«Mon art c’est la traduction, en vers et en notes, du vécu des gens»
Le Samedi 28 janvier 2012, à Montréal, un concert de musique a été organisé par M. Djamel Lahlou, mettant en vedette l’icône vivante de la musique algérienne, Abdelkader Chaou, venu spécialement d’Algérie pour l’occasion.
M. Chaou n’est plus à présenter, il est comme l’a si bien dit son ami Djamel, “ Le dernier des Mohicans ”. C’est un personnage mythique, qui a tout donné à la chanson Algérienne durant près d’un demi-siècle.
À cette présence a largement répondu la joie, empreinte de nostalgie et ponctuée des you-yous de ceux qui ont eu le privilège de participer à cet événement. Et pour cause! L’ensemble du récital ce de plus d’une génération et qui continuent d’envoûter tout un peuple. Moment d’émotion donc et privilège de revoir un chantre enchanteur, un monument de l’art populaire dont le talent n’a d’égal que la modestie et la gentillesse.
Avec la complicité de M. Noufi Belkacem, Abdelkader Chaou a bien voulu prolonger le contact avec ses admirateurs montréalais à travers l’entretien ci-après.
Wahid Megherbi : A l’école primaire je vous écoutais déjà; je vous retrouve sur une scène de Montréal 40 ans après ; quel le secret de votre longévité dans la chanson ?
Abdelkader Chaou : Le Chaabi est une tradition musicale populaire ; il faut être imprégné de la culture et du vécu des gens pour chanter les Qacidates du Chaabi, un style musical que nous avons hérité de nos Maitres. Il faut aimer l’Art pour pouvoir offrir aux mélomanes les morceaux musicaux les plus mélodieux et les plus parlants.
Pourtant, il semble toujours difficile de trouver de bons textes «chaâbi»…
On commence à remédier à cette lacune; il y a la parution récente d’un recueil de textes du poète Sidi Lakhdar Benkhelouf, qui nous a légué des Qacidates, véritables viviers littéraires de la chanson chaâbi. Abdelkader Bendamache, un chercheur, a lancé des journées d’étude sur la chanson chaâbi. Il a également initié le Festival national de la chanson chaâbi. La parution récente de deux ouvrages dont il est l’auteur, permettra, surement, aux générations futures de puiser les plus beaux poèmes et d’offrir, ainsi des morceaux musicaux de la plus belle eau.
Est-il vrai que le chaâbi est influencé, présentement, par la chansonnette ?
Mahboub Bati , que Dieu l’ait en sa sainte miséricorde, a intégré la chansonnette dans le chaâbi, mais il est resté fidèle à la ligne directrice du style musical algérois. C’est bien d’être à la page de notre temps ; mais il ne faut pas trahir l’âme du chaâbi.
Vous, l’un des Ténors de la musique Algérienne ; comment évaluez vous votre influence dans l’essor de la culture en Algérie ?
La culture est vaste et plurielle; la musique en est l’une des facettes. J’ai aimé, très jeune, le chant en restant toujours fidèle à l’esprit premier du chaâbi, qui a traduit, dans les vers et les notes, le vécu des gens. Les kalimates (mots) du chaâbi doivent être claires, pour que la chanson soit reprise par toutes les franges de la population, tous niveaux confondus. Le chanteur se doit être proche du peuple. L’humilité est le secret de la réussite. Savoir apprendre, savoir écouter sont les clés de tout apprentissage. Copier les CD ou plagier autrui ne sont pas les meilleures façons d’acquérir un savoir faire dans ce métier. Moi-même je ne me considère pas comme un virtuose; je ne suis qu’une goute dans la Méditerranée. L’effort et la persévérance sont, également, des ferments de toute évolution féconde dans le monde de l’art. Si j’ai un conseil à donner à la nouvelle génération de chanteurs et musiciens, je leur dirai : “ Soyez modestes, vous irez loin ”.
Quel message transmettriez-vous à la communauté maghrébine du Canada ?
Je suis venu à Montréal à quatre reprises; j’y retournerai autant de fois que je le pourrais tant l’accueil et l’hospitalité des membres de la communauté m’ont touché. Je remercie M. Noufi Belkacem qui s’est mobilisé pour me permettre de me déplacer et rencontrer le plus d’amis. Je salue, également, le courage de nos compatriotes qui vivent loin de leur pays de naissance; qu’ils sachent que je serai, toujours, disponible à leur apporter un brin de Méditerranée.Je remercie le journal Atlasmédias de me donner l’occasion de m’adresser aux lecteurs Algériens, Marocains et Tunisiens, résidants au Canada, pour leur exprimer ma gratitude.
“ Public Montréalais , vous êtes formidables; Merci ”.
Repères
Abdelkader Chaou, chanteur algérien, interprète de chaâbi. Il est né le 10 novembre 1941 à Bab Jdid dans la Casbah d’Alger, en Algérie, dans une famille kabyle originaire de Tigzirt.
Abdelkader Chaou étudie au conservatoire d’Alger, dirigé à l’époque par Hadj Mohamed El Anka. Virtuose au mandole, il modernise le chaâbi, introduit des instruments tels que le mandole, le banjo, le piano et la guitare tout en remodelant le style en le rendant plus vif et attrayant.
Grâce à l’école Mahboub Bati, Abdelkader Chaou obtient un fulgurant succès dans les années 1970. Son répertoire musical passe de la mélodie triste à la mélodie gaie, emprunté à la musique arabo-andalouse.
Abdelkader Chaou vit entre l’Algérie et la France où il continue à se produire.
Le chaâbi algérien est un genre musical algérien, né à Alger au début du XXe siècle. Šaʿabī signifie « populaire » en arabe c’est l’un des genres musicaux les plus populaires d’Algérie.
Par Wahid Megherbi (Atlas.Mtl 173 du 2 au 15 février 2012)