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L’émigration, opportunité ou menace pour l’Afrique?

L’émigration est un phénomène universel qui touche l’Afrique plus que tout autre continent. Elle présente deux grandes caractéristiques : D’abord, c’est un flux de population qui va, essentiellement, des pays du Sud, c’est-à-dire, des pays pauvres, vers les pays nantis du Nord; Ensuite, face aux mesures restrictives des pays du Nord, une partie de cette immigration est devenue illégale et met en péril la vie d’une partie de la jeunesse africaine.

Si ce mouvement de population révèle des dysfonctionnements dans les pays d’origine qui, incapables de satisfaire des citoyens trop frustrés, n’arrivent plus à les retenir, l’émigration n’en dégarnit pas moins l’Afrique de deux catégories importantes de sa population : son élite et ses jeunes. Certes un retour sur investissement est toujours attendu de ce flux mais pourra-t-il compenser la «fuite de cerveaux»? Et, dès lors, la réponse à la question : «l’émigration est-elle une opportunité ou une menace pour l’Afrique?» est vitale pour ce continent.

Avant d’apporter les éléments de réponses à cette question, quelques rappels sont nécessaires.

Qu’est ce qui motive l’individu à émigrer? 

Il y a plusieurs raisons qui peuvent pousser le citoyen d’un pays africain à émigrer; elles peuvent être :

•     Professionnelles (travail ou études, par exemples);

•     Politiques ou sécuritaires; c’est le cas notamment des réfugiés ou des exilés politiques;

•     Économiques quand les candidats au départ cherchent à améliorer leur niveau de vie;

•     Personnelles lorsque les personnes cherchent à s’installer dans des pays dont ils se reconnaissent dans ses valeurs;

•     Familiales pour rejoindre un conjoint ou des enfants;

•     Fiscales, parfois, quand des personnes aisées visent à s’installer dans des pays adoptant un niveau d’imposition plus souple;

•     Écologiques pour les personnes qui fuient les aléas d’un climat trop sévère comme la sécheresse, par exemple.

Qu’est ce qu’un émigré, aujourd’hui? 

D’après la définition de l’Organisation des Nations Unies (ONU), un immigré est une personne née dans un autre pays que celui où elle réside.

Elle peut avoir la nationalité de son pays de naissance ou une autre, notamment celle du pays où elle réside.

Selon cette définition, en 2010, la proportion d’immigrés dans les plus grands pays d’immigration dans le monde s’établit comme suit :

PAYS                                  % D’IMMIGRÉS 

Émirats Arabes Unis     70%

Luxembourg                     35%

Suisse                                 23%

Australie                           22%

Canada                              21%

Autriche                            16%

Suède                                14%

Espagne                          14%

États-Unis                     13%

Allemagne                     13%

France                           11%

L’émigration clandestine 

Les volontés de plus en plus fortes d’émigrer associées aux lois de plus en plus restrictives concernant les entrées aux frontières ont donné naissance et contribué au développement des migrations clandestines.

L’immigration clandestine , comme souvent l’émigration clandestine, est illégale et les clandestins prennent de gros risques au péril de leur vie pour rejoindre des pays jugés plus prometteurs.

Pour arriver à leur but, les candidats à l’émigration clandestine n’hésitent pas à faire appel à des intermédiaires véreux à qui ils versent des sommes importantes pour être aidés à franchir les obstacles naturels (mers, montagnes, etc.) ou humains (police des frontières), souvent dans des conditions précaires.

Les migrations maghrébines et le début de l’émigration africaine 

Les migrations maghrébines ont connu essentiellement 3 vagues :

• Une immigration de travail à la fin des années 60 et au début des années 70 avec la mobilité d’ouvriers analphabètes et peu qualifiés;

•Une immigration familiale favorisant le regroupement familial, au milieu des années 70;

•Une vague de migrations nuptiales, dans les années 1992/95 avec la multiplication des mariages de jeunes de la deuxième génération qui vont chercher leurs conjoints ou conjointes dans le pays d’origine de leurs parents.

La migration maghrébine a initié la migration de l’ensemble de l’Afrique. Ce mouvement s’est amplifié avec la population sub-saharienne.

L’émigration subsaharienne 

Les immigrants subsahariens qui n’étaient que 20.000 en 1962 sont passés à 570.000 en 2004, soit une multiplication par 27 en 42 ans. Mais ces statistiques ne reflètent pas la réalité car ils ne prennent pas en compte les chiffres de l’immigration clandestine ainsi que les personnes de la seconde génération nées dans les pays d’accueil. Abbas Bendali, économètre, en partant des statistiques de l’INED et de l’INSEE, estime à 1.080.000, le nombre de noirs africains et à 757.000, les originaires des DOM(TOM), soit concrètement 2 millions de noirs présents en métropole, en 2004.

Les nouvelles destinations de l’émigration africaine 

Confrontés de plus en plus à des lois migratoires restrictives, les africains tentent désormais leur chance en Amérique du Nord, notamment au Canada.

Contrairement à l’Europe, l’immigration au Canada, est basée sur une sélection par les qualifications et les compétences; ce qui laisse entrevoir une fuite de cerveaux dans un continent où les défis et les enjeux du développement sont, de plus en plus, vitaux. C’est pourquoi, le prix à payer pour cette émigration choisie est lourd pour les pays africains.

Mais le pire, c’est que l’intégration de ces immigrants, d’origine africaine, est souvent loin d’être une réussite.

En 2005, le monde compte 200 millions de migrants, soit 3% de la population de la planète. Plus de la moitié des migrants sont concentrés dans 15 pays d’accueil, notamment aux États-Unis, avec ses 35 millions de migrants.

En 2004, les immigrants africains, officiellement recensés dans les pays de l’OCDE, atteignent 7.2 millions avec 3.8 de Nord-africains et 3.4 millions de Subsahariens. C’est l’Amérique du Nord qui accueille le plus d’immigrants africains, avec 1.2 millions de personnes. Cette immigration reste modeste relativement à celle du Mexique, avec 8 millions d’immigrants.

L’émigration Africaine vers les pays riches d’Occident présente quelques avantages et pas mal d’inconvénients qui rendent difficile la réponse à la question : «l’émigration est-elle une opportunité ou une menace pour l’Afrique?».

 Les inconvénients de l’émigration africaine 

Les restrictions de plus en plus sévères aux frontières des pays riches poussant de nombreux jeunes africains, hommes et femmes, à risquer leur vie à la recherche d’une vie meilleure. Aujourd’hui, cette immigration illégale constitue un grand problème non seulement pour le pays d’accueil mais aussi et surtout pour les pays africains qui sont encore plus fragilisés. Les immigrants africains ont de grandes difficultés à s’intégrer dans les sociétés d’accueil.

Ils sont les premiers à être touchés par le chômage et le sous-emploi. Ils souffrent directement ou indirectement de préjugés, de discrimination et de marginalisation. Leurs enfants ont des difficultés scolaires. Ils sont sous-représentés dans la vie politique ou sociale.

Les pays africains, rongés par les conflits, les écarts importants de revenus et les changements environnementaux (comme la sécheresse), se vident non seulement de sa force vive (une partie de sa jeunesse) mais aussi d’une grande partie de son élite (médecins, ingénieurs, avocats, …).

Les avantages de l’émigration africaine 

On estime que l’Afrique compte 19 millions de migrants aujourd’hui. Ce qui représente 9% de la population immigrante mondiale en 2010 (Département des Affaires Économiques et Sociales des Nations Unies). Il est probable que ce chiffre soit plus élevé car les données concernant l’immigration illégale ne sont pas maîtrisées. Cette population migrante constitue une importante diaspora qui peut contribuer au développement de l’Afrique si elle est mobilisée. La mobilisation de cette diaspora et sa contribution au développement constituent aujourd’hui un grand défi pour l’Afrique. Pour le relever, l’Afrique doit réactualiser ses plans de développement en y insérant obligatoirement les actions suivantes :

•      La lutte contre la pauvreté;

•      Création d’une institution chargée de la migration et du développement

•      Mettre à profit les compétences des organisations internationales comme l’OIM, le PNUD et l’OIT

•      Diffuser des informations sur les possibilités d’investissement

•      Lutter contre la corruption

•      Instaurer la primauté du droit

•      Faire participer les expatriés à des projets de Co-développement.

Comme on peut le constater sur la base de la situation actuelle, l’émigration constitue plus une menace pour l’Afrique; cependant le grand défi de ce continent, aujourd’hui, c’est d’en faire une opportunité en mobilisant sa diaspora pour l’impliquer dans son développement.

Par Radouane Bnou-Nouçair  (Atlas.Mtl)


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