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Entre la laïcité et la diversité. Au temps de la Grande Noirceur

Hassan Guillet

Hassan Guillet

Au lendemain des élections du premier octobre 2018, même avant que les députés élus soient assermentés ou le gouvernement soit formé, la CAQ plongea dans l’adversité et la controverse.  La controverse émana du débat sur la laïcité accentué par l’intention  de la CAQ d’interdire les signes religieux à certaines catégories d’employés de l’état. Ce projet a engendré beaucoup de bruit, fait couler beaucoup d’encre et causé beaucoup d’inquiétude. La motivation de la CAQ tel qu’annoncée par ses porte-paroles s’inscrit dans la volonté de confirmer la laïcité et de protéger l’identité québécoise.  À la lumière de de cette volonté de la CAQ et l’inquiétude qui en découle, il est nécessaire de démystifier la relation entre la laïcité et l’identité québécoise.  Il est aussi nécessaire d’étudier la place de la religion dans un Québec laïque.

Ceci est le premier d’une série d’articles consacrés à ce sujet, qui étudieront l’évolution de la relation entre l’état et la religion au Québec en commençant par un rappel historique de la période de Grande Noirceur, pour ensuite parler de la Révolution Tranquille, la période des accommodements raisonnables, la commission Bouchard-Taylor, le projet de la charte des valeurs du gouvernement de Pauline Marois, le projet de l’interdiction des signes religieux du gouvernement de François Legault, pour finir par une réflexion sur l’avenir de la société québécoise et la place des libertés fondamentales entre la laïcité et la diversité. 

La période de la Grande noirceur 

La relation entre le Québec et la religion a commencé même avant la formation du Québec comme on le connait aujourd’hui.  Cette  relation a commencé avec l’arrivée de Jacques Cartier, donc avant la colonisation et avant la formation de la Nouvelle France.  En effet, le 23 juillet 1534 Jacques Cartier plante une croix dans le sol de la péninsule de Gaspé réclamant ainsi le territoire au nom de sa Majesté François 1er, roi de la France.  En 1643, Paul Chomedey de Maisonneuve, fondateur de la colonie Ville-Marie qui est devenu plus tard ville de Montréal, érige une croix sur le mont Royal. D’autres croix furent érigées à travers les années à travers le territoire qui est devenu le territoire du Québec. À part l’érection des croix, l’église catholique a joué un rôle très important dans la fondation de la Nouvelle 

France et le Canada et le Québec plus tard. La ville de Montréal, la métropole du Canada jusqu’aux années 70 du siècle dernier, et la métropole du Québec jusqu’à nos jours, fut fondée par les jésuites.  Ce n’est pas le commerce de fourrure qui motivait les fondateurs de Montréal, de fervents catholiques, mais plutôt l’évangélisation des Amérindiens qu’on appelait les “sauvages” à l’époque.  

La conquête de 1759-1760 et la chute de la Nouvelle France n’ont pas réduit l’influence de l’église catholique dans les territoires qui constituaient plus tard le Québec.  Les autorités anglaises ne se contentaient pas de tolérer le rôle de l’église catholique dans les territoires conquis, mais aidaient l’église à consolider sa main mise sur la population.  Cette main mise de l’église aidait la Grande Bretagne à bien contrôler cette population et éviter la possibilité de soulèvement populaire surtout après la guerre d’indépendance américaine au sud et la Révolution française en Europe.  La position de l’église n’a pas changé avec l’avènement de l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique qui donnait naissance au Canada le 1er juillet 1867.  

Ainsi l’église catholique continuait à consolider son pouvoir sous tous les régimes que le Canada a eu: la colonisation française, la colonisation anglaise, et la fédération canadienne. C’est l’église qui s’occupait, entre autres, de la santé et de l’éducation. Le premier ministère de l’éducation au Québec fut créé en 1964.  L’ingérence de l’église ne se limitait pas à un domaine en particulier. Bien sûr elle gérait les hôpitaux et les écoles, mais elle influençait aussi la formation des gouvernements à Québec et laissait son empreinte sur les décisions de ces gouvernements. Le pouvoir de l’église à un certain égard était absolu. Comme dit l’adage, le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument.  Cette corruption menait à l’abus de pouvoir surtout dans les institutions de la santé et de l’éducation contrôlées par l’église.  Les histoires des abus sexuels exercés par certains prêtres sur de jeunes enfants et de l’injustice infligée aux orphelins de Duplessis sont encore présentes dans la mémoire collective des québécois. 

Le même syndrome qui se produisait sous le régime colonial se reproduisait sous le régime de Duplessis pendant les années de la Grande Noirceur où une alliance fut créée entre l’État et l’Église.  Le meilleur symbole fut l’installation par Duplessis du Crucifix à l’Assemblée Nationale pour la première séance de l’Assemblée Nationale après les élections qui l’ont amené au pouvoir en 1936.   

L’autre symbole survient à l’occasion du grandiose congrès eucharistique tenu à Québec en juin 1938. Duplessis présente alors au cardinal Villeneuve, archevêque de Québec, un anneau comme symbole d’attachement du Québec à la religion catholique. Le cardinal, qui n’est pas long à comprendre la signification du geste, répond: «Je reconnais dans cet anneau le symbole de l’union chez nous de l’autorité civile et de l’autorité religieuse.»  

Selon cette alliance entre l’État et la religion, le régime politique aidait l’église à consolider sa main mise sur les fidèles, et l’église aidait le régime politique à perpétrer son pouvoir absolu.  L’alliance de l’État et l’Église laissait sa marque surtout dans le domaine de la répression des libertés civiles et l’oppression du mouvement syndical sous le prétention de combattre la subversion et le communisme. 

Comme la devise du Québec dit “je me souviens”, les québécois se souviennent encore du slogan de l’église pendant les rassemblements électoraux sous le régime Duplessis.  Certains prêtres scandaient “le ciel est bleu et l’enfer est rouge” parce que la couleur de l’Union Nationale était le bleu et la couleur des libéraux était le rouge.  Maurice Duplessis est décédé le 7 septembre 1959. Les élections générales du 22 juin 1960 donnent le coup d’envoi à des changements qui ont bouleversé le Québec et l’ont marqué pour toujours.  La société québécoise fut balayée, suite à ces élections, par un vent de changement social, culturel, politique, et économique.  Ce vent de changement fut baptisé la Révolution Tranquille. 

(À suivre) 

Par Hassan Guillet , Ingénieur et avocat à la retraite

 

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