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UNE GRENADE CONTRE MONTRÉAL

UNE GRENADE CONTRE MONTRÉALÀ quelques jours de la publication de la charte des « valeurs québécoises » (sic), quelques questions…

Le gouvernement Marois osera-t-il ignorer toutes les voix qui, à Montréal, s’élèvent contre ce projet inspiré par une conception dogmatique de la laïcité – de la fédération qui regroupe les enseignants montréalais au conseil municipal qui rejette ce projet à l’unanimité ?

Même Louise Harel, qui a toujours été, faut-il dire, plus Montréalaise que péquiste, s’est dissociée de son parti pour plaider en faveur de la tolérance, de même d’ailleurs que nombre de souverainistes montréalais pour qui l’indépendance devrait se faire dans l’ouverture.

Le gouvernement osera-t-il lancer cette grenade explosive sur la seule ville cosmopolite du Québec, laquelle se trouve aussi à être son moteur économique essentiel ?

Osera-t-il s’en prendre à ceux des immigrants qui sont le mieux intégrés au Québec ? Car soyons-en bien conscients : ces musulmans et juifs pratiquants qui travaillent dans le secteur public, du plus humble commis au médecin le plus renommé, sont par définition parmi les plus francophones et les mieux intégrés à la société d’accueil.

Osera-t-il proclamer à la face du monde qu’au Québec, un immigrant qui voudrait afficher les signes de sa religion sera exclu de la fonction publique, du réseau scolaire et des hôpitaux ? Que cette personne ne pourra jamais accéder aux meilleurs emplois de la province, voire aux seuls emplois auxquels sa formation la destine (c’est le cas des professionnels de l’enseignement et de la santé, qui peuvent difficilement travailler ailleurs que dans le secteur public) ?

On ne parle pas ici de voile intégral, ni de niqab, tant il est vrai qu’il est juste d’exiger que les services publics soient rendus à visage découvert. On parle de kippas, ces minuscules couvre-chefs, on parle de foulards qui, dans l’immense majorité des cas, ne recouvrent que les cheveux.

En quoi cela vous dérange-t-il ? Avez-vous absolument besoin de connaître la couleur des cheveux de la femme qui vous ausculte ou qui vous remet votre permis de conduire ? Où est le scandale, quand la fonction publique est remplie à ras bord de tatouages, de piercings et d’autres ornements drôlement moins hygiéniques, sans parler des sacres qui servent de musique de fond dans les couloirs de nos hôpitaux ?

Il y en a qui ont trouvé la solution magique. Qu’il enlève sa kippa de neuf à cinq ! Qu’elle laisse son voile à la maison !, s’exclament-ils avec l’assurance que donnent l’ignorance et l’insensibilité.

Ce n’est pas parce qu’on n’a pas de religion qu’il faut refuser aux autres le droit d’en avoir une.

Or, la liberté religieuse implique que l’on puisse afficher les signes extérieurs de sa religion quand cela ne menace pas l’intégrité d’autrui (c’est pourquoi je fais exception pour le kirpan, un objet potentiellement dangereux).

Une religion n’est pas une chose honteuse qu’il faut cacher dans le creux du logis sous peine de polluer l’espace public.

Le gouvernement osera-t-il faire du Québec le seul endroit en Amérique où la liberté religieuse serait subordonnée aux diktats de l’État ? Un État qui, par-dessus le marché, se mêle de définir les « valeurs » du peuple, comme si le Québec n’était pas une société complexe et diversifiée où chacun a ses propres valeurs ?

Le gouvernement a décidé de reporter la date de la publication de sa charte et d’y aller graduellement. Serait-ce le signe que cette affaire commence à l’embêter ? Ou, autre possibilité, qu’il entend faire durer le débat et en profiter pour déclencher des élections en décembre, comme le veut une rumeur ? Ce serait bien la pire des choses que de voir un gouvernement démocratique faire campagne sur le dos des minorités.

LYSIANE GAGNON (LA PRESSE)

 

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