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Urbi et orbi

Abdelghani Dades

Abdelghani Dades

Le palier de gouvernement municipal est à la politique ce que le ménage est à la statistique et ce que la famille est à la société : l’étalon, l’unité de mesure,  auxquels on se réfère en tout et en toutes choses.

Au cours des dernières années, cette assertion était peut-être difficile à admettre puisque nos concitoyens, las du spectacle d’édiles corrompus, se sont détournés des choses de la Cité, les ont accablées de mépris et de cynisme.

Mais ce n’est là que normalité. Car, pour peu que l’on ne considère pas les faits à la mesure d’une mémoire d’homme (ou plutôt une mémoire d’humain) et plutôt dans la profondeur de la durée,  on pourra se rendre compte, qu’ en toutes choses, l’humanité à travers son histoire, n’a cessé de jouer au balancier, par mouvements multi-décennaux, s’éloignant ou se rapprochant de ce qui est au centre de la vie, adoptant ou rejetant cycliquement ses instruments de mesure, aimant ou détestant ses outils sociaux.

Municipales 2013

Pour ce qui est de la vie civique, il semble ainsi qu’après le mouvement  vers le cynisme, l’indifférence et l’in-déférence, on revienne, en cet automne 2013, vers un intérêt réel pour nos élus de première ligne, maire(sse)s, conseiller(e)s de ville ou d’arrondissement. Autant dans l’éligibilité que dans l’électorat.

Ainsi, le nombre de partis (déjà en lice ou encore en attente de décision du Directeur Général des Élections) est-il inédits (une vingtaine aux candidats desquels il faudra ajouter une nuée de candidats indépendants). Chez les électeurs, un engouement sans précédent – que même la controverse sur le projet de Charte des valeur Québécoises n’a pas réussi à éclipser – se manifeste également. Se traduira-t-il par un taux de participation aussi sans précédent? Sans aucun doute. C’est pourquoi une grande partie de ce numéro de votre journal est consacré à la consultation du 3 novembre prochain.

Charte, valeurs, débats et controverses

Quoi qu’il en soit à ce plan, on ne sortira pas de l’actualité non plus avec notre dossier sur le projet Drainville de Charte des valeurs. Il y a et il reste en effet tant à dire. Sur la diversité (ou LES diversités) et les identités qui s’en trouvent générées, sur les débats auxquels tout cela donne lieu, non seulement ici et maintenant, mais aussi à travers le temps et l’espace, sous toutes les latitudes.

Et il y là un vrai problème; la réponse qu’y apporte le projet de Charte gouvernementale est, comme l’ont été les travaux de la Commission Bouchard-Taylor et leurs conclusions, est partielle, peut-être un peu partiale et en tout cas insuffisantes. À deux reprises en effet, on s’occupe de détails (procédures encadrant les accommodements religieux ou signes ostentatoires d’appartenance religieuse); on regarde ainsi un large paysage par le gros bout de la lorgnette car le véritable l’énoncé à poser devrait porter sur la place du sacré dans la société, la redéfinition de l’espace privé, de l’espace public et de l’espace de l’État et, enfin, les mécanismes pouvant mener à l’équilibre entre droits et libertés individuels et collectifs.

Dans cet exercice, tout le monde doit pouvoir (et à l’obligation de)se prononcer; et chacun doit le faire non sur la base de peurs infuses et de perception souvent erronées mais sur la base de la raison; en regardant ce que d’autres sociétés, au Sud et au Nord, ont pu faire de bien en la matière; en cessant de se référer uniquement aux cas de la France présentée (ce qu’elle n’est certainement pas) comme un modèle et de l’Angleterre présentée (ce qu’elle n’est pas plus) comme un épouvantail et un repoussoir.

Il y a assez d’intelligence ici pour que l’on sorte des clichés de chocs des civilisations et des cultures et autres guerres des mondes, pour aboutir à un projet de société, fait par nous (tous) pour nous (tous) et pour une ou deux générations à venir.

In memoriam

Sans rapport avec ce qui précède, par devoir de mémoire et en marque de respect pour la profession de journaliste, rendons hommage à un collègue décédé au Maroc cette semaine, Et-taïeb Houdeifa.

Grand chroniqueur devant l’Éternel, linguiste de formation, enseignant en France (à Marseille plus précisément) et au Maroc, Et-taïeb avait choisi de finir son parcours de vie comme journaliste. Dans cette carrière courte mais brillante, il s’était avéré, même lorsqu’il parlait des choses simples de la vie, aussi fin sociologue qu’anthropologue et philosophe. Toujours humble dans son propos mais dans un style éclatant, flamboyant et séduisant, fait de mots justes, de tournures stylistiques sans cesse renouvelées  et de raisonnements brillants, il était de ce fait un proche parent de Pierre Foglia; ou, parce qu’il aimait la vie et traitait aussi de bonne chair, un proche de ce La Raynière qui, dans le Monde français, avait donné des lettres de noblesse à la critique gastronomique.

Repose en paix Et-taïeb; j’aurais tant aimé lire ce que tu aurais pu écrire sur le Québec, ses identités et sa charte; j’aurais tant appris de cette lecture …

Abdelghani Dades (Edito Atlas.Mtl 214 du 26 septembre au 9 octobre 2013)

 

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