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À propos de prévention de l’islamophobie. Et si on se parlait au lieu de s’ignorer?

À propos de prévention de l’islamophobie. Et si on se parlait au lieu de s’ignorer?Le cimetière musulman de Québec n’est encore qu’une idée, un «accord que principe» que, déjà, il remue passions et soulève controverses.

Possiblement accueilli par la municipalité de Saint Apollinaire, le projet ne pouvait pas manquer de faire irruption au conseil de la ville.

Au cours de la réunion hebdomadaire du mardi 7 mars 2016, des citoyens ont fait usage de leur droit de parole pour interpeller maire et élus et de faire part de leurs «craintes» dans des termes parfois si excessifs que les édiles en ont été gênés.

Entre préjugés et idées préconçues, le «débat» n’a pas manqué de moment cocasses cependant. Dont celui de cette intervenante qui ne veut pas d’un cimetière musulman pour la seule et bonne raison qu’elle pourrait s’en voir interdire l’entrée. Quelle idée!

On n’est pas toujours assidu dans la visite des cimetières accueillant les dépouilles de nos proches, pourquoi irait-on dans un espace funéraire où ne sont inhumés que de parfaits étrangers?

Dans l’air du temps…

Ce que cette protestataire ne sait pas et qui explique peut-être sa sortie, c’est que rien n’interdit l’accès des édifices religieux musulmans – les mosquées par exemples – aux non musulmans; les maisons de Dieu  sont ouvertes à tous, pour peu que l’on accepte de respecter les rites et cérémoniaux qui y sont pratiqués; se déchausser à l’entrée, se couvrir la tête (recommandé aux hommes aussi), ne pas perturber le recueillement des orants; et autres règles de bienséance et de civilité.

Il en va de même des cimetières où l’on est prié de s’abstenir de toute attitude ou comportement pouvant troubler la paix des morts.

Mais ce fait, même s’il relève de l’anecdote est révélateur d’une toute autre situation : il est dans l’air du temps; il est une conséquence logique  du climat délétère qui envahit peu à peu le Québec et le Canada.

À ce chapitre, penchez-vous avec nous sur les manifestations «pan canadiennes» de dénonciation de la motion M-103.

Mais où étaient les musulmans?

Mais remettons les choses en perspectives. Pour pan canadiennes qu’elles aient été, ces protestations n’ont à l’évidence pas mobilisé les foules des grands jours. Ils étaient une centaine à Montréal, environ 80 à Saguenay, 50 à Québec, 30 à Toronto, à peine plus à Sherbrooke et totalement inaperçus à Calgary et Vancouver. En tout, soyons généreux, 500 personnes à travers le pays…

Ces chiffres modestes ne doivent néanmoins pas être pris pour prétexte et nous amener à négliger les symptômes d’une intolérance naissante mais certainement faite pour durer et croître…

Car ce n’est sûrement pas M-103 qui motivait vraiment le mouvement; pas autant en tous cas que les professions de foi suprémacistes d’une minorité dans cette minorité, les peurs injustifiées, la xénophobie (ou le racisme) des autres.

Car cette poignée de manifestant représentait en fait, une multitude, une myriade d’organisations aux convictions plus ou moins d’extrême droite, partisans de la violence numérique ou verbale ou partisans (quelques uns) de la violence physique.

Autre fait à relever : face aux pourfendeurs de cette amulette votive qu’est une motion parlementaire, se sont dressés – en plus grand nombre – les défenseurs de M-103. Qui étaient-ils? Presque sans exception des activistes d’extrême gauche. De canadiens musulmans, point!

Où étaient-ils donc ces musulmans canadiens, sujets de M-103, devenus objets de querelles et d’escarmouches entre extrême droite et extrême gauche?

Si nous dressons ce constat, ce n’est cependant pas pour décrier leur absence. Elle est même légitime. Car depuis le massacre de la grande mosquée de Québec, ils sont les oubliés du débat sur la question de la cohabitation et de la prévention de l’islamophobie et autres phobies. Passés quelques témoignages poignants – donc bons pour les côtes d’écoute – on les a laissé retourner à leurs prières. Et on discute d’eux sans eux, on se penche sur leur sort sans leur demander leur avis; ils sont les cibles des uns et les protégés des autres et cela suffit.

Pourtant un dialogue, engageant tout le monde serait la nécessaire médication de la dégradation de la cohésion sociale que révèle la visibilité grandissante des rejets de groupes humains en entier; islamophobie aujourd’hui et peut-être autre chose demain…

Et si La Meute rencontrait les imams?

Un dialogue innovant et audacieux offrirait en effet quelques belles pistes de solution à cette crise naissante.

Audacieux comme par exemple une rencontre entre des imams (ou des musulmans ordinaires) avec les membres de La Meute. Les uns pourraient dire leurs craintes et les autres leurs appréhensions; et il est certain que l’on en sortirait avec un modus operandi de la cohabitation bien plus efficace que n’importe quel travail sociologique ou programme public.

Abdelghani Dades. Édito Atlas.Mtl 298

 

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