Contrairement à certains préjugés tenaces, les fraudes à l’aide sociale demeurent un phénomène marginal. Le gouvernement est toutefois très préoccupé par la persistance de groupes organisés de fraudeurs.
Selon des données obtenues par Le Devoir, le gouvernement a réclamé l’an dernier pour 86 millions $ de fausses déclarations, sur 2,8 milliards $ de prestations versées, soit l’équivalent de 3%.
Les données indiquent en outre que la grande majorité des fausses déclarations sont dues à des erreurs de bonne foi (80%), c’est à dire que la personne s’est trompée sans le savoir en rédigeant sa demande. En additionnant les «fausses» fraudes et les «vraies», on obtient un total de 124 millions $ soit 4 % de l’ensemble.
Au ministère, on juge toutefois qu’il y encore beaucoup trop de fraudes. «Ça peut paraître peu mais il y a quand même un enjeu de saine gestion des fonds publics», a expliqué David McKeown, porte-parole au ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale. «Il faut s’assurer que les sommes se rendent aux personnes qui en ont réellement besoin.»
Le débat sur les fraudes à l’aide sociale a été relancé dans le dernier budget, en juin, par la décision du gouvernement Couillard d’augmenter le nombre d’inspecteurs. Québec Solidaire notamment, plaidait qu’on s’en prenait à un faux problème et que les fausses déclarations témoignaient surtout de la difficulté pour des personnes sans ressources de remplir des formulaires complexes adéquatement.
Des réseaux organisés…
Or au ministère, on assurer que ce ne sont pas les cas individuels qui sont ciblés mais davantage les réseaux organisés de fraudeurs et les «stratagèmes».
L’an dernier, les enquêteurs du ministère ont levé le voile sur une fraude de plus 2 millions $ de fausses facturations de culottes d’incontinence. Le gouvernement reprochait notamment au réseau d’avoir convaincu des bénéficiaires d’utiliser leurs noms en échange de cadeaux.
Autre exemple, des réseaux de travail au noir qui s’organisent sous forme d’agences de placement, explique M. McKeown. «Ce sont des réseaux qui vont embaucher des travailleurs qui sont une main d’oeuvre peu informée de ses droits. Ils vont offrir une rémunération qui est inférieure au salaire minimum. Ils vont placer ces gens-là dans diverses entreprises et souvent, les personnes vont être incitées à demander des prestations d’aide sociale de dernier recours malgré le fait qu’il reçoivent des revenus de travail.»
Selon l’attachée de presse du ministre François Blais, Julie White, les résultats des enquêtes antérieures sont prometteurs. «L’intensification c’est particulièrement face aux stratagèmes et aux fraudes. Il y a eu des bons résultats dans le passé donc c’est pour ça qu’on a décidé d’intensifier», dit-elle.
Pour ce faire, on compte mettre l’accent sur «l’échange de renseignement avec les autres ministères».
Questions sans réponses
Impossible toutefois de savoir quelle est la part de ces stratagèmes dans les montants des fraudes. Le ministère dit ne pas avoir non plus de rapport sur ce phénomène démontrant qu’il ait pu croître avec les années.
Par contre, si on analyse les données de plus près, on constate que le nombre de «vraies» fraudes a oscillé entre 16 000 et 20 000 cas sans progression constante. Toutefois les montants, eux, ont augmenté de façon constante, passant de 68,6 millions $ en 2009-2010 à 86,4 millions $ en 2013-2014.
Impossible aussi de savoir dans quelle mesure on compte intensifier la lutte aux petites fraudes. Les nouvelles ressources aux enquêtes les viseront-elles en partie ? Peut-on dire que les nouveaux inspecteurs ne travailleront que sur les stratagèmes ?
Interrogée à ce propos, l’attachée de presse s’est montrée évasive. «Évidemment, les prestataires qui respectent leurs obligations, on n’exercera pas de pressions supplémentaires sur eux-autres», a-t-elle dit. «On ne parle pas d’aller vérifier les personnes chez eux qui se conforment à leur obligations.»
Depuis 2009, le nombre moyen d’enquêteurs au ministère est passé de 162 à 134. L’ajout de ressources devrait permettre d’en ajouter dix.
Atlas.Mtl 237