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Édito Atlas.Mtl 178: Lettre d’amour… citoyen

«M. Abdelghani Dades, 

Le problème, avec  le «casher ou le halal», c’est qu’on fait payer à la majorité les coûts de pratiques rituelles de minorités. Rien de plus.

À la commission Bouchard-Taylor, les dirigeants de la chaîne Metro (sans accent) avaient avoué que les coûts additionnels liés au «casher» étaient répartis également  sur tous les produits qui passent à la caisse.

Il relève du journalisme malveillant de dénigrer  les consommateurs qui dénoncent cette anomalie.  Si Abdelghani veut faire dévier le sujet vers  le bill omnibus de Trudeau ou ridiculiser le « Québécois moyen » imbu de justice distributive, il oublie que les nouveaux venus sont «bienvenus» jusqu’à ce qu’ils offrent aux fondateurs du pays, ceux qui l’ont développé depuis 400 ans, de retourner en France. Le Maroc aussi est un beau pays pour ceux qui en ont la nostalgie.  Les «de souche» commencent à se rappeler que la démocratie favorise la majorité.  Et il ne suffit pas de parler français pour s’y associer. Il faut aussi aimer vivre au Québec. Et le faire savoir!   

H. St-Pierre, descendant de Pierre de Saint-Pierre, venu de Rouen à Québec, au XVIIème siècle.»

Sur-réaction

En proposant à nos lecteurs le texte «Attention, ceci est un texte halal» (voir Atlas.Mtl numéro 177, page 5), nous nous doutions bien, évoquant un sujet qui n’est abordé que dans la plus grande des subjectivités, qu’un abondant courrier allait suivre. Mais pas à la sur-réaction, aussi bien dans le volume que dans le contenu des missives reçues. Sans intention de nous laisser aller à un jeu de mots facile, de nous gausser de quiconque, ni d’user d’ironie ou de faire dans la dérision, nous oserons dire que dans les écrits reçus, il y a de quoi faire une fort belle brochette d’avis. En partant de deux mots-concepts («casher» et «halal»), c’est un très large éventail de réactions épidermiques et de points de vue sur ce qu’est la société dans laquelle nous vivons – et surtout sur ce qu’elle devrait être – qui a ainsi été développé. Tout y est, et son contraire; mais pas toujours avec raison garder. Nous en sommes les premiers étonnés, loin que nous étions de nous douter de tout ce peuvent contenir nos assiettes lorsqu’elles peuvent recéler un arrière-goût de différence, de diversité, d’usages, de coutumes ou de rituels.

Avec H. Saint-Pierre, dont l’épître sert d’exergue au présent article, nous faisons cependant, dans un minimum de mots, un parfait résumé des mésinterprétations et malentendus nés de l’éditorial «halal» du numéro 177.

Le panier de la ménagère

Tout d’abord une précision éthique et déontologique : la charte éditoriale de Atlas.Mtl interdit à ses collaborateurs toute intention polémique; de ce fait, le dénigrement est rigoureusement banni de nos colonnes; en revanche, il relève du journalisme bienveillant de «dorer la pilule», autrement dit  de rendre une lecture gratifiante en usant d’esprit ou d’humour même dans le traitement des sujets les plus graves.

Ceci dit, selon M. St-Pierre «Le problème, avec  le «casher ou le halal», c’est qu’on fait payer à la majorité les coûts de pratiques rituelles de minorités. Rien de plus.»

N’est-ce pas exactement ce que nous disons, nous aussi, dans notre dernier paragraphe ainsi libellé «Il pourrait en être de même pour ce qui est du «halal» et du «casher». Pour l’étiquetage certes, avec le rajout d’une mention ou d’un pictogramme qui compléterait les informations nutritionnelles et les indications d’origine. Mais aussi parce que, comme dans tous les commerces frayant avec le religieux, les produits alimentaires risquent, en l’absence d’encadrement d’être transformés en «usines à pognon» attentatoires au portefeuille des citoyens, à l’initiative de quelques modernes Marchands du temple pas toujours barbus.»

N’est-il pas évident ainsi que nous condamnons le fait que «les coûts additionnels liés au «casher» (NDLR : comme cela est sans doute aussi le cas pour le caviar et le champagne millésimé) étaient répartis également  sur tous les produits qui passent à la caisse». Cette violation, par une forme de péréquation appliquée sans droit, de la justice distributive que vous invoquez est effectivement intolérable et c’est pour cela, parce que nous ne croyons pas à la capacité du marché à s’auto-discipliner et s’autoréguler, que nous en appelons à l’État et à la réglementation.

