Si pour l’Oscar 2012 du meilleur film en langue étrangère, l’Académie américaine du cinéma a préféré le film iranien Une séparation au canadien Monsieur Lazhar dans lequel Mohamed Fellag joue le rôle-titre, les choses se sont passées autrement sur le sol canadien hier soir(jeudi).
L’Académie canadienne du cinéma et de la télévision a décerné à l’acteur algérien Mohamed Fellag le prix Génie (l’oscar canadien) du meilleur acteur principal pour sa performance dans le film Monsieur Lazhar.
La cérémonie de remise des trophées s’est déroulée à Toronto et a été transmise sur le réseau canadien anglais CBC en l’absence de l’acteur algérien – il est en pleine tournée en France avec son spectacle « Petits chocs des civilisations ».
Le film réalisé par le Québécois Philippe Falardeau a raflé six prix dont celui du meilleur film. Sorti sur les écrans québécois en octobre 2011, Monsieur Lazhar a aligné les prix et les distinctions dont : le prix du public au Festival du film de Locarno, le meilleur film canadien au festival international du film de Toronto et le prix du public au dernier festival de Sundance.
L’histoire du film se déroule dans une école montréalaise. Tout commence avec le suicide d’une enseignante, le sujet restant tabou bien sûr dans l’école. Tabou mais non secret. On ne parle pas de mort encore moins de suicide dans le système éducatif. C’est dans ce contexte qu’arrive Monsieur Lazhar, Fellag, un Algérien de 55 ans qui n’a jamais enseigné. Il était restaurateur en Algérie. Mais il a réussi à se faire recruter sans trop de problèmes par une directrice dépassée par cette histoire. Cette facilité de recrutement a fait sourire beaucoup d’immigrants algériens. Mais, il est clair que le réalisateur s’est permis cette liberté pour les besoins de son film, une adaptation de la pièce théâtrale Monsieur Lazhar qui a eu un certain succès en 2007. La rencontre entre Monsieur Lazhar et ses élèves ne se fait pas sans « petits chocs culturels » avec ses méthodes loin de l’orthodoxie éducative bureaucratisée. Ainsi, le plus simplement du monde, Monsieur Lazhar propose à ses petits élèves une dictée tirée d’Honoré de Balzac ! Pendant ce temps, le destin de Monsieur Lazhar se jouait à la commission des réfugiés qui étudiait son dossier. Il risque d’être expulsé vers l’Algérie ou il n’a plus personne – sa femme, son fils et sa fille sont morts dans un incendie criminel lié au terrorisme.
Beaucoup d’Algériens du Canada se sont enthousiasmé pour le film à cause de Fellag. Mais à y voir de plus près, il est clair que le film parle plus des travers de la société québécoise que d’autre chose. Il y en a même qui ont trouvé qu’il véhicule des stéréotypes négatifs sur les immigrants algériens. « Comment se fait-il que Monsieur Lazhar estimé par tout le monde finit par être dévoilé et avouer qu’il n’a jamais été enseignant en Algérie ? Donc, le meilleur des Algériens est un menteur ? », s’est interrogée une immigrante algérienne qui vit à Montréal. D’ailleurs, Philippe Falardeau a affirmé à El Watan qu’il voulait scruter «sa société » à travers le regard d’un Algérien. Donc, l’histoire aurait pu être racontée à travers le parcours d’un autre immigrant. Ceci n’a rien à voir avec le talent de Fellag, évidemment.
Le réalisateur algérien Rabah Bouberras qui vit actuellement au Canada, estime, dans une entrevue avec El Watan, que c’est l’un des meilleurs rôles de Fellag. « J’ai connu Fellag à ses débuts. Je l’ai dirigé dans Sambrero, Tchop, entre autres. Je trouve que dans Monsieur Lazhar, il est supérieur au Gône du chaaba. C’est un vrai rôle de composition, un rôle psychologique, dramatique, intérieur et très très bien composé par Fellag. Ça m’a rappelé le Fellag des premières pièces qu’il jouait au TNA», a conclu Rabah Bouberras.
Samir Ben (El Watan)