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Ce que René Lévesque aurait dit sur « La Charte… de la discorde !»

Bachir Mazouz

Bachir Mazouz

Napoléon légua la Concorde civile aux Français, comme héritage politique universel.

René Lévesque légua aux Québécois un « Pays en devenir », comme héritage politique noble par l’espoir qu’il  suscite de « réussir à se définir comme peuple »(1).

Pour continuer l’œuvre de René Lévesque, quelques héritiers « frénétiques »(2) qui confondent joute politique, électoralisme, posture idéologique et besoin d’affirmation nationale, s’acharnent à nous léguer une Charte antithétique en guise d’une promesse de réalisation nationale très prochaine. Ils ont décidé de le faire sur un fond identitaire dont la laïcité de l’État québécois justifierait la chasse aux femmes dites « voilées » du Québec, aux sikhs enturbannés, aux juifs coiffés d’une kippa et même au crucifix rassemblant la majorité québécoise. Abusant volontairement de vocables imprécis et manipulant à outrance des notions complexes et aux conséquences incalculables, quelques « têtes brûlées » (3) du PQ multiplient leurs manœuvres désespérées en vue de se fabriquer une majorité législative à partir des régions du Québec. Ce faisant, ils semblent vouloir troquer le projet de société dont René Lévesque rêvait contre une vulgaire spéculation électoraliste, sans lendemain électoral sûr.

Ce dont rêvait René Lévesque…

Comme s’ils voulaient nous avouer leur incapacité à contribuer définitivement au projet de société dont René Lévesque rêvait, ils multiplient les maladresses et déclarations belliqueuses, nourrissent les ambiguïtés et usent délibérément d’incohérences sémantiques nombreuses autour des « valeurs québécoises ». Est-ce pour vouloir précipiter les dérives, jadis peu probables, du « beau risque » ? De là où il se trouve, en les observant patauger dans une in(m)posture et désespérés de leur condition politique minoritaire, René Lévesque leur dirait qu’au mieux, ils espèrent triompher par électoralisme sans mérite aucun et, au pire, ils propagent au sein de la population du Québec le cynisme des pseudo-stratèges qui sont prêts à renier leur propre héritage pour une poignée d’électeurs en mal de visibilité (4). En attendant, ils font porter déjà aux femmes musulmanes, aux Sikhs et aux juifs visibles l’odieux d’une défaite probable de leur vision étriquée de la société québécoise (ou du Québec)!

Évoquant, sans nuance aucune ni effort sérieux de mise en contexte, la Raison de l’État québécois (5), sa laïcité face à l’expression religieuse, le besoin d’affirmation identitaire face aux ethnies et au « relativisme culturel », les cerveaux brûlés issus des propres rangs du PQ ou du PLQ et de la défunte ADQ, tentent de briller par leur ignorance des faits historiques et de concepts trop complexes et par des incohérences sémantiques entourant les valeurs sociétales. Sans le savoir ni le vouloir (6), ils font peser sur nos têtes les menaces d’une dérive totalitaire et de violences communautaires sans précédent dont des signes sont déjà d’actualité avec la multiplication d’actes et de propos islamophobes (tolérés même par la Commission parlementaire sur le projet de loi)  Il y a dans leur in(m)posture un énorme enrichissement de l’industrie de la peur dans le sens où leurs propos ambigus cimentent (délibérément) l’ignorance par l’excitation de la méfiance (naturelle) au lieu de cultiver (par l’effort intellectuel et pédagogique) une vigilance intelligente sur les vrais enjeux et défis de la laïcité de l’État. Ils omettent dans leurs manœuvres odieuses et admonestes que cette dernière n’est pas une valeur. Il en résulte déjà (et résultera) une usurpation et une clochardisation de la laïcité, pour les décennies à venir. Rappelons-leur que la laïcité est un produit de l’histoire, contre les absolutismes et pour des espaces de liberté – la liberté étant une valeur, qui a pris différentes formes. L’absolutisme lui-même a parfois pris des formes antireligieuses.

