Dans cet article paru initialement dans le numéro 77 de la revue française Confluences Méditerranée et que nous reproduisons ici, dans Maghreb Emergent, avec l’aimable accord de ses auteurs, Gilbert Meynier et Pierrette Meynier (*) examinent, documents et chiffres à l’appui, le passé et le présent de l’émigration algérienne en France. Ils analysent ses causes économiques et politiques sous la domination coloniale ainsi que les formes nouvelles qu’elle a revêtues depuis l’indépendance de l’Algérie. En un siècle, le profil de l’immigré algérien en France a radicalement changé. A l’époque des migrants-paysans déracinés en a succédé une autre, celle des « migrants politiques » fuyant l’islamisme et des harragas mus dans leur course vers la Citadelle-Europe par un puissant désespoir social (**).
Actuellement on peut estimer à 1,5 millions (chiffre donné par la France) ou à 4 millions (chiffre donné par l’Algérie) le nombre des personnes algériennes ou d’origine algérienne en France. Il est extrêmement difficile de donner des chiffres car des Algériens ont pris la nationalité française, d’autres entrent dans le lot des clandestins, et il y a aussi constamment des arrivées régulières et des départs. Actuellement il y aurait en France autour de 700 000 Algériens – des personnes de nationalité algérienne. Actuellement encore cette immigration est loin d’être négligeable, même si elle a beaucoup diminué – elle est estimée à 30 à 40 000 par an. Très ancienne, elle est fortement liée à l’histoire franco-algérienne. Un aperçu de cette histoire est nécessaire pour en évaluer l’importance et l’actualité. On peut dire qu’elle voit se succéder deux époques nettement délimitées par la césure de la fin du troisième quart du XXe siècle : on verra en effet que la rupture ne se fait pas avec l’indépendance de l’Algérie comme on pourrait le penser mais en 1973-1974.
A l’époque de la colonisation, et jusqu’à cette dernière date, l’immigration algérienne est essentiellement une immigration de travail. Elle n’a véritablement commencé qu’avec la première guerre mondiale. Avant cette date, les tout premiers migrants ont été les hommes chargés d’accompagner les troupeaux de moutons qui étaient livrés par l’Algérie à la France. Ces accompagnateurs devaient donner des garanties politiques et financières à la police avant de partir, cela pour obtenir un document de circulation. Quelques Algériens réussirent à avoir ce document de circulation pour venir travailler en France. Il y eut aussi des marchands ambulants de « produits indigènes », dans les villes de cure thermale, et dans quelques grandes cités. Parmi ces pionniers, il en est à n’être pas revenus en Algérie : certes, encore en bien petit nombre, quelques-uns ont formé la toute première génération de gens qui ont pu épouser des femmes du cru, fonder une famille, et se sont établis. Dès la fin du XIXe siècle, le patronat français fait appel aux ouvriers algériens pour briser les grèves. En 1914, Gérard Noiriel estime à 3 000 le nombre des travailleurs algériens en France ; la majeure partie vit dans les Bouches du Rhône, mais il existe aussi des foyers d’immigration dans le Nord-Pas de Calais, à Paris, puis à Lyon-Saint Étienne ; et il est vraisemblable que le chiffre réel dut être nettement plus important (1) (13 000 ?).
L’expropriation coloniale a transformé les paysans en ouvriers
C’est en 1913 qu’est établie pour les Algériens – la main d’œuvre algérienne surtout – la libre circulation. Avec la guerre, la France a besoin de main-d’œuvre et de soldats – le service militaire est obligatoire à partir du décret du 3 février 1912 – notons que la durée du service est deux fois plus longue que celle des Français. Au total 120 000 travailleurs et près de 175 000 soldats séjournent en France de 1914 à 1918. Près de 25 000 soldats algériens y sont tués. La fin de la guerre s’accompagne d’un retour massif des travailleurs et de la plupart des tirailleurs et spahis rescapés.
Mais aussitôt, pour la reconstruction, et du fait de l’hémorragie humaine due à la guerre, les industriels français font massivement appel à la main d’œuvre étrangère européenne – italienne, polonaise… –, et se tournent aussi vers la main d’œuvre « coloniale », en particulier algérienne, réputée plus docile, plus facile à encadrer, et moins coûteuse (2). C’est en particulier à elle qu’ont fait encore volontiers appel au moment des grèves ; les Algériens sont alors considérés comme des briseurs de grèves, des jaunes, par les ouvriers français. En revanche au moment de la crise de 1931 ce sont les premiers à être renvoyés.
L’immigration est stoppée pendant la durée de la seconde guerre mondiale, mais elle reprend dès 1946 : la France est à nouveau en période de reconstruction, puis à partir du milieu des années 50, débute la grande période d’industrialisation des « Trente Glorieuses », cela jusqu’au début des années 1970. On ne dira rien de l’implication des Algériens de France dans la guerre d’indépendance de 1954-1962 sous l’égide de la Fédération de France du FLN : ce serait le sujet d’un article spécifique. L’indépendance de l’Algérie ne change rien au phénomène de migration, même si en 1968 des accords franco-algériens imposent aux Algériens vivant en France un certificat de résidence lié à un contrat de travail, même en contrat à durée déterminée : pendant toute cette période, on a affaire à une population très mobile.
