Un colloque sous le thème générique “Migration, citoyenneté et participation politique” organisé, dimanche à Montréal, par le groupe Atlas Média, a abordé la problématique de l’implication dans l’action politique des immigrants maghrébins dans la société d’accueil.
Le sociologue marocain Dris Ajbali, partant du postulat que l’immigration maghrébine est relativement récente en Amérique du Nord, comparativement aux Italiens, par exemple, qui sont très présents dans le paysage politique québécois, explique le manque d’implication des immigrants issus de l’Afrique du Nord par le fait de l’absence de leur reconnaissance comme communauté à part entière qui a sa richesse culturelle.
Aux yeux du conférencier, il manque à la communauté maghrébine des multiplicateurs d’influence qui peuvent ratisser au niveau de ce que le sociologue appelle “les marqueurs identitaires” que l’on retrouve dans le milieu communautaire. Leur présence squelettique, voire leur absence sur l’échiquier politique du pays d’accueil, peut se traduire par un sentiment d’être des exclus de l’Histoire, fera observer Ajbali. Sami Aoun, directeur de l’Observatoire sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord de la Chaire Raoul-Dandurand de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), qui a modéré un atelier sur le pourquoi du blocage par rapport à la participation politique, a soulevé, lui, la question de la spécificité culturelle. L’orateur estime nécessaire la réflexion sur la problématique “communautariste” dans une société où le primat juridique reste le citoyen-individu.
La communauté se manifeste par l’appartenance culturelle et cultuelle, alors que la société moderne se base sur le respect des valeurs universelles, relève-t-il.
Députée depuis 1994 du Parti libéral du Québec (PLQ), parti au pouvoir, Fatima Houda-Pépin a raconté son expérience d’élue au Parlement québécois. Son parcours politique n’est pas le fait de sa communauté, soutient la parlementaire, elle qui n’arrive pas à expliquer le peu d’enthousiasme des Maghrébins à s’intéresser à l’action politique. Président du parti municipal Vision Montréal (VM), Moncef Derraji estime que l’implication en politique ne se résume pas seulement à se porter candidat sur les listes électorales. Député fédéral d’origine algérienne depuis mai 2011, Tarik Brahmi a abondé dans le même sens. L’élu siège à la Chambre des communes au nom du Nouveau parti démocratique (NPD). Ils sont quatre Maghrébins, dont trois Algériens à se faire élire sous les mêmes couleurs partisanes.
Rachida Azdoud de l’Université de Montréal est revenue, elle, sur la notion du vivre ensemble. Une notion qui suppose l’abolition des murs économique et idéologique. Pour elle, c’est le déterminisme culturel qui peut nous mener à la dérive communautaire. Maire de l’arrondissement le plus maghrébin de Montréal, en l’occurrence Parc-Extension-Saint-Michel, Mme Annie Samson, raconte comment elle s’est fait élire dans un arrondissement qu’on a voulu appeler “le Petit Maghreb”. “Je ne comprends pas pourquoi les Maghrébins ne s’intéressent pas à la politique”, a-t-elle dit, en suggérant de ne pas convoiter leurs suffrages seulement mais aussi de les mobiliser en tant que citoyens.
Les intervenants sont arrivés au constat qu’il y a peu de Maghrébins investis dans l’action politique. Comment alors renverser la vapeur ? Le colloque, qui a ébauché des pistes de réflexion, laisse le débat ouvert.
22/5/2012, YAHIA ARKAT (Liberté)