Pluralité versus absolutisme

Je me permets de rappeler à ces bien-pensants que, contrairement à l’absolutisme associé naturellement à la Raison d’État (primitif), la culture est, elle-même, un substrat social. Le pluralisme et la diversité culturels sont l’expression même de la vitalité d’une société et de la vivacité de ses multiples façons de penser et d’agir définies dans un espace-temps circonscrit et commun. Parce qu’elle est marquée par la pluralité des façons de penser et la diversité des façons de faire, la culture québécoise se matérialise aussi par la distinction des habits, des mets, des odeurs, des perceptions et des idées que les Québécois eux-mêmes s’efforcent à faire et à défaire des réalités du monde qui les entoure. S’accommodant mutuellement au quotidien, leur agilité socio-économique et culturelle leur attire toute l’admiration des nations accomplies. La géométrie variable de la culture québécoise devrait donc fournir aux politiciens aguerris des arguments puissants pour soutenir DES projets communs au sein d’une même et distincte société et mesurer la capacité des idées et des faits à « s’affirmer dans la diversité » du monde d’aujourd’hui et tout au long de l’histoire du Québec. Il s’agit là d’un avantage stratégique, concurrentiel distinctif, durable et inimitable dont jouit déjà le Québec du 21 e siècle et qu’il faut exploiter à bon escient, pas à coup de munitions qui sentent déjà le soufre.

De l’in-posture à l’imposture 

Pratiquement, l’in(m)posture qu’ils tentent désespérément d’entretenir face à la critique conduirait, au mieux, à une position fâcheuse et, au pire, à une imposture politique. Les journalistes convertis en propagandistes, les féministes de première heure conquises par la légèreté de « jarrettes »(7) sans fond ni contenu, les marionnettes embusquées derrière les scènes du « rideau noir »(8) culturel du Québec et les pseudo universitaires-chroniqueurs qui jouissent d’une liberté académique suspecte, sans compter les « ethniques de service », se bousculent aux portes des médias pour couvrir d’une toge scientifique un projet de Charte au mieux empreint de partisannerie, sinon ségrégationniste et pouvant conduire à des dérapages non dénués de violence et de rejet mettant à mal la paix sociale. Ce faisant, ils renoncent lamentablement à l’édifice d’une « société civilisée « qui n’imposera jamais à un homme plus petit de se sentir inférieur devant un plus gros, de même des relations  civilisées entre nations (qui) veulent qu’elles se voient et se traitent comme des égales en droit et en fait », leur dirait René Lévesque (9).

Quelle imposture pensée et organisée d’affirmer sur les ondes et en direct aux Québécois des propos qui laissent penser que le « relativisme culturel » est une atteinte grave à l’identité et à la diversité de la société québécoise. Mobilisant artistes, féministes, leaders étudiants et universitaires aux ordres, de même que des « ethniques » de service dont on entretient la servilité, espèrent-ils ainsi provoquer « une réaction spontanée de la population » québécoise qui, du jour au lendemain, rattraperait son déficit démographique, rajeunirait sa population, franciserait allophones, anglophones et autochtones, retrouvant ainsi et enfin le contrôle non seulement de sa survie menacée, mais aussi de son destin unique…Le tout par la pensée magique et sur le dos des étrangers ! En écoutant, d’un côté, des extrémistes québécois déclarer qu’ils se sentent envahis par des signes ostentatoires et constatant, d’un autre côté, le nombre croissant d’agressions commises contre des femmes musulmanes en particulier et la banalisation des propos et gestes racistes, je ne peux m’empêcher d’y déceler des velléités fascisantes. Ce n’est pas une  allusion. Même si nous vivons dans un pays démocratique, la violence (potentielle) des hommes reste vivace, surtout quand on l’alimente de la peur de l’autre et de la perspective terrifiante de disparaître comme nation assiégée de l’extérieur…et maintenant de l’intérieur! Le parallèle avec un certain  passé nationaliste nauséabond et sa survivance en Europe avec la montée tolérée et légalisée de partis d’extrême droite devraient faire réfléchir celles et ceux qui sont tentés par le mimétisme de la France. Il est contenu dans l’in(m)posture vraisemblablement organisée qui inspire et suscite un sentiment haineux au sein de la faction extrémiste du PQ. En visant délibérément, bien que souvent implicitement, les femmes musulmanes, l’Islam et les musulmans du Québec, au plus disons 2 % de la population, ils n’excluront certainement pas les juifs d’Hampstead, les sikhs de Brossard, les bouddhistes du Québec. Je n’ai aucun doute que la manœuvre  « odieuse qui forcera les gens à choisir entre leurs croyances religieuses et leurs emplois »(10) est un pas vers  l’absolutisme de la Raison d’État, un État nationaliste cultivant l’exclusion!. Comme en témoignent le silence et parfois même la banalisation de propos et actes d’agression commis contre les femmes dites « voilées » du Québec et des lieux de culte musulman, en s’efforçant de défendre l’indéfendable pression xénophobe, antisémite et islamophobe qu’exercent certains extrémistes en mal de visibilité et d’être, les promoteurs de la Charte de la discorde font déjà acte de violence à toute la société québécoise. « Quel maléfique stratagème », nous dirait René Lévesque….Et ce, en dépit et en violation des deux Chartes des droits et libertés du Québec et du Canada! N’y a-t-il pas là les germes d’un régime autocratique ?