L’invitation au voyage

L’invitation au voyage lancée à certains de nos penseurs, politiciens et leaders d’opinion, qui m’a été si aimablement retournée par M. St-Pierre, venait à la fois de ce que certains politiciens et journalistes québécois «de souche» on quelquefois considérés que leurs racines se trouvaient ailleurs et n’ont pas hésité à nous quitter pour aller vivre à Paris quelques mois ou quelques années, pour «se ressourcer» et nous revenir avec des idées et même des «projets de société» absolument étrangers et in importables au Québec. D’autres, ayant un profil en tous points similaires aux premiers, ne cessent de nous saouler à coup de «vérités» directement puisées dans les éditoriaux du Monde, de France Soir et du Figaro. Ils nous sont venus en premier à l’esprit parce que, vous ne l’ignorez pas, ils sont  – du fait de leurs positions sociales – plus visibles que d’autres. Mais nous ne serons jamais moins tendres à l’encontre de quiconque, vivant au Québec, trouve ses références et ses repères citoyens à l’est ou à l’ouest, au nord ou au sud, ailleurs qu’ici, «car ici, nous avons nos problèmes propres, nos idées propres et notre intelligence propre» avions-nous conclu, de manière explicite avons-nous cru; pas assez explicite cependant à vous en croire; mais suffisamment clair maintenant, du moins nous l’espérons.

L’amour du pays  

Jusque là, pas de gros désaccord, entre le journal et son interlocuteur. Mais cela va moins bien par la suite. Sur trois points

1- «Les «de souche» commencent à se rappeler que la démocratie favorise la majorité.» écrit en effet M. St-Pierre.

Permettez-moi de vous dire, Monsieur, que ce que vous décrivez, c’est une «dictature de la majorité» qui ne vaut guère mieux que n’importe quelle autre dictature. La démocratie en revanche, c’est l’égalité, en fait l’équilibre bien compris, dans un ensemble diversifié, entre les droits des majorités et celle des minorités.

2- «Et il ne suffit pas de parler français pour s’y associer. Il faut aussi aimer vivre au Québec. Et le faire savoir! »

Vous grattez où cela fait mal : Ce n’est pas toujours en raison de mes origines ou de mon apparence physique que je me sens étranger au Québec; c’est bien plus souvent hélas! Lorsque je parle français que je me sens – à mon grand désappointement – le plus souvent exclu. Ce qui ne m’empêche pas d’aimer vivre au Québec et de la dire, depuis de longues années, depuis le début de ce siècle, lorsque, délégué de Montréal aux Premières Assises sur la réforme des Institutions démocratiques, j’ais fait valoir mes points de vue sur le fait que, comme toutes les sociétés humaines du monde, la société québécoise était devant une nécessaire recomposition. Comme autrefois, lorsque le Tiers États à renversé les aristocrates; puis lorsque les prolétaires se sont soulevés contre les bourgeois; lorsque les «habs» ont secoué la tutelle des «anglos» et bien avant que les altermondialistes se mettent à occuper les places fortes des «mondialistes» et que les opprimés du monde se mettent à crier «Dégages!» à l’adresse de leurs oppresseurs.

La recomposition de la société qui nous interpelle aujourd’hui, parce que la mobilité (entendez les migrations) sont devenus règle et loi, ne peut se faire que dans l’inclusion, pas dans cette exclusion-excommunication à laquelle vous faites référence dans votre signature ainsi libellée

3- «H. St-Pierre, descendant de Pierre de Saint-Pierre, venu de Rouen à Québec, au XVIIème siècle»

Car, que je sache, l’amour d’un pays ne se mesure pas au nombre des années que l’on y a vécu. L’amour d’un pays se mesure bien plus au souci que chacun peut avoir de la place de ce pays dans le monde, du souci que chacun éprouve pour l’avenir de ce pays. Que l’on y vive depuis 17 générations ou 17 ans ne change rien à l’affaire.

L’histoire a par ailleurs démontré que l’on ne peut pas construire l’avenir d’un pays en restant cramponné au passé, surtout lorsque de ce passé on ne tire que la (fausse) certitude qu’il peut conférer des droits aux uns et pas aux autres, qu’il peut générer ainsi l’inégalité devant les droits et les devoirs . Mais je ne pense pas que telle soit votre idée…

Abdelghani Dades (Edito Atlas.Mtl numéro 178 du 12 au 25 avril  2012)

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