuxièmement, nous avons créé une entente avec les provinces pour accélérer et simplifier pour la reconnaissance des diplômes étrangers.
Troisièmement, nous avons annoncé cette semaine plusieurs programmes pilotes , qui seront élargis , pour permettre aux nouveaux Immigrants de bénéficier de prêts bancaires pour prendre des cours spécifiques et améliorer, ainsi, leur qualification nécessaire pour leur ouvrir la voie à intégrer le marché du travail dans leur domaine de qualification.
Beaucoup d’immigrants ont de la difficulté de décrocher des prêts financiers auprès des institutions financières. Ils restent dans des emplois précaires qui les pénalisent et les empêchent de participer à l effort économique canadien.
Comment informer les immigrants des programmes mis en place par le gouvernement canadien ?
Nous avons créé un programme qui s’intitule Programme de l’intégration du Canada. Il est disponible pour 85 % des immigrants économiques sélectionnés par le Canada dans les pays outre-mer; principalement en France, Grande Bretagne, Chine et Philippines. Chaque immigrant reçoit des informations appropriées lui permettant de connaitre les mécanismes et de l’accompagner à trouver, plus rapidement, un emploi dans son domaine de qualification.
Nous avons aussi mis en place, un site web ‘Travailler au Canada’ qui indique tous les organismes professionnels. Nous avons fait des campagnes publicitaires qui mettent l’accent sur les programmes fédéraux. Beaucoup de ces programmes sont disponibles dans toutes les provinces mais pas au Québec puisque la province s’ occupe elle-même des question d’ intégration professionnelle.
Les représentants de votre gouvernement participent, souvent, aux fêtes musulmanes. Pourquoi cet intérêt pour notre communauté ?
En tant que ministre du Multiculturalisme j’ai la responsabilité et le désir de représenter le gouvernement du Canada auprès de toutes les communautés culturelles. Les communautés de foi sont tellement importantes dans la richesse de notre diversité ici au Canada. Et Il faut reconnaitre l’importante croissance de la communauté arabo-musulmane au Canada. Je sais qu’ il y a un défi particulier que doit relever la communauté maghrébine à ce qui a attrait aux questions de l Emploi, de la reconnaissance des diplômes et l’intégration économique. Les Canadiens d’origine Maghrébine sont des personnes d’une si belle culture et sont hautement qualifiées mais beaucoup parmi eux malheureusement peinent à trouver un emploi qui répond à leur qualifications et aspirations, ce qui pénalise leur intégration économique mais aussi leur plein épanouissement personnel et professionnel.
Je salue et j’encourage la détermination des membres de la communauté Maghrébine pour mettre à contribution le potentiel humain qualitatif qu’elle recèle.
Quel message adresseriez-vous alors aux membres de la communauté maghrébine ?
Trouver un bon équilibre entre l’identité de vos racines et l’identité qui est aujourd’hui vôtre, votre identité canadienne. Et persévérer. Croyez en votre pays qu’est le Canada. Car ce grand pays croit en vous.
Atlas.Mtl numéro 175 du 1 au 14 mars 2012