Pour des enjeux véritables

Les femmes et hommes politiques sensés représenter une fraction, ou l’ensemble, des Québécois, doivent savoir que la remise en question de la pluralité et de la diversité culturelle et son incarnation par l’État québécois, qu’il soit laïc ou en devenir, conduit inéluctablement au déni des individualités et à l’absolutisme culturel. Dans les jours décisifs qui viennent, le Gouvernement issu des rangs du PQ gagnerait en légitimité et sauverait l’honneur de tous les Québécois s’il arrivait à préciser son projet, à nous faire réfléchir autour des véritables enjeux et défis de notre diversité culturelle. Ce faisant, en réorientant les débats sur la culture publique commune du Québec à laquelle tous les immigrants peuvent et doivent adhérer, il se dissociera enfin des propos agressifs tenus par la faction extrémiste du PQ. À défaut de pouvoir le faire, l’effroyable et irresponsable manœuvre électoraliste à laquelle ces derniers s’adonnent encore et de manière plus odieuse pour écourter les supplices de la minorité législative réaliseront l’incertain devenir auquel ils invitent les Québécois. Dès lors, les conséquences de leur in(m)posture électoraliste leur rappellera que « ce n’est pas les autres qu’il faudrait (en) blâmer, mais notre propre impuissance et le découragement qui s’ensuivrait »(11) . C’est ce qu’aurait dit René Lévesque pour remettre les « cerveaux brûlés du Québec » sur les voies du « beau risque ». Ils rejoindraient alors Lucien Bouchard, Jacques Parizeau, Bernard Landry, Gilles Duceppe et « les indépendantistes inclusifs », qui, eux, semblent déchiffrer les dérives de l’odieux risque de leur i(n)mposture : non, la « tentation permanente de ce refus sur soi-même, qui a les attraits d’une pente facile, au bas de laquelle se trouverait la noyade confortable … » 12 ne peut ni doit accepter le ridicule auquel nous invitent les cerveaux brûlés du PQ. Mais, dans ce cas, le ridicule, loin d’être inoffensif, est plein de dangers, en dépit des protections des Chartes québécoise et canadienne et de la Déclaration universelle des droits de l’homme auxquelles nous nous attacherons pour contrer une dérive inqualifiable.

Bachir Mazouz

  • 1- René Lévesque, La Presse, 9 janvier 1969. 
  • 2 – René Lévesque, Idem. 
  • 3 – Expression utilisée par René Lévesque. 
  • 4 – Autrement, comment expliquer les niaiseries des Pineault-Caron devant la Commission : http://www.youtube.com/watch?v=RhFfkxTrkbw 
  • 5 – Historiquement, c’est Robert Mandrou qui a démontré, dans son « interprétation globale du devenir Européen (1649 à 1775) », les sinuosités, tors et travers de l’absolutisme d’État. 
  • 6 – Accordons-leur les bénéfices du doute raisonnable 
  • 7 – Pour qualifier la piètre lettre ouverte et la légèreté avec laquelle les « Jannettes » ont voulu « contribuer » aux débats sur un sujet aussi grave qu’important pour la société québécoise Cf. http://www.pressegauche.org/spip.php?article15497 . 
  • 8 – Pour se rappeler de celle qui a qualifié de «folles» les musulmanes qui portent le voile islamique Cf. http://quebec.huffingtonpost.ca/tag/denise-filiatrault . 
  • 9 – René Lévesque, Un Québec souverain dans une nouvelle Union canadienne , M.S.A., 15 septembre 1967. 
  • 10 – Sources : « La Ville de Hampstead dit « Non » au projet de la loi 60 – une loi raciste et immorale », Extrait du Procès-verbal de la séance ordinaire du conseil municipal de la Ville de Hampstead tenue le 2 décembre 2013. http://www.hampstead.qc.ca/2/Ville+de+Hampstead. 
  • 11 – Option Québec, René Lévesque. Ed de l’Homme, 1968. 
  • 12 -René Lévesque, idem, 15 septembre 1967. 

Par Bachir Mazouz  (Atlas.Mtl)

 

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