L’Algérie indépendante, exportatrice de main-d’œuvre
Il y a, à cette immigration, d’autres caractéristiques et il convient aussi d’en analyser les causes. Tout d’abord, elle est patronnée par la France. A l’époque de la colonisation, il est aisé aux industriels de faire appel à la main d’œuvre coloniale. La seule opposition vient des colons qui, eux aussi, ont besoin de bras et qui trouvent qu’une part trop belle leur est faite en métropole – les salaires sont plus élevés, les mauvaises rencontres, syndicales et politiques sont à craindre – et qui craignent que des idées « contestataires » leurs soient communiquées. Mais cette main d’œuvre reste jusque dans les années soixante, surtout une main d’œuvre d’appoint dès lors que les Italiens, Espagnols, Portugais ne suffisent plus ou ne donnent plus satisfaction. La liberté de circulation facilite ce système.
Il s’agit aussi d’une émigration de travail et d’une émigration masculine. Ce sont uniquement des hommes jeunes, au départ très majoritairement originaires de Kabylie, qui viennent, souvent pour dix à dix-huit mois et guère plus. Ils viennent en France pour gagner de l’argent, pour l’envoyer à la famille pour lui permettre de vivre et pour, à leur retour, en quelque sorte « s’établir ». S’établir, cela signifie la possibilité d’acheter des terres en Algérie, y compris aux colons : avec la première guerre mondiale qui voit la mobilisation de 120 000 Français d’Algérie, le départ de leurs terres de petits colons, et avec les famines de 1917 et plus encore de 1920-21, dans ces contextes difficiles, puis avec la crise de 1930, beaucoup de petits colons quittent leurs fermes pour s’installer en ville. Le solde des transactions foncières, durant des décennies défavorable aux Algériens au profit des Français, devient positif au bénéfice des Algériens durant la guerre de 1914-1918, puis définitivement à partir de 1931.
S’établir ce peut être aussi pour les Algériens immigrés acheter un petit commerce ou se faire artisan ; et gagner du coup une reconnaissance sociale grâce à une amélioration de leur situation économique et grâce aux connaissances acquises – acquisition ou amélioration du français… Et ils ont vu d’autres choses, découvert un autre monde. Il y a quelques installations définitives en France, encore peu nombreuses, mais de plus en plus dans l’entre-deux guerres, ainsi que l’a montré pour Lyon Geneviève Massard-Guilbaud (3) : certains ont épousé des Françaises et créé en France une famille qui est restée sur place. Ceci dit, il est vrai qu’il faut pratiquement attendre l’indépendance pour voir arriver en nombre les familles algériennes des travailleurs.
Une émigration essentiellement kabyle
Cette émigration provient essentiellement de Kabylie surtout jusqu’à la deuxième guerre mondiale. On a longtemps allégué que la pauvreté de la Kabylie était l’explication de ces départs – mais l’Aurès, autre massif berbère, et sans doute plus pauvre encore, n’a pas alors été touché par le mouvement d’émigration – il est vrai que l’Aurès n’a pas souffert de dépossessions de terres cultivables comparable à celles qu’a subies la Kabylie. L’explication peut renvoyer aussi, pour une notable part, à la politique coloniale menée en Kabylie. Dans l’idéologie racialiste coloniale française, le Kabyle est représenté comme le « bon sauvage », digne d’assimilation, il fut même des idéologues pour soutenir qu’ils étaient de la même souche que les Gaulois. Et la Kabylie a joué un rôle relativement spécifique dans l’histoire de l’Algérie, comme en témoigne par exemple le « royaume de Kouko » au XVIe siècle (4), et pour comprendre plus largement cette spécificité à la période coloniale, il faut consulter des livres tels que la somme d’Alain Mahé (5) sur la Kabylie. C’est bien là que furent très tôt créées des écoles, que l’obligation scolaire théorique de 1885 fut relativement la mieux appliquée, que fut le plus enseigné le français, ce qui permit aux patrons français de dire préférer les Algériens aux Polonais car ils parlaient mieux français.
De fait, en Algérie, on observe un parallélisme entre scolarisation française et émigration. Et, comme le recrutement des travailleurs se faisait essentiellement par cooptation familiale ou villageoise, ce sont des générations de travailleurs d’un même lieu qui se succédèrent dans les mines du nord de la France et dans les usines de la région parisienne. Petit à petit, d’autres régions que la Kabylie se mirent à fournir de la main d’œuvre à l’industrie française : toujours à l’est, les régions de Sétif et des Aurès, au centre les régions du Dahra et de l’Ouarsenis enfin à l’ouest celles de Marghnia, Tlemcen, Nédroma : souvent régions montagneuses, où la berbérophonie est encore attestée au début du XXe siècle – outre l’Aurès et le Dahra-Ouarsenis, c’est encore le cas chez les Batti‘uwa du vieil Arzew près d’Oran, ou chez les Banû Snassen de la frontière algéro-marocaine.
