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Safran et Cannelle: le Maroc en dilettante

Le restaurant Safran et Cannelle s'est installé au rez-de-chaussée d'un ancien magasin de costumes qu'il a métamorphosé en petite échoppe. PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

On dirait qu’il y a toujours de nouvelles ouvertures de restos en ville. Beaucoup visent une clientèle «bourgeois-bohème», gourmande, insatiable de nouveauté et surtout pas très fidèle.

Les petites tables qui ne font pas la révérence aux «bobos», même si elles sont en affaires depuis un bon moment, restent un peu dans l’oubli. Dans le quartier des affaires du Vieux-Montréal, ce petit canyon d’édifices qu’est la rue Notre-Dame à l’est de la rue McGill, se trouve justement l’une de ces petites maisons dont on parle peu, mais dont la cuisine est remarquable et originale.

Safran et Cannelle (joli nom pour un resto n’est-ce pas?) s’est tranquillement installé au rez-de-chaussée d’un ancien magasin de costumes qu’il a métamorphosé en petite échoppe où les plats sont proposés dans un grand présentoir en verre.

Le cadre est plaisant, très discrètement exotique, et se profile sur deux planchers. Au niveau de la rue, on est un peu à l’étroit sur des bancs en regardant les passants défiler à toute vitesse. Personne ne semble nous apercevoir, parce que le resto ne paie tout simplement pas de mine de l’extérieur. Or, il ne faut pas juger un bouquin par sa couverture.

À l’intérieur, les murs sont de couleur safran, c’est joyeux et pimpant et certaines tables sont même nappées de blanc. On ne s’attend pas à grand-chose habituellement d’un bistro de ce genre, où l’on peut choisir son plat à même un grand comptoir réfrigéré à la manière d’une cafétéria. Pourtant, un seul coup d’oeil suffit à nous convaincre et surtout, à nous ouvrir l’appétit. C’est que le patron insiste, les plats sont toujours frais et changent tous les jours, les salades sont présentées à la minute, et puisque le gros du menu consiste en quelques plats longuement mijotés – cinq tajines marocains ce jour-là -, on n’a pas à se soucier de la mise en place. Cela dit, on propose aussi un couscous, il le faut bien, et plusieurs entrées.

Cuisine élaborée

Principalement marocaine, la maison évite les clichés en présentant quelques tajines inhabituels, et des plus familiers comme le poulet aux olives. Aussi au menu: une demi-douzaine de salades, que l’on présente sur une assiette commune en guise d’entrée en matière. Ça nous change des cartes aux 14 versions du couscous royal. Et c’est bien heureux, car la cuisine marocaine est probablement la plus élaborée d’Afrique, et nous avons rarement l’occasion d’en fouiller la très grande variété.

Ce midi-là, nous avons choisi un tajine de lentilles aux boulettes de viande – du veau nous dit-on -, et un tajine de jarret d’agneau mijoté avec des pruneaux, un classique du savoir-faire en matière de salé-sucré et une marque identitaire du pays. On nous a apporté du pain en miche individuelle, cuit sur place et d’une consistance absolument divine. Il faut dire qu’au Maroc, c’est le centre du repas au cours duquel on trempe chaque bouchée dans le tajine. Pas de légume d’accompagnement, ils sont dans le mijoté. Rien que le plat tout seul, donc, servi dans son écuelle de terre cuite.

Avant toute chose, on nous sert une assiette comprenant quatre préparations froides et végétales: des aubergines grillées tranchées finement sur la largeur, une salade de tomates et de concombre assaisonnée à la coriandre et au cumin rôti avec quelques notes apportées par du citron confit finement émincé, quelques dés de pommes de terre sautées à l’huile d’olive, un effilochée de carotte parfumé avec un peu de fleurs d’oranger. C’est frais, beau et croquant, comme si on découvrait tout un continent dans une seule assiette.

Les tajines, eux, embaument littéralement l’espace, la sauce tomatée de celui aux lentilles, les boulettes de viande aux odeurs de safran, de paprika et de cumin. Et l’odeur splendide et musquée de l’agneau qui se défait de son os comme des pétales de roses. Parfums de menthe, de fenouil, odeurs de safran encore et de gingembre. Tout ça nous réveille les sens d’un seul coup.

En bouche, c’est en parfaite adéquation avec les odeurs, épicées, fines, d’un admirable raffinement. En finale, les douceurs farcies à la pâte d’amande – briouates et cornes de gazelle – sont comme autant de miniatures fignolées avec soin. Jusqu’au thé à la menthe, servi dans sa théière en métal qui brûle les doigts, tout est authentique et ravissant.

Safran et Cannelle

420, rue Notre-Dame O.

514-985-3030

Prix : Comptez environ 18-20$ par personne, pour des entrées végétales, un plat, des douceurs en finale et un thé à la menthe, service et taxes compris! Qui dit mieux dans ce quartier?

Faune : La faune des affaires en complets cravates et tailleurs qui n’a pas peur des épices et des choses exotiques.

Service : Familier et fait avec aisance et délicatesse.

Vin : Y a pas.

Plus : Tant de choses: raffinement, prix doux, ambiance décontractée.

Moins : Ouvert uniquement sur l’heure du lunch.

On y retourne? C’est un coup de coeur cette année, alors oui!

 

Robert Beauchemin, collaboration spéciale
La Presse

 

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