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Projet de loi 100. Le taxi, un cas emblématique…

Projet de loi 100. Le taxi, un cas emblématique…Le gouvernement aura donc fini par légiférer. Dans le dossier Taxi VS Uber, le projet de loi 100 vient remettre de l’ordre dans un secteur d’activité économique – le transport léger de personnes – où tout semblait aller à vau l’eau depuis plusieurs années.

Un petit rappel des faits.

Les acteurs du secteur québécois plus que centenaire du taxi sont, au début des années 2010, tout à fait conscients que leur activité est par de nombreux aspects, vieillissante. Mais elle est également affaiblie – voir presque exsangue – du fait d’une décennie d’augmentation des tarifs pétroliers et d’une situation de morosité économique qui a largement réduit son achalandage.

Cette conjoncture plus que délicate ne les empêche cependant pas de chercher les voies et moyens, compte tenu de son poids économiques, de se transformer en industrie, d’améliorer ses performances, de contribuer plus et mieux à la production nationale.

Volonté de changement 

C’est à cette fin qu’en 2011 que, sous l’impulsion de quelques compagnies intermédiaires dont Taxi Hochelaga et du Comité Provincial pour le développement de l’industrie québécoise du taxi (CPCDIT), un programme double est mis en chantier :

  • – En interne, par des programme de formation, des campagnes propreté et qualité de service;
  • – En externe, par le biais de campagnes d’information grand public et de contact avec les décideurs politiques pour sensibiliser les autorités à la nécessité d’apporter une aide, absolument nécessaire, au redressement de l’industrie.

Dans ce cadre, une rencontre – extrêmement importante – à lieu avec le ministre des finances et du revenu du Québec, M. Raymond Bachand pour ne pas le nommer, à lieu courant juin 2011.

Lors de cette rencontre, un plan de relance est soumis au ministre. Ce plan prévoyait entre autres

  • – Une mise à niveau technologique du taxi (applications, GPS, terminaux de paiements) pour faire face aux changements des habitudes de consommation de la clientèle et se préparer au passage à l’économie numérique,
  • – Une mutualisation des moyens pour améliorer les rendements de l’activité et la situation des opérateurs (22 000 personnes concernées),
  • – Une contribution aux grands projets sociaux, notamment le Programme gouvernemental de mobilité totale,
  • – Un apport également aux grands projets environnementaux avec un programme de passage progressifs des véhicules à carburants fossiles aux véhicules hybrides ou électriques.

Inutile de dire que l’accueil réservé à un tel projet a été plus que favorable. Un groupe de travail a même été constitué pour en assurer le suivi et l’exécution.

Un problème crucial

Les aléas de la politique, en l’occurrence un changement de majorité est cependant venu – une nouvelle hiérarchie des priorités s’étant imposée – perturber ce cours des choses.

Et ce n’est qu’en 2012 et en 2013, que l’on reparlera de taxi, dans la foulée de l’irruption sur le marché québécois de Uber et son avatar Uber X.

Déguisé en «économie de partage» ou au besoin en «système de covoiturage», c’est en fait un modèle économique de prédation, largement imprégné de «capitalisme sauvage», qu’il représente. Que l’on en juge :

  • – Ce modèle détruit un métier formel, le taxi et lui substitue une activité d’appoint, fournissant des «revenus» infimes à une foule d’opérateurs incontrôlés et incontrôlables,
  • – il soustrait une grande partie de l’activité transport de personnes à l’impôt; ce qui affaiblit la capacité d’action du gouvernement,
  • – il s’exerce en dehors de toutes règles et procédures assurant – comme c’est le cas pour le taxi – la sécurité des personnes, le paiement du juste prix et la qualité du service,
  • – Il permet une importante fuite de ressources financières, puisque le résultat de l’activité de ce modèle d’affaires prend, dès paiement, la route vers des paradis fiscaux via la Hollande,
  • – Il laisse pour compte ce qui est une fierté du transport québécois : le transport adapté et le transport médical.

Par son projet de loi 100, le gouvernement règle donc un vrai problème.

 Mais tout n’est pas réglé…

Pour autant tout n’est pas réglé. En fait, le projet de loi 100 est un aveu; et un rappel à la fois.

Un aveu en ce sens – parce que nous avançons inéluctablement vers le tout numérique – que le Québec n’est pas encore prêt pour faire face à ce que l’on prend apparemment plaisir à qualifier de «nouvelle économie»; et un rappel en ce sens que, quelle que soit le rythme de cette évolution, elle se fera dans un cadre normatif pensé pour protéger les véritables intérêts des citoyens. Et ce afin que l’innovation se transforme réellement en progrès, que sa mise en œuvre serