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Les enquêtes pour fraude à la citoyenneté visent surtout le Liban

Bahador Zabihiyan Twitter  |  Radio-CanadaPlus d’un quart des personnes visées par des enquêtes pour fraude à la citoyenneté sont d’origine libanaise et la plupart sont arrivées au Québec ou en Ontario entre 2000 et 2004, selon des données obtenues par Radio-Canada.

En septembre dernier, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) annonçait que plus de 3100 personnes étaient visées par des enquêtes pour fraude à la citoyenneté. Jusqu’à présent, le ministère demeurait discret sur l’origine de ces présumés fraudeurs.

Les informations obtenues par Radio-Canada à la suite d’une demande d’accès à l’information permettent d’en savoir plus sur le profil de ces derniers : avec 27 % des cas, le Liban est le pays le plus visé par ces enquêtes.

Mais la surreprésentation des personnes d’origine libanaise dans les enquêtes pour fraude à la citoyenneté n’a pas de signification statistique, selon Richard Kurland, un avocat spécialisé en droit de l’immigration qui habite à Vancouver. « Ça ne représente pas le portrait global, c’est plutôt la conclusion de deux ou trois investigations clés », explique Me Kurland, dont un des clients fait partie des Libanais visés par Ottawa. Il explique aussi cette situation par le fait que CIC a amélioré son système de bases de données, à partir de 2004.

 

 

« Des centaines de personnes ont utilisé la même adresse pour leur demande de citoyenneté! Quand Immigration Canada a amélioré son système informatique, ils ont identifié ces dossiers », pense-t-il.

Une situation mise en lumière par la diffusion d’un reportage de l’émission Enquête

En 2009, un reportage de l’émission Enquête révélait qu’un nombre important de Libanais obtenaient la citoyenneté canadienne de manière frauduleuse en simulant leur présence au Canada, souvent sur recommandation de consultants en immigration peu scrupuleux. En effet, la loi oblige les résidents permanents canadiens à rester au pays pendant au moins trois ans, avant de devenir citoyens.

Selon l’avocat montréalais Joseph Daoura, la forte représentation des Libanais s’explique en partie par des perquisitions qui avaient mené tout droit à cette filière, peu de temps après la diffusion du reportage d’Enquête. « Ce n’est pas un phénomène généralisé à tous les Libanais », précise Me Daoura, qui défend plusieurs familles libanaises accusées d’avoir obtenu la citoyenneté frauduleusement.

Les procédures de révocation seront longues et coûteront cher

En 2012, 19 personnes ont vu leur citoyenneté canadienne être révoquée, comparativement à 66 personnes entre 1977 et 2011. La procédure de révocation de la citoyenneté peut prendre des mois, voire des années, explique Me Kurland. « Ce n’est pas facile, c’est difficile et c’est cher, si la personne concernée décide de combattre la décision », dit-il. Toutefois, il estime que beaucoup de ces fraudeurs ne résident pas au Canada. Ils pourraient tout simplement accepter la révocation de leur citoyenneté, sans entamer de démarches judiciaires.

Mais pour ceux qui se trouvent au Canada, la situation s’annonce très compliquée, selon Me Kurland. D’autant plus que dans plus d’un quart des cas, la fraude a été commise il y a plus d’une décennie, selon les données de CIC compilées par Radio-Canada.

« Disons que j’ai triché en 1995, j’ai menti, je me suis déclaré comme physiquement présent entre 1990 et 1995, ce qui est bel et bien faux. Entre 1995 et aujourd’hui, je suis resté au Canada. Ça, c’est un dossier qui est compliqué […] après le mensonge, ils ont bel et bien vécu au Canada », explique Me Kurland, dont un des clients fait l’objet d’une enquête pour de la fraude à la citoyenneté.

Certaines des personnes visées sont installées au Canada avec leur famille depuis des années, explique Me Daoura, qui représente plusieurs d’entre elles.

« Ils ne sont pas fiers de ce qu’ils ont fait, mais ce qui les préoccupe, c’est leurs enfants. Les enfants n’avaient pas leur mot à dire […] ils paient pour les pots cassés des parents qui ont fait de fausses déclarations », dit l’avocat montréalais. Il espère que le gouvernement fédéral fera preuve de clémence.

Quand le passeport canadien veut aussi dire une augmentation de salaire

Outre le Liban, plusieurs autres pays du Moyen-Orient sont particulièrement visés par ces enquêtes. Ainsi, 240 cas de fraudes proviennent du Koweït, 150 des Émirats arabes unis et 132 de l’Arabie saoudite. Si la citoyenneté canadienne ouvre l’accès à la couverture médicale ou au système d’éducation d’ici, et permet de quitter le Moyen-Orient en cas de conflit, elle offre aussi la possibilité d’avoir un meilleur salaire pour les étrangers vivant dans ces pays.

Car dans plusieurs émirats du golfe Persique, les détenteurs d’un passeport occidental sont souvent bien mieux rémunérés que ceux des autres pays, selon des documents de CIC obtenus par Me Kurland, en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. D’autant plus que les règles pour obtenir la citoyenneté des pays du golfe Persique sont draconiennes.

La plupart des cas de fraudes se trouvent en Ontario, au Québec et en Nouvelle-Écosse

La quasi-totalité des enquêtes pour fraude à la citoyenneté vise des personnes établies en Ontario, au Québec et en Nouvelle-Écosse. Le grand nombre de cas dans cette province des Maritimes pourrait s’expliquer par une enquête visant le consultant en immigration Hassan Al-Awaid, en 2011. Ce dernier avait aidé 430 personnes à obtenir frauduleusement la citoyenneté, selon CIC.

Mieux contrôler les entrées et les sorties des résidents permanents

D’autres améliorations devraient être apportées pour éviter les fraudes, selon Me Daoura. Il estime qu’il faudrait mieux contrôler les allées et venues des résidents permanents.

Enquête avait découvert que pour brouiller les pistes, les Libanais qui entraient au Liban pouvaient tout simplement faire étamper leur déclaration de voyageur plutôt que leur passeport.Enquête avait aussi appris que pour cacher leurs déplacements, les Libanais pouvaient éviter de faire tamponner leur passeport en entrant au Liban, en présentant plutôt une fiche aux douaniers. CIC cherche à mettre sur pied un nouveau système afin d’obtenir davantage d’informations au sujet des allées et venues des résidents permanents, selon le bureau du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, Jason Kenney.

Toutefois, au lendemain de la diffusion du reportage d’Enquête, en 2009, M. Kenney avait indiqué qu’il était impossible de contrôler toutes les entrées et les sorties des immigrants au pays, en raison de diverses contraintes techniques. « Ce serait très cher et difficile à mettre en vigueur […] à cause de la frontière avec les États-Unis. Nous ne voulons pas créer un deuxième point de vérification pour les Canadiens qui voyagent aux États-Unis », avait-il déclaré à l’antenne de RDI.

Bahador Zabihiyan Twitter  |  Radio-Canada

 

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