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Le Projet de loi 62 devant le Parlement. Un nouvel accès de fièvre laïciste et identitaire à prévoir?

Le Projet de loi 62 devant le Parlement. Un nouvel accès de fièvre laïciste et identitaire à prévoir?Conséquence du dépôt à L’Assemblée nationale le 5 octobre dernier d’une motion pour son étude en commission, l’examen du Projet de loi no 62 – intitulée «Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements religieux dans certains organismes»; déposée au parlement par Mme Stéphanie Vallée, ministre de la Justice en juin 2015 – a commencé le 18 octobre.

Attendu depuis 2014, ce projet de loi concrétise une promesse électorale du gouvernement de M. Philippe Couillard, vise cependant, plus qu’à à établir les balises nécessaires à la neutralité religieuse de l’État et à encadrer les demandes d’accommodements religieux, à compléter les règles d’un Vivre ensemble auquel doivent également contribuer les Québécois de toutes origines, de toutes appartenances culturelles et de toutes confessions.

Le Projet de Loi 62 est, il faut le rappeler,  la quatrième tentative d’un gouvernement québécois de faire adopter un cadre légal définissant la neutralité religieuse de l’État et établissant des balises pour l’octroi d’accommodements raisonnables dans le secteur public et parapublic. Les deux projets de loi précédents, 63 et 94, présentés par le gouvernement Charest avaient été abandonnés tandis que la défaite du Parti québécois en 2014 avait mis un terme à l’épisode du projet de loi 60 sur la charte « affirmant les valeurs de laïcité » défendu par le gouvernement Marois.

La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, qui pilote cette initiative gouvernementale considéré comme «une réponse du gouvernement Couillard au projet péquiste de charte de la laïcité », a indiqué que le gouvernement avait en main « des avis juridiques solides » à l’appui de cette nouvelle tentative législative.

Ce qu’en pensent les oppositions

La Commission des institutions a prévu neuf jours d’audiences cet automne au cours desquelles 42 personnes, groupes et associations seront entendus. Ce nombre est cependant appelé à augmenter puisque l’horaire prévoit des auditions supplémentaires.

On attendra cependant avec impatience les prises de positions des partis d’opposition.

On sait que pour ce qui est du PQ, tout au long de la course à la Chefferie, Jean-François Lisée le nouveau chef du parti, est resté constant; pour lui en effet le projet de loi 62 était un pas en avant et il faut l’adopter. Agnès Maltais, porte-parole du parti en matière de laïcité, s’est contentée de reprendre la position de son nouveau chef : «On va en faire des amendements et on va les présenter, mais il n’y aura pas d’obstruction ni intelligente ni bête » de la part du Parti québécois; a-t-elle déclaré.

Mme maltais n’a cependant pas manqué d’apporter un commentaire  « Je n’ai jamais vu ça; Je n’ai jamais vu autant de groupes refuser de témoigner. C’est d’autant plus étonnant que c’est majoritairement les groupes qui ont été invités par le gouvernement». Elle n’a pas manqué non plus de souligner ce qui, à son avis, constitue des «insuffisances» dans le projet de loi : « la laïcité, le fameux principe de la séparation de l’Église et de l’État, n’est pas là. Les municipalités ne sont pas incluses. Et la recommandation de Bouchard-Taylor sur les signes religieux n’est pas là» a-t-elle ainsi ajouté.

Le son de cloche est tout autre chez la CAQ qui, décidemment, joue sans réserve ni retenue la carte de l’identité et de la laïcité totale.

« Ce projet de loi m’inquiète beaucoup parce que ce n’est pas un projet de loi sur la laïcité de l’État, c’est un projet de loi qui nous pousse dans le fond de la gorge le multiculturalisme libéral. Je peux vous dire qu’on ne fera pas comme le Parti québécois, c’est-à-dire de le laisser passer. C’est trop un sujet important. Ça fait des années qu’on niaise et qu’on tergiverse là-dessus. Il faut faire quelque chose, mais ce projet de loi n’est pas sérieux. C’est une coquille vide. » a affirmé Nathalie Roy, députée caquiste et porte-parole de son parti en matière de laïcité.

Vers un nouvel accès de fièvre identitaire?

Nonobstant cette attitude de la CAQ, le Projet de Loi 62 semble donc promis à une adoption facile et à un débat sans trop de «casse»; contrairement aux situations qui avaient prévalues, notamment sous le gouvernement péquiste de Pauline Marois et sa charte des valeurs.

Mais en cette matière, il vaut sans doute mieux ne jamais jurer de rien. Dès en effet que certains mots sont prononcés ici, le Québec à une fâcheuse tendance à s’enflammer. Dès lors, peut-être, faut-il  craindre un nouvel accès de fièvre identitaire et laïciste…

Pour s’en convaincre, il n’est que de lire les brulots commis par certains pamphlétaires déguisés en chroniqueurs.

Certains d’entre eux sont d’ailleurs déjà passés à l’acte : avant-hier, ils saluaient l’arrivée de M. Lisée à la tête du PQ, le présentant comme «l’homme qui allait sauver l’identité québécoise», une et indivisible, menacée de mort par la diversité honnie; aujourd’hui, ils le traitent de «girouette» (vocable interdit au lexique de l’Assemblée Nationale; soit-dit en passant) pour avoir souhaité une adoption «rapide du projet de loi 62.

Gageons cependant qu’ils ne tireront pas indéfiniment leurs boulets rouges sur M. Lisée. Il est en effet trop fin politique pour prêter flan à la polémique dans laquelle on tente ainsi de l’entraîner; et le combat cessera fautes de combattants.

Mais dès lors, il faut craindre, qu’ils ouvriront un nouveau front, en inventant dieu sait quel péril, pour stigmatiser les uns, allumer et enflammer les autres et créer de nouveaux incendies sociaux dont tous, nous souhaiterions plutôt que le Québec soit préservé.

Edito Abdelghani Dades (Atlas.Mtl 288 du 29-10 au 3-11-2016)

 

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