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Aide occidentale à la rébellion syrienne : Une arme à double tranchant

Aide occidentale à la rébellion syrienne : Une arme à double tranchant

M Ismail Harakat

Le président des États-Unis Barack Obama vient d’annoncer que son pays était fermement décidé à venir en aide à la rébellion syrienne modérée. A cet effet, une enveloppe généreuse sera mise sur la table pour inverser le cours des événements qui semblent assez clairement favorables à Bachar el Assad. La question est de savoir si une telle décision est bienvenue dans le contexte actuel. D’abord, de quelle opposition parle-t-on? Si on fait référence au fameux Conseil national de transition – CNT – composé de figures de la diaspora et très peu représentatif et qu’on a cherché dès les premiers mois du conflit à présenter comme une alternative viable au régime de Bachar, il y a peu de chances pour que les différentes factions engagées dans le conflit se sentent engagées par les décisions prises par ledit CNT.

Appuis indiscrets

Quant aux « modérés » qui croient réellement au bien fondé de la révolution et qui ne cherchent qu’à se débarrasser du joug du Baas au-delà de toute obédience, que représentent-ils au juste en termes de volume? Toute mesure à prendre doit nécessairement tenir compte de cette question car le moins qu’on puisse dire, c’est que la rébellion syrienne ne s’exprime pas d’une seule voix. Ce qui semble quasiment certain, c’est que la mouvance islamiste semble non seulement la plus influente, mais aussi et surtout la mieux préparée pour livrer bataille à long terme. Ce qui soulève tout naturellement la question de la provenance des fonds permettant à la résistance islamiste de tenir le coup. Mais avant, il faut bien rappeler que dans cette poudrière syrienne, la mouvance islamiste elle-même ne s’exprime pas d’une seule voix. Loin de là. Entre le bras armé des Frères Musulmans, celui des Salafistes et celui des infiltrés du Hezbollah libanais, les objectifs sont sensiblement différents. Les deux premiers formant partie de la rébellion et les derniers combattent aux côtés de Bachar grâce au soutien effectif peu discret de Téhéran.

Pour les Frères Musulmans, conscients de leur implantation dans les milieux défavorisés, ils visent une prise de pouvoir politique à l’égyptienne tout en s’assurant que l’armée de va pas piper les dés, alors que pour les Salafistes, il s’agit ni plus ni moins que d’implanter un régime exclusivement inspiré du coran, d’imposer un code vestimentaire religieusement correct aussi bien pour les hommes que pour les femmes et de mettre en place une batterie d’interdits rendant la vie quasiment impossible. Voilà pour ce qui est de la rébellion islamiste. Reste l’opposition sur une base purement ethnique. Et là, les Kurdes dont on n’a pas beaucoup parlé pour l’instant pourraient profiter d’un embrasement généralisé pour réclamer à la communauté internationale – c’est-à-dire à Paris et à Washington qui prennent à eux deux toutes les décisions ou presque au nom des pays occidentaux-, l’instauration d’une zone d’exclusion comparable à celle qui a été érigée en Iraq, rendant le Kurdistan irakien indépendant de fait. On en n’est pas là pour le moment mais nul ne sait de quoi le lendemain sera fait tellement l’issue du conflit semble indécise.

Au milieu de toutes ces supputations, il ne faut pas non plus écarter le scénario d’un retour à la situation d’avant mars 2011, date du coup d’envoi des hostilités. Bachar a en effet repris aux rebelles le contrôle de pas mal de zones et réussi à établir un périmètre de sécurité autour de Damas. Le tout, grâce au soutien sans faille apporté par Téhéran et Moscou alors que la France et les États-Unis tergiversent toujours à propos de la meilleure voie à emprunter pour appuyer les rebelles. Des hésitations qui ont déjà couté cher lorsque les deux alliés ont renoncé à l’action militaire en Syrie pour en finir avec Bachar, sous prétexte que son arsenal chimique allait être détruit sous les auspices de l’Agence internationale de l’énergie atomique.

Le précédent irakien

Aujourd’hui, l’enlisement du conflit est quasiment total avec en prime une situation chaotique qui sévit chez le voisin irakien où la percée spectaculaire de l’État islamique en Irak et au Levant – EIIL – peut avoir un effet contagieux  sur la Syrie rappelant l’avancée d’Al Qaida dans le Maghreb islamique – AQMI- dans la région sahélienne. Un véritable appel à l’anarchie et à la barbarie dans l’une des régions les plus instables de la planète. Ce qui fait craindre une flambée sans précédent des prix du pétrole.

L’administration Obama a raison de se montrer sceptique vis-à-vis d’un engagement militaire en Syrie. Il n’y a qu’à voir les résultats désastreux obtenus en Iraq plus de dix ans après la deuxième guerre du Golfe pour douter du bien-fondé d’une action armée. Percée de la mouvance salafiste rendue possible grâce à chaos généralisé et à l’appauvrissement de la population, régions entières qui échappent au contrôle de l’État, criminalité, pillage, drogue…l’Iraq d’aujourd’hui est devenu un pays de non loi bien parti pour une autre décennie d’anarchie. Un contre-exemple qui devrait dissuader Paris et Washington de toute implication en Syrie. Promouvoir une rébellion qui serait perçue par l’opinion publique syrienne comme étant à la solde de l’Occident serait une bien mauvaise idée. La solution ne peut émaner que de l’intérieur même si le prix à payer est d’ores et déjà très élevé.

Aujourd’hui, le Conseil national de transition a les pires difficultés à projeter l’image d’une instance représentative de la population syrienne entre autres parce qu’il est perçu comme proche de Paris et Washington ce qui ne contribue pas vraiment à sa popularité. Il faut ratisser plus large et faire en sorte de que CNT s’ouvre à toutes les factions et à toutes les composantes ethniques. C’est-à-dire à certains individus qui ne vont probablement pas être du gout de l’Occident mais qui ont l’avantage de compter sur la loyauté de militants qui croient à leur engagement. C’est justement ça l’ouverture!

Ismaïl Harakat (Atlas.Mtl)

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