
Eric Gerest (Photo prise lors du match Maroc-Algérie juin 2011)
Quant on analyse quelques réactions assez représentatives de certains médias marocains, on ne peut s’empêcher de se poser la question : «le lynchage médiatique est-il en train de devenir une spécialité marocaine?»
En effet, au-delà de la mauvaise foi et de la pauvreté des analyses de certains articles, ce sont surtout le ton agressif et les propos outranciers qui choquent.
«… Il n’y avait pas l’empreinte du technicien belge. Les joueurs étaient livrés à eux-mêmes…»(Libération);
«… Les hommes d’Éric Gerets n’ont réussi à prendre que deux points sur 6 possibles. Et à ce rythme, ils sont beaucoup plus proches de la porte de sortie que de la qualification…»(Le Matin);
«… L’entraîneur «de renommée mondiale», Éric Gerets, n’est autre que le pire coach que l’équipe nationale du Maroc n’ait jamais connu…» (Al Massae);
«… Éric Gerets qui a récolté le plus grand nombre de sifflets. «Gerets dégage» scandait le public pendant le duel…»(Assabah).
Que reproche-t-on exactement à cet entraîneur? Son salaire, son charisme ou le fait qu’il a créé une belle ambiance de travail entre les joueurs qu’ils soient locaux ou binationaux, jeunes ou vétérans,…
En fait, ce qui frustre certains de nos journalistes, c’est qu’ils n’ont plus le libre accès aux joueurs, aux entraînements et … à l’entraîneur et n’ont donc plus cette possibilité de disposer d’exclusivité ni l’occasion de galvauder des potins.
Ils sont confortés dans leurs bêtises par des soit disant grands joueurs dont le degré de réflexion a moins évolué que leur compte en banque et qui s’acharnent à détruire tout sur leur passage quitte à sacrifier l’équipe nationale, elle-même qui n’a plus d’intérêts pour eux car ils n’y sont pas directement impliqués.
Pour s’assurer de leur mauvaise foi flagrante, je défie quiconque de nous trouver dans ces articles de lynchage, la moindre proposition ou la plus petite des alternatives. Rien, on se contente de critiquer et de détruire…
Le bilan Gerets : ni brillant ni catastrophique
Si on analyse le bilan de Gerets jusqu’à présent, on peut constater que, même s’il n’est pas brillant, il est loin d’être catastrophique.
- – Il a brillamment qualifié l’équipe nationale pour la CAN 2012 avec deux belles victoires sur l’Algérie et la Tanzanie;
- – Il a créé une ambiance propice au travail entre les joueurs;
- – Il a quand même raté la CAN 2012 mais ce fut surtout par manque de chance et à cause du manque de compétition de certains joueurs clé.
Mais il ne faut pas oublier que mise à part 2004, le Maroc est éliminé dès le premier tour de la CAN depuis 2000(2000, 2002, 2006 et 2008) alors qu’en 2010, on n’était même pas qualifiés.
Il faut aussi se rappeler que Zaki n’a du son salut en 2004 qu’à un but marqué miraculeusement par Chammakh dans les dernières secondes du match contre l’Algérie. Par ailleurs, Zaki n’a réussi avec aucun club au Maroc et il a quitté la sélection après y avoir provoqué des polémiques (conflit avec Naybat, avec la fédération, etc.).
Quant à Gerets, malgré de multiples provocations, il garde son calme et son assurance. En vrai professionnel, il a tiré les leçons de son échec à la CAN :
- – Il n’a pas convoqué les joueurs qui ne sont pas titulaires dans leur club. C’est ainsi qu’il a écarté, excusez du peu, Hajji, Chamakh, Carcela, Kantari, Kawtari et kaddouri;
- – Il a fait confiance aux meilleurs joueurs de la Botola et il a eu raison puisqu’on a eu de belles révélations comme Khalliki, Belemaalem ou Bourezouk. Et il y en aura d’autres après le tournoi d’Arabie Saoudite;
- – Il a fait appel aux meilleurs «Olympiques» (Bergdich, Berrada).
Avec ce groupe inédit, et malgré les blessures de joueurs clé (Hermach, Boussoufa, Basser, Ahmadi et Essaidi) et, en moins de 15 jours de travail, il nous sort une équipe compétitive qui a tenu tête à la meilleure équipe africaine de ces dix dernières années.
Football marocain: changement d’entraîneur et absence de vision
Au-delà de la campagne acharnée contre l’entraîneur actuel de la sélection nationale, il faut malheureusement constater que les changements d’entraîneur ont toujours constitué le moyen privilégié des différents acteurs du football national pour dissimuler leur impuissance à rendre le sport préféré des marocains durablement performant.
Pour illustrer ces propos, il faut remonter loin dans le temps et, précisément, en 1993 durant laquelle le football marocain va assister passivement à une des plus grandes injustices de son histoire. L’équipe nationale est entrainée par un ancien professionnel marocain, Abdelkhalek Louzani ; il avait bâti une équipe compétitive qui était sur le point de se qualifier pour la coupe du monde 1994. Fidèle à ses convictions, il décide de se passer de 3 joueurs clés qui ont fait le mur. C’est à ce moment là que l’armée des lyncheurs se mettra en branle et finira par avoir la tète de Louzani, à un match de la qualification pour la CM 1994. Il quitte la sélection sur une victoire importante : 3-1 sur le Sénégal à Dakar. À l’issue de ce match, il sera remplacé par feu Abdellah Blinda. La suite, on la connait : une participation catastrophique en CM 1994 avec 3 défaites. Ce qui amènera feu le Roi Hassan II à prendre les choses en main : dissolution de la fédération et nomination d’Henri Michel à tête de la sélection.
Le français restera 5 ans, jusqu’en 2000, à la tête de la sélection.
À partir de cette date, l’instabilité va s’installer et, à la moindre contre performance, l’armée des lyncheurs se mettra en branle pour virer l’entraîneur et les coaches vont succéder à un rythme infernal et ridicule qui n’honore pas le football marocain. Il y a même des entraîneurs qui n’ont pas dépassé les six mois d’exercice.
Le cas de Gerets offre au public marocain l’occasion de mettre fin à cette spirale infernale qui nuit au football marocain.
Alors, crions ensemble : halte aux lynchages! Halte à l’insécurité! Vive le football marocain!
Les entraîneurs de l’EN depuis 2000
Henri Kasperzak : Fév. 2000 à sept. 2000; 8 mois
Humberto Cuelho : Oct. 2000 à sept. 2002; 2 ans
Badou Zaki : Sept. 2002 à oct. 2005; 3 ans
Philippe Troussier : 2005; 3 mois
M’Hamed Fakhir : Mars 2006 à sept. 2007; 18 mois
Henri Michel : Sept. 2007 à fév. 2008; 6 mois
Roger Lemerre : Juil. 2008 à juil. 2009; 1 an
Hassan Moumen + 3 autres cadres marocains : Juil. 2009 à déc. 2009; 6 mois
Dominique Cuperly : Juil. 2010 à oct. 2010; 5 mois
Eric Gerets : Depuis oct. 2010