L’émigration au service de l’économie française
Les causes de l’immigration sont, d’une part, les besoins de main d’œuvre de la France, et d’autre part, celles, classiques, liées à la colonisation, comme la dépossession des terres qui a accompagné la colonisation. Par exemple, il faut rappeler que la révolte de Mokrani (mars à juillet 1871) contre l’occupation française est suivie d’une répression massive et du séquestre par l’État de plusieurs centaines de milliers d’hectares de terres (6) : ce furent là deux régions de départ. Il y a aussi la paupérisation massive de la société algérienne dans le cadre d’une économie qui est devenue monétaire. On part en France pour avoir des espèces sonnantes avec lesquelles on peut désormais « tout » faire, y compris acheter de la terre.
Et l’émigration algérienne est aussi corollaire de la montée de la pression démographique : la population algérienne, d’environ 3 millions à la veille de 1830, était tombée à 2,2 millions en 1872, du fait des morts de la conquête que l’historien Jacques Frémeaux (7) a évalués à environ 400 000, et des victimes de l’épouvantable famine de 1867-1868 qui fut peut-être bien à elle seule aussi meurtrière (8). Se produit ensuite ce que les Québecquois appellent une « revanche des berceaux » : 1891 : 3 560 000 d’habitants en 1891, 4 740 500 en 1911. Malgré la guerre de 1914-1918 et les famines de 1917 et de 1920-21, il y a en 1926 5 millions d’Algériens. En 1954, l’Algérie a 8,4 millions d’habitants algériens. Et, malgré les morts de la guerre d’indépendance de 1954-1962 que le démographe Kamel Kateb évalue à environ 400 000 (9), elle n’en compte pas moins de 12 millions au recensement de 1966 : outre la forte natalité, s’est alors produit une notable amélioration de la situation sanitaire.
Les causes des migrations ne disparaissent pour la plupart pas avec l’indépendance. Et, en attendant que la révolution agraire et l’industrie industrialisante engagée par le régime Boumediene portent leurs fruits, les dirigeants de la nouvelle Algérie ne veulent pas se priver de la manne financière de l’émigration : cela explique que l’indépendance ne change pas grand-chose au mouvement migratoire, et la liberté de circulation demeure. Si ce n’est que arrivent, désormais en plus grand nombre, des familles et que l’Algérien perd son statut d’ « indigène » pour devenir un étranger. 1974 marque un tournant : c’est la fin de la seule immigration de travail. Une longue période se clôt.
La rente pétrolière et le coup d’arrêt volontariste de l’émigration
Du côté algérien, d’une part, dans un contexte marqué par la nationalisation des hydrocarbures en février 1971, le gouvernement du colonel Houari Boumediene décide de suspendre l’émigration vers la France fin 1973, alors que jusqu’à cette date il ne s’était que peu préoccupé de la question ou s’y était même montré favorable en raison de l’apport d’argent qu’elle représentait. A cela, deux types d’explications. D’une part l’officielle : une vague d’attentats racistes commence en 1971 ; entre mars et juin, huit Algériens sont victimes d’attentats, puis en 1973, à Marseille, se produisent de nouvelles agressions contre des Algériens, des foyers Sonacotra sont attaqués, cela dans un contexte de développement de l’extrême droite au racisme anti-algérien marqué, où l’influence de l’OAS est encore importante. Cela conduit Boumediene à parler d’insécurité pour les ressortissants algériens en France. D’autre part, l’explication non dite, à vrai dire tout aussi probable, même si elle n’exclut pas la précédente : l’Algérie, dirigée par Boumediene, est en pleine période d’arabisation et d’exaltation de « l’authenticité » (al-açâla) et de « nos valeurs » (qiyamunâ) arabo-musulmanes (10) ; il faut donner des gages à l’identité algérienne, identité qui est confondue à dessein avec la vision d’un Islam trop souvent figé, voire rétrograde, qui est celui cultivé à dessein par l’appareil obscurantiste d’État : les arabisants algériens de valeur qui auraient été à même de conduire une arabisation de qualité sont écartés au profit de petits maîtres trop souvent incultes et bornés. L’immigration vers l’Occident « gawrî »(11)devient alors insupportable.
Du côté français, dans un contexte marqué par la « banalisation » – entendons par là un dépérissement irréversible – de la coopération culturelle et technique entre la France et l’Algérie, le 4 juillet 1974, Valéry Giscard d’Estaing, alors président de la République, ferme les frontières aux migrations de travail. En France, la courbe du chômage remonte depuis 1968, et cette remontée est accentuée par le choc pétrolier dû à la guerre du Kippûr (octobre 1973). Cependant l’émigration algérienne continue, même si elle baisse fortement – en 1974, 185 000 entrées, en 1976, 85 000. Et surtout elle change de nature (12). La fin de la liberté de circulation signifie que les allers-retours ne sont désormais plus possibles. Ce qui fait que les Algériens travaillant en France veulent désormais y rester, et ils font alors venir leur famille. Les entrées sont dès lors essentiellement constituées par le regroupement familial, (plus de la moitié des entrées). Regroupement familial veut dire faire venir le conjoint et les enfants. Cela signifie bien que les Algériens qui entrent en France s’installent, et restent.
