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Iftar du Dialogue 2011. De la citoyenneté

La sociologie d’Ibn Khaldoun, telle que reprise bien plus tard et de manière très imparfaite par Auguste Comte, demeure d’une saisissante actualité dans ses analyses des sentiments d’appartenance  à une société.

Ibn Khaldoun, observant des sociétés plutôt moyenâgeuses, relevait en effet que pour traiter de ces sentiments d’appartenance déterminant l’intégration d’un «étranger» dans une société donnée, il convient de considérer deux cas de figure :

  • – Le cas d’une personne qui rejoint un groupe «étranger» et qui, perçu au départ comme intrus, finit toujours par être absorbé par la société qui l’a accueilli grâce à ses qualités personnelles, soit à titre posthume, par le biais de ses descendants «car le temps passe et le lignage d’origine finit par être (presque) oublié; les enfants de l’«intrus» font alors pratiquement partie intégrante de la société adoptive»,
  • – le cas d’un individu qui garde et préserve son appartenance originelle tout en se solidarisant avec la société adoptive. Et nous avons alors affaire à une  double appartenance : celle qui régit les rapports entre des personnes appartenant à une même unité socioéconomique et celle qui résulte de l’obligation de relations d’assistance mutuelle entre individus partageant un même espace et lié par une communauté de besoin et de devenir.

Ibn Khaldoun, qui observait il convient de le rappeler, les sociétés maghrébines du 14 eme siècle, note cependant que les deux cas de figure identifiés se succède chronologiquement et relèvent donc d’une évolution.

Poursuivons alors l’évolution, pour appliquer cette évolution à notre siècle, à la société quinous intéresse ici et maintenant : la société montréalaise, québécoise et canadienne et, enfin, à la question de l’intégration de ses membres originaires du Maghreb.

Il semble alors que l’on ait encore un peu de mal ici à passer de la première situation définie par notre sociologue au second stade d’évolution. La référence au passé et à l’appartenance par filiation reste en effet trop souvent évoquée et l’idée de citoyenneté commune, pouvant s’accommoder d’une double appartenance continue d’avoir du mal à se frayer un chemin dans les mentalités et les comportements.

On est ainsi, de toute évidence, en retard d’une évolution alors que le monde autour de nous, en rendant accessibles les moyens de communication et de transport au plus grand nombre, facilite la mobilité des humains et impose le changement dans les approches, le passage du particularisme vers une universalité encore plus large que celle entrevue par Ibn Khaldoun; vers des sociétés multiraciales, multiculturelles et parfaitement multiculturalisées.

Manifestement beaucoup d’efforts restent à fournir pour combler ce retard de la pensée et dans cette voie, aucune démarche n’est inutile, aucun apport n’est superflu.

C’est pourquoi, la septième édition de l’Iftar du Dialogue, traditionnellement consacré au dialogue interconfessionnel, se donne cette année pour thème la citoyenneté une et (ethno culturellement) indivisible, s’accommodant même de doubles ou multiple appartenances.

Suggestion pour nos commensaux – personnalités politiques des trois paliers de gouvernement, personnalités de la société civile et figures de proue du monde des média – pour vos discussions à table, puisque Ibn Khaldoun parlait déjà en la matière de «Hilf» (que l’on peut traduire par «entente», «alliance» ou «contrat») comme préalable à l’acceptation de «l’étranger» dans le tissu sociétal adoptif, pourquoi ne pas prolonger son idée et entamer une réflexion sur un contrat  canadien, québécois et montréalais, pour une société harmonieuse et équitable, capable d’absorber et valoriser toutes ses composantes humaines et culturelles ?

Abdelghani Dades

Edito 162 du 18 août 2011

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