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Un journal entre deux mondes…

Il est des moments ou tout un chacun éprouve le besoin d’arrêter le temps, de se pencher un peu sur le passé et un peu sur l’avenir, de réexaminer doutes et certitudes, de repenser perceptions et vécu.

En ces heures ou le calendrier s’apprête à basculer, Atlas.Mtl et ceux qui le font depuis plus de dix ans maintenant, sont dans cet état d’esprit. L’exercice n’est pas gratuit; en fait il est même dicté par ceux dont le journal ambitionne de refléter les idées, avis et préoccupations et dont, du fait, il est véritablement la propriété : les lecteurs.

Tout au long de la décennie écoulée en effet, à travers des choix éditoriaux raisonnés, votre journal a tenté de regarder le monde à travers vos yeux. Pour cela, il convenait de comprendre vos choix de vie, vos attitudes et vos prises de positions; puis de les exprimer dans vos mots, en respectant votre différence, votre identité et votre sensibilité.

En cela, la rédaction s’est parfaitement conformée aux termes de son éditorial inaugural, celui du numéro 1, du 16 mai 2003, dans lequel il était écrit en toutes lettres : «Atlas.Mtl ne veut pas être un journal que l’on lit à la place des autres, mais en plus des autres. Il vient en effet combler un espace-information que ne remplissent ni les médias des pays d’origine, nie ceux de la société d’accueil».

Depuis, la rédaction n’a jamais dérogé à ce choix éditorial, comme elle a toujours scrupuleusement respecté les règles d’éthique et de déontologie complétant  son crédo. Le chemin ainsi balisé n’a pourtant pas toujours eu le cours d’un long fleuve tranquille.

Un journal entre deux mondes ? 

La hiérarchisation de l’information ainsi fixée en effet n’a pas toujours été comprise par tout le monde. Car tantôt, au gré des vents de l’actualité, le contenu était tantôt «trop» «canadien» ou «trop québécois» pour les uns, trop «étranger» pour les autres, un peu déroutant sans doute au point que pour ne pas dire «assis entre deux chaises», on a entendu dire «voguant entre deux mondes».

Rien n’est plus faux qu’un tel avis en fait. Car ce journal est paru pour donner ses droits à ce type d’information qui intéresse notre communauté, la communauté d’origine maghrébine, mais qui ne trouve écho ni dans les salles de presse de Montréal, ni dans celles de Casablanca, Alger ou Tunis.

Il s’est donc toujours fait l’écho de la réalité immédiate de la pensée des membres de la communauté des canadiens d’origine maghrébine, y compris lorsque les opinions venaient à évoluer. Par exemple, nous avons toujours eu beaucoup de mal à traiter la question de l’appartenance et de la participation politique dans la mesure où le débat n’est toujours pas tranché dans la communauté entre les tenants du vote dans les consultations politiques des pays d’origines et les partisans de la citoyenneté de résidence.

Il a privilégié les faits qui conditionnent effectivement sa vie, y compris lorsque de sa première à dernière page ses sources se situaient  (presque) entièrement sur une rive ou l’autre de l’Atlantique. Et ainsi, nous avons toujours eu du mal à répondre, dans les enquêtes récurrentes des administrations provinciale et fédérale sur les média communautaires, aux questions «Quel est le pourcentage d’information émanant du pays d’origine dans votre journal ?» et «Quel est le pourcentage d’informations canadiennes (ou québécoises) dans vos colonnes?».

Ce «Journal entre deux mondes» serait donc plus un journal d’un nouveau monde, un pont entre deux vies et deux époques, le vecteur d’une pensée qui respecte le passé mais refuse de s’y laisser enfermer,  et qui ambitionne aussi d’accompagner une pensée orientée vers l’avenir.

«Une identité (…) spécifiquement maghrébine»…

Il y a au moins un lieu ou l’on ne s’est pas trompé sur cette orientation : l’université.

Atlas.Mtl a en effet inspiré de nombreux travaux d’étudiants, y compris au niveau de thèses, et un certain nombre d’articles dont, tout récemment encore, celui des professeur(e)s Marie-France René et Rachad Antonius, tous deux de l’Université du Québec à Montréal, dont voici un  Dans les milieux de la recherche résumé : «Cet article se situe dans le champ d’étude des médias “communautaires” ou ethniques. Il analyse la couverture, par le journal communautaire maghrébin Atlas.Mtl, de la question de la diversité au Québec. L’analyse montre qu’Atlas.Mtl s’inscrit dans une logique de négociation des rapports de force entre les citoyens d’origine maghrébine et le groupe majoritaire, dans le cadre d’un système hégémonique dont il ne conteste pas les fondements. Son approche est non conflictuelle, et le journal adopte un ton généralement conciliant qui ne rejette pas globalement les avantages d’un système libéral et laïc, contrastant ainsi avec d’autres journaux plus radicaux dans leurs revendications. On y trouve  une  ouverture à la diversité d’opinions. En dehors des périodes de tension sociale où le discours sur l’immigration et sur la diversité s’est durci, le contenu du journal revient à un ton moins revendicateur. Son apport se situe davantage au niveau de l’information qu’à celui de la revendication, avec une préoccupation claire pour la modification des situations d’inégalité. Il s’en dégage une orientation générale qui propose une identité arabo-musulmane laïque, modérée et libérale, spécifiquement maghrébine, assumant son appartenance à une société québécoise laïque, et faisant partie de la diaspora internationale maghrébine. Nous situerons cette orientation dans les débats entre le courant des études post-coloniales et les courants qui insistent sur les orientations économiques et intégrationnistes des médias ethniques minoritaires, et nous proposerons des interprétations du positionnement du journal qui font référence au grand débat entre islamisme et nationalisme laïc dans les pays arabes.»

Atlas.Mtl ne partage certes pas toutes les conclusions émises à son propos par les Pr René et Antonius. Mais nous en retiendrons le mot «diversité», un des plus beaux vocablex de la langue française et les expressions  «non-conflictuel» et «modification des situations d’inégalité» dont nous ferons nos vœux pour 2013.

Abdelghani Dades (Edito Atlas.Mtl 196 du 20 décembre 2012 au 17 janvier 2013)

 

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