Des nouveaux migrants atypiques : les harragas
Actuellement, ce regroupement familial est remis en cause non pas dans le cadre de la loi, car on fonctionne toujours dans le cadre de l’accord franco-algérien – les dernières modifications datent de juillet 2007 –, mais du fait d’un système de tracasseries administratives qui rendent souvent difficile la venue de la famille. En principe, les entrées pour raisons de travail sont très peu nombreuses, mais il faut faire attention aux chiffres : les entrées pour regroupement familial, surtout quand il s’agit de conjoints de Français, ne signifient pas que ceux qui entrent, surtout si ce sont des hommes, ne vont pas travailler : les statistiques officielles ne donnent donc pas la réalité.
L’émigration en France se fait aussi pour des raisons politiques depuis le début des années 1990 : le triomphe du FIS aux élections municipales de Juin 1990, puis au premier tour des élections législatives de décembre 1991, entraîne l’arrêt par les dirigeants algériens du processus électoral et la guerre civile qui s’ensuit. Une guerre civile menée par des islamistes et entretenue, sinon suscitée ou manœuvrée par les généraux qui tiennent le pouvoir. Beaucoup d’Algériens, en particulier les intellectuels, souvent menacés à la fois par les islamistes et l’appareil dirigeant, n’ont d’autre issue que celle de la fuite. On voit donc apparaître le réfugié politique algérien. Plus de 100 000 demandes de statut de réfugié politique sont déposées entre 1993 et 2003. La France accorde seulement 19 623 statuts, c’est l’Allemagne qui en accorde le plus (44 000), la Grande Bretagne 11 600.
Dans les années 2000, l’immigration algérienne en France change de visage avec le développement du phénomène Harragas et les blocages européens. A partir de 2005, apparaît une nouvelle forme de départs, des départs clandestins ceux des harragas. Le terme de ḥarrâqa signifie « brûlot », celui qui brûle, qui fait flamber (13): de ḥaraqa : brûler, flamber, calciner (les frontières). Les harragas sont en général des jeunes, de 20 à 40ans, des hommes (depuis 2008-2009, on a répertorié un certain nombre de femmes et même des femmes avec enfant[s]) qui organisent des départs clandestins par mer en direction de l’Espagne ou de la Sardaigne. Ils se munissent d’un petit bateau à moteur, d’une boussole ou d’un GPS, d’un gilet de sauvetage, de vêtements chauds, de couvertures, d’une réserve d’eau potable, de nourriture, et du plus possible d’euros. Ils embarquent au début de la nuit dans l’espoir d’arriver au matin à destination, après au minimum huit heures de navigation à partir de la région d’Oran/Mostaghanem vers la côte andalouse, de la région d’Annaba vers la Sardaigne. Peu nombreux en 2005, ils ne cessent d’augmenter, bien qu’il soit, bien sûr impossible d’avoir des chiffres précis sur le nombre des départs. Et le processus, en quelque sorte, s’industrialise. Si au début on achetait les services d’un pêcheur, actuellement il y a des passeurs qui proposent leur service moyennant finance : de 600 à 1000 ou 1200 euros au départ, actuellement plus de 2000 euros.
Les harragas, une minorité parmi les illégaux
En 2006, les Forces navales algériennes ont appréhendé 1016 candidats à l’émigration clandestine, en 2007, 1500. Dans le premier semestre de 2008, 718 Algériens tentant de partir ont été arrêtés. Dans les huit premiers mois de 2007 on estime que 960 Algériens auraient rejoint les côtes sardes ; en janvier 2009 on apprend que 600 corps sont entassés dans une morgue en Espagne. La Commission nationale de sauvegarde de la jeunesse (CNSJA), liée à la Ligue Algérienne de Défense des Droits de l’Homme, indique qu’environ 4000 Algériens croupissent dans des prisons espagnoles, italiennes, libyennes et tunisiennes sans que cela n’émeuve personne (janvier 2009).
Cependant, il faut relativiser le phénomène dans le sens où les harragas ne représentent qu’une très faible partie des Algériens illégaux en France : plus de 90% d’entre eux sont à l’origine entrés en France de façon légale, munis d’un visa. Mais le phénomène Harraga est évidemment traumatisant, aussi bien pour les Français – et autres Européens – que pour les Algériens – il n’existe pas qu’en Algérie mais il est particulièrement important en Algérie. En France et plus largement en Europe, le spectacle bien orchestré de quelques barques surchargées de jeunes hommes venant d’Afrique pour prendre le travail et manger le pain des Français/Européens glisse aisément vers celui d’une « invasion barbare » ; et ce phénomène alimente une mauvaise conscience européenne : il est difficile à l’Europe de ne pas se sentir une part de responsabilité dans l’augmentation du nombre de morts en Méditerranée. Du côté algérien, ce phénomène représente une véritable remise en cause de l’Algérie, à commencer par ses dirigeants. Et c’est là qu’il convient de poser la question : « Qui sont ces harragas ? ».
En général ils sont jeunes – de 20 à 40 ans –, mais pas tous : le journal La Liberté signale le 31 août 2008 un harraga âgé de 66 ans, père de neuf enfants venant de Constantine, arrêté avec un groupe au moment du départ à proximité d’Annaba. Ils ont bien souvent des diplômes, parfois du travail, travail qu’ils n’hésitent pas à abandonner : on cite l’exemple d’un pharmacien, ou d’une personne qui travaillait dans une grande société qui n’ont pas hésité à tout abandonner pour partir. Un enseignant dans une université algérienne a obtenu un congé pour formation professionnelle en hôtellerie, ce qui lui a permis de partir pour l’Italie, où il travaille actuellement. Ils appartiennent souvent à la classe moyenne : il faut avoir de l’argent pour partir, et la famille n’était au début des années 2000 pas forcément hostile à ces départs – actuellement il en va différemment. Mais pourquoi veulent-ils partir ?
La force centrifuge de la corruption et du gâchis économique
Une des raisons réside d’une part dans la crise ouverte suite à l’annulation des élections législatives en janvier 1992. Cette crise a engendré une violence permanente, même si elle évolue en dents de scie. Actuellement, bien qu’elle soit moins importante, elle est toujours là, il y a toujours localement des attentats, et les Algériens vivent toujours ici et là dans la peur d’en être les victimes.
D’autre part, la politique de libéralisme économique, intriquée avec une corruption grandissante du pouvoir, a marqué les années Chadli, le successeur de Boumediene après sa mort fin 1978. Les privatisations alors entreprises, qui se sont accélérées vers 1994, ont entraîné le démantèlement des services publics – en particulier du système de santé – et aussi la fermeture de nombreuses entreprises publiques, donc du chômage. En effet, les particuliers qui ont acheté ces entreprises pour des sommes modiques ont préféré les fermer et négocier l’importation du produit sur lequel ils touchent des dividendes importants à l’entrée – c’est la course aux licences d’importations, partagées entre les dignitaires de l’appareil de pouvoir, leurs clients et partenaires. Par dérision, on raconte en Algérie qu’existent un général antibiotiques, un général whisky, un général parfums, un général vêtements de luxe féminins, etc. Cela permet à la caste aux pouvoir de stipendier des troupes de clients dans la fidélité par une redistribution d’avantages financiers.
On est dans le paradoxe : l’Algérie est un pays riche, très riche. Malgré sa richesse, et à cause de sa richesse, le pouvoir d’État, si tant est qu’il l’ait jamais entrepris, n’arrive pas à créer les conditions économiques et sociales susceptibles de retenir et d’empêcher la fuite des jeunes. Actuellement 30% de la population active et 50 % des jeunes de moins de 30 ans sont au chômage – c’est le taux le plus important des pays du Maghreb, du fait notamment de la rente pétrolière qui fait paradoxalement de l’Algérie le pays le plus riche par rapport à la Tunisie et au Maroc – elle dispose actuellement d’environ 170 milliards de dollars de réserves de change –; le plus riche mais le moins productif : les hydrocarbures représentent en valeur 98% des exportations et presque 50% du PIB.
L’absence de perspectives politiques : un puissant moteur de l’émigration
Pèse d’un poids lourd l’absence de perspective et de projet politique de l’État : à l’époque de Boumediene (1965-1978) l’Algérie a vécu dans le mythe du développement et du modernisme dans le cadre d’un socialisme étatisé. C’est surtout « l’industrie industrialisante », qui a coûté très cher du fait de sa technologie haut de gamme, et qui, comme nombre d’Algériens lucides le pressentaient, a été un vaste fiasco. Dans les plans de développement, après l’euphorie fugace de l’autogestion des années 1960, l’agriculture a eu la portion congrue, cela malgré la « révolution agraire » et les coopératives agricoles : au vrai, l’appareil d’État voulait en particulier acheter moins cher les produits agricoles à un secteur public sous contrôle. On sait que cette politique a échoué et que, à la fin du XXe siècle, l’Algérie ne pouvait guère se nourrir que deux mois par an, et qu’elle devait importer la plus grande partie des produits alimentaires qu’elle consommait. La privatisation de la terre, sous la présidence de Bouteflika, a donné une impulsion à l’agriculture algérienne, aujourd’hui elle produit davantage, mais à des prix prohibitifs pour la masse du peuple.
Enfin, et peut-être surtout, les dirigeants politiques ont été à ce jour incapables, à supposer qu’ils l’aient jamais voulu, d’initier un autre mythe que le « socialisme spécifique » de Boumediene susceptible de permettre à la jeunesse de croire à un projet politique. La seule réponse des dirigeants a été depuis 1992 l’état d’urgence – il a été officiellement levé le 24 février 2011. Cet état d’urgence explique qu’aucun vrai parti politique d’opposition ne peut se constituer à l’intérieur du pays après la transition démocratisante éphémère du ministère Hamrouche (septembre 1989-juin 1991), qui a été de loin comme gouvernement ce que l’Algérie a connu de plus intègre et de plus à l’écoute des problèmes du peuple, mais qui a été accusé d’être trop conciliant à l’égard des islamistes. L’état d’urgence est par définition un régime de restriction de liberté, et dans le cadre duquel rien ne peut s’épanouir.
Dans ce contexte de rétrécissement des libertés, les jeunes étouffent socialement et culturellement. Malgré l’effort de construction depuis le début du XXIe siècle, le manque de logements est encore crucial : les jeunes ne peuvent se marier faute de pouvoir s’installer dans un appartement. La vie culturelle est au plus bas : selon le témoignage d’un ami, dans la ville de Batna (plus de 300 000 habitants), il n’y a pas un seul cinéma ; à partir de la tombée de la nuit, les rues sont désertes. En Algérie, les bibliothèques sont rarissimes, comme le sont tous les éléments culturels vrais. Pour les jeunes qui sont à l’université, l’avenir est obligatoirement bouché s’ils ne bénéficient pas de protections particulières : quand des concours sont organisés pour accéder à certains postes, il est courant que les listes des reçus soient préétablies… Le seul repère existant est resté longtemps le fantasme du projet islamiste
La mal-vie des « harragas spirituels », restés au pays
Or, le projet du gouvernement pour la jeunesse ne se distingue pas beaucoup de celui des islamistes : l’enseignement est fortement islamisé dans son contenu et dans ses méthodes, et ce qui est enseigné n’est pas vraiment l’islam des grands penseurs de l’islam classique comme Abû al ‘Alâ al-Ma‘rî ou Ibn Rushd (Averroès). Dans l’enseignement, la mémorisation domine la réflexion. Il y a depuis l’indépendance un véritable obscurantisme d’État qui a formé l’obscurantisme populaire – un Ali Benhadj en est un produit typé : on construit moins d’équipements sportifs ou culturels que de mosquées – presque toutes d’ailleurs sur le même modèle. Le projet de la construction de la grande mosquée d’Alger, un projet de 5 milliards de dollars, est présenté comme un grand projet national qui fera la grandeur de l’Algérie puisque cette mosquée doit être la plus haute d’Afrique, en particulier plus que celle de Hasân II de Casablanca : le minaret de la supermosquée d’Hasân II n’a que 200 m de hauteur alors que le minaret de l’hypermosquée d’Alger s’élancera à 300 mètres – 300 m, c’est la hauteur de la tour Eiffel. Et l’État algérien, qui s’est présenté à la face du monde comme le rempart contre l’islamisme, a à son actif le code de la famille de 1984, qui fait des femmes des mineures à vie, et qui est l’un des plus réactionnaires du monde islamo-arabe. Son initiateur, le député de Tiaret Abdelaziz Belkhadem, est un islamiste, à l’origine député de Tiaret, qui fut recruté par l’appareil à l’époque de Boumediene – président du Parlement en 1990, il fait édicter des prières obligatoires avant chaque séance. Il est l’un des hommes les plus influents du cercle de Bouteflika (14).
Dans les quartiers surpeuplés qui sont en bordure des villes, dans des chantiers confiés à des entreprises chinoises – et maintenant aussi turques –, on a construit, et on continue à construire de plus belle de grands ensembles bétonnés sans âme, il n’y a aucun lieu de convivialité, ni jardins ni stades, ni maisons des jeunes et de la culture…, seule la mosquée peut y servir de lieu de rencontre. Il est donc évident que ces nouveaux quartiers ont été investis par les islamistes. Un prêtre qui dirige une paroisse de l’Algérie profonde reçoit de nombreuses visites de ces jeunes, il les appelle les « harragas spirituels ». Même si certains ont allégué vouloir se convertir au catholicisme, ils viennent le voir non pas pour cette raison, mais tout simplement pour entendre parler d’autre chose que de leur quotidien…
Longtemps durant, les islamistes ont gagné du terrain face à l’inertie subrepticement connivente des dirigeants. A la fois dans la population, comme nous venons de le voir, et dans le cadre des structures de l’Etat : le parti islamiste BCBG Hamas, en échange de son acceptation du pouvoir, détient plus de 100 sièges sur 389 à l’Assemblée Nationale, les hommes du Hamas sont de plus en plus présents dans les hauts cadres de l’Administration, la justice, l’enseignement ; et dans l’opposition, on trouve des éléments de l’ex FIS dissout, et bien d’autres relevant de partis de la mouvance islamiste dans les wilâya(s), les mairies… Tout cela fait que pour un jeune tout projet réalisable n’ait pu se concevoir jusqu’à très récemment que dans le cadre d’un projet islamiste. Pour réaliser un autre projet il faut partir, et partir devient un projet. Du moins jusqu’à début 2011 où la lame de fond de la révolte arabe semble avoir gagné, aussi, l’Algérie et est susceptible de modifier la donne.
Face à cette situation quelles sont les réactions du pouvoir algérien, de la France et de l’Europe ?
Pour ce qui est des dirigeants algériens, après avoir pendant de longs mois, et même plus de deux ans, ignoré le problème, et sur la pression des familles qui demandaient ce qu’étaient devenus leurs enfants, l’État algérien a réagi tout simplement en criminalisant les départs clandestins par la loi du 25 juin 2008 : toute personne prise sur une plage en train d’organiser un départ, ou arrêtée en mer par les gardes côtes, est arrêtée, jugée et passible de trois à six mois de prison et d’une forte amende de 20 000 à 60 000 dinars. On a déjà vu en Algérie plusieurs manifestations à l’occasion de ces condamnations. Les autorités ne veulent surtout pas que soit posée la question du « pourquoi ? ».
La citadelle-Europe élève encore plus haut ses murs
Du côté de la France et l’Europe, on ferme de plus en plus les frontières : il est désormais devenu presque impossible d’avoir un visa : la France a accordé en 2007 170 000 visas ; en 2009, 148 213 (dont 130 013 de court séjour et 18 200 de long séjour) aux fonctionnaires, aux politiques, aux commerçants, aux étudiants. Pour l’Algérien lambda, jeune, et sans travail, il est impossible d’obtenir ce visa, et toute demande coûte 80 euros de frais de dossier, non remboursés en cas de refus. Les demandes d’études à l’étranger se multiplient dans les consulats, pas seulement français, mais aussi canadiens et américains. En France le nombre d’étudiants algériens a fortement augmenté ces dernières années : de 11 900 en 1998-1999 à 21 676 en 2008-2009. Mais cela devient de plus en plus difficile, étant donné que le niveau de l’enseignement en Algérie est très bas, il faut passer par des écoles privées très coûteuses pour avoir le niveau requis pour l’examen à passer au consulat ; dans ce domaine aussi le favoritisme est de mise. Reste la seule solution entrevue : partir de façon clandestine ; et c’est ce mouvement qui se développe : de 2009 à 2011, même l’hiver n’a pas arrêté les départs. D’où le renforcement du dispositif de surveillance. C’est le système Frontex, peu connu du grand public, et pourtant au cœur de la machinerie de surveillance.
La France/l’Europe deviennent de plus en plus une forteresse : l’Union Européenne, pour organiser sa protection face aux migrations, a créé en 2004 l’ « Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union », plus communément appelée Frontex, afin de gérer de manière intégrée les frontières extérieures des États membres de l’Union européenne. Frontex dispose dès 2005 d’un budget de 14 millions d’euros porté en 2007 à 72 millions, et à 89 millions en 2010. Cela permet à cette agence de disposer non seulement de policiers, mais aussi, en 2010, de 116 bateaux, équipés en particulier de radars pour repérer les embarcations en mer, de 27 hélicoptères et de 21 avions : il s’agit bien d’une police aux frontières de l’Europe. Les objectifs de Frontex sont d’assurer la coordination entre les états membres, d’assurer une meilleure formation des polices, bref de rendre plus efficace la lutte contre les migrants.
L’Algérie mise à contribution dans la lutte anti-migratoire européenne
En même temps que la Tunisie et le Maroc, en juin 2007, l’Algérie a été invitée par le commissaire européen chargé de la Justice, Liberté et Sécurité (JLS), Franco Frattini, à participer aux patrouilles de Frontex, ce qu’elle a fait ces dernières années sans avoir vraiment, à la différence du Maroc, signé d’accord – elle veut garder son indépendance en matière de gestion de ses migrants, algériens et sub-sahariens. Mais c’est tout comme. Et de telles transactions ont récemment abouti avec la Libye. En septembre 2007, l’Algérie a théoriquement refusé de participer à la « politique européenne de voisinage » (PEV). Mais, en décembre 2007, des accords entre l’Union européenne et l’Algérie intègrent en fait le contrôle de l’immigration demandé par l’Europe. Cela lui permet de bénéficier des avantages de Frontex, en particulier le financement et la formation de sa police aux frontières.
Sur le plan intérieur, l’Algérie a modifié, par la loi du 25 juin 2008 déjà évoquée, sa législation en matière de conditions d’entrée et de séjour des étrangers – législation qui est désormais conforme aux exigences de l’Union Européenne. Non seulement, on l’a vu, elle criminalise le franchissement des frontières, mais aussi le séjour irrégulier, elle institue le délit de solidarité (15), et, comme au Maroc, en Tunisie et en Libye, elle crée des centres d’attente pour les migrants en voie d’expulsion : il faut rappeler que, comme ses voisins du Maghreb, l’Algérie est non seulement un pays d’émigration, mais aussi un pays d’immigration et de transit pour les populations subsahariennes qui veulent atteindre l’Europe, et, faute de mieux, se fixent en Algérie où, au regard de la main d’œuvre algérienne, elles peuvent trouver du travail à des conditions avantageuses pour les employeurs. Enfin, L’Algérie a intégré de fait l’Union pour la Méditerranée, créée le 13 juillet 2008, qui, sous couvert de développement économique et culturel, est aussi et surtout un instrument pour l’Europe au service du contrôle des migrations. Cette question pourrait faire l’objet d’un autre article à elle seule.
La fermeture des frontières européennes : une non-solution
En épilogue, on posera plus de questions qu’on ne pourra conclure : d’abord, quelle solution à l’immigration algérienne en France ? Cette question peut-elle être résolue dans un cadre général des migrations ou faut-il lui faire une place particulière – française – en raison d’une histoire qui a créé des liens familiaux, culturels, sociaux, de part et d’autre de la Méditerranée ? On pourrait presque dire que les Algériens vivant en France sont un peu comme les Bretons ou les Auvergnats de la fin du XIXème-début du XXème siècle qui s’étaient établis à Paris – à cette différence qu’Auvergnats et Bretons pouvaient aller et venir entre leurs pays d’origine et la capitale. Quelle famille algérienne n’a pas un parent en France ? Et ces liens sont plus largement ceux d’une histoire commune, trop rarement pour le meilleur et trop souvent pour le pire : « La France et l’Algérie ? », disait Jacques Berque, « on ne s’est pas entrelacé pendant 130 ans sans que cela descende profondément dans les âmes et dans les corps ». Il reste que la France est bien inéluctablement arrimée à l’Europe.
Faut-il fermer les frontières ? Cette fermeture existe théoriquement pour les migrations de travail depuis 1974, mais elle n’a pu être appliquée : comment empêcher, au moins, les regroupements familiaux sans aller à l’encontre des règlements européens et internationaux ? Et puis la France a besoin de main d’œuvre pour les travaux mal payés, et de compétences : des ingénieurs et des universitaires algériens ont été et sont encore recrutés en nombre. Faut-il adopter l’ « immigration choisie » ? Au reste, peut-on vraiment la choisir ? Et comment ?
Faut-il ouvrir largement les frontières ? C’est un pari qu’aucun gouvernement n’a tenté de faire. Dans ce cas, y aurait-il « invasion » ? C’est difficile de le dire au-delà d’un premier rush qui suivrait vraisemblablement une telle décision. Aurait-on au contraire beaucoup d’allers-retours ? Il semble que ce soit le souhait de très nombreux Algériens. Lorsque le Portugal est entré dans l’Europe, cette entrée a donné la liberté de circulation aux Portugais, et on a assisté à de nombreux retours… Il est avéré que nombre d’Algériens, entrés en France avec un visa en bonne et due forme, s’astreignent à l’illégalité du « sans papiers » parce qu’ils n’osent pas retourner en Algérie de peur qu’on leur refuse un nouveau visa s’ils le demandent. Une réglementation positive les assurant que, sous réserve d’un respect de la durée autorisée de leur séjour, leur demande de visa suivante sera acceptée, réglerait déjà bien des cas et constituerait une ouverture permettant sans difficultés, par exemple, à des Algérien(ne)s d’aller rendre visite à leur famille demeurant en France, ce qu’ils ne peuvent pas faire aujourd’hui.
Il reste évidemment que la question mondiale des migrations est d’une autre ampleur et elle mériterait d’autres développements. Elle est liée à l’évolution politique du monde, à la répartition de l’emploi dans le monde, et fondamentalement aux mutations du capitalisme comme l’indiquent les analyses lumineuses de l’économiste Ahmed Henni (16).
(*) Pierrette Meynier, ancienne professeure au lycée Hihi El-Mekki (Constantine), est présidente de la Cimade Rhône-Alpes. Gilbert Meynier, historien et ancien maître de conférences à l’Université de Constantine, est professeur émérite de l’Université Nancy II.
(**) Les inter-titres sont de la rédaction de Maghreb Emergent
Notes
(1) Gilbert Meynier, L’Algérie révélée. La première guerre mondiale et le premier quart du XXe siècle, Genève, Droz, 1981
(2) Benjamn Stora, Ils venaient d’Algérie. L’immigration algérienne en France, 1912-1992, Fayard, 1992
(3) Cf. Les Algériens à Lyon de la Grande guerre au Front populaire, Paris, L’Harmattan, 1994.
(4) Cf. Gilbert Meynier, L’Algérie, cœur du Maghreb classique. De l’ouverture islamo-arabe au repli, Paris, La Découverte, 2010.
(5) Histoire de la Grande Kabylie XIXe-XXe siècles. Anthropologie historique du lien social dans les communautés villageoises, Paris, Bouchene, 2001
(6) Les évaluations vont de 440 000 à 611 000 hectares. Sur les 9 millions d’hectares cultivables en Algérie, la colonisation s’empara au total de 2,9 millions d’hectares de terres, les meilleures en qualité.
(7) La France et l’Algérie en guerre : 1860-1870, 1954-1962, Paris, CFHM/ISC/Economica, 2002.
(8) André Nouschi, Enquête sur le niveau de vie des populations rurales constantinoises de la conquête jusqu’en 1919, Paris, PUF, 1961 ; Djilali Sari, Le désastre démographique de 1866-1868, Alger, SNED, 1982.
(9) Cf. Européens, « indigènes » et juifs en Algérie. Représentations et réalités des populations, Paris, Édit. de l’INED, 2011.
(10) Cf. Mohammed Harbi, L’Algérie et son destin, croyants ou citoyens, Paris, Arcantère, 1992.
(11) Terme usité notamment dans l’Est Algérien: déformation, issue probablement du turc, de l’arabe kâfir (incroyant, mécréant)
(12) Actuellement, on l’estime à 30 000 entrées annuelles.
(13) C’est aussi un vieux terme arabe désignant une frégate. Le verbe aḥraqa, signifie aussi détruire, tourmenter.
(14) Il a été ministre des Affaires Étrangères (2000-2005), puis ministre d’État et représentant personnel du Président de la République – il l’est toujours –, et, en 2006-2008, premier ministre de Bouteflika. Depuis 2005, il est aussi secrétaire général du parti FLN officiel.
(15) Pénalisation de l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers des étrangers.
(16) « Fin de la modernité ? Mutation capitaliste et retour des sociétés de statut et de rentes », Les Temps modernes, septembre-octobre 2006, N° 640.
ÉCRIT PAR GILBERT MEYNIER ET PIERRETTE MEYNIER