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Évasion fiscale. 150 villes québécoises dans le viseur de Revenu Canada

L’Agence du revenu du Canada (ARC) souhaite examiner les paiements de contrats de 150 municipalités du Québec à la recherche de sous-traitants n’ayant pas déclaré certains revenus. Ce faisant, c’est presque toute la province qui sera passée au peigne fin puisque Montréal s’est prêtée au même exercice en 2010.

L’opération vient raviver le débat sur la tenue d’une enquête sur la construction réclamée depuis plus de deux ans par l’opposition, soit depuis que circulent d’importantes allégations de collusion et de corruption entre entrepreneurs et élus.

88 villes ont déjà fait leurs devoirs

L’agence s’est adressée à la Cour fédérale pour obtenir l’autorisation de parcourir les montants consentis à des entrepreneurs et consultants, a récemment révélé le quotidien Globe and Mail. Elle l’a déjà reçue pour 88 villes d’Estrie, en juin, et l’audition pour le reste des municipalités est en cours. En comptant Montréal, les municipalités visées par les requêtes regroupent cinq millions de citoyens, sur un total de huit millions de Québécois.

L’ARC assure que l’opération «n’est pas une enquête, ni des vérifications». «On veut juste s’assurer que tous les revenus sont bien déclarés, dans le cadre du Programme des non déclarants, explique la porte-parole Karine Dionne. Ces demandes sont des activités courantes. Ça fait partie du mandat de l’agence.»

Le Québec est néanmoins la seule province où est mené un examen aussi large. Tous les bureaux québécois des services fiscaux de l’agence du revenu du Canada se sont concertés pour une opération conjointe. L’agence refuse d’expliquer pourquoi un si grand nombre de municipalités est touché.

Les 150 municipalités, dont Brossard, Laval, Longueuil, Québec, Saguenay et des municipalités plus petites comme Lac-Delage et Saint-Charles-de-Bellechasse, ont 45 jours pour remettre à l’ARC un CD contenant les coordonnées de toutes les personnes qui ont été payées pour un bien ou un service ces quatre dernières années et le détail des montants versés. Tous les types de paiements y passeront, tels ceux accordés aux entreprises de déneigement ou aux firmes d’ingénierie et de construction. On ne cherche pas de failles du côté des villes, mais bien du côté des entrepreneurs qui pourraient ne pas avoir payé leur dû au fisc.

Une affaire de huit milliards de dollars

L’opération est de taille, les contrats signés avec les municipalités représentant 8 milliards de dollars annuellement, selon l’Union des municipalités du Québec, et la requête ne visant pas de montant précis. Les vérifications des paiements faits par Montréal à des sous-traitants sont toujours en cours même si le processus s’est enclenché en août l’été dernier.

Le président de l’Union des municipalités du Québec, Éric Forest, est déçu du moyen utilisé par l’agence fédérale pour obtenir les informations, c’est-à-dire le dépôt d’une requête à la cour. «Je ne peux pas m’expliquer ça», a-t-il lancé, encore surpris. M. Forest, qui est aussi le maire de Rimouski, assure que les villes auraient coopéré avec les fonctionnaires sur une simple demande. Il dénonce aussi le court délai accordé aux municipalités pour fournir le fameux CD. «On est prêts à donner l’information, mais s’il faut faire rentrer [au travail] des gens qui sont en vacances pour y arriver, ce n’est pas tellement respectueux. Ça représente toute une masse de données.»

Un malaise nommé «Construction»

Le président de la Fédération québécoise des municipalités, Bernard Généreux, estime quant à lui que l’examen des paiements est un argument de plus pour qu’ait lieu une enquête publique sur l’industrie de la construction, ce que l’opposition demande au gouvernement de Jean Charest. «C’est une autre manifestation d’un malaise qui est là, persistant, peut-être encore plus depuis qu’un entrepreneur a plaidé coupable d’évasion fiscale pour 4 millions», a dit M. Généreux, qui est aussi le maire de Saint-Prime.

L’ARC rappelle qu’elle ne recherche pas un système, mais bien des personnes n’ayant pas déclaré des revenus. D’ailleurs, les informations dénichées à travers l’examen des paiements ne mèneront pas à des poursuites au criminel, mais plutôt à des amendes en plus des remboursements, si des non déclarants sont repérés.

Source : Presse canadienne

Rubriques : Économie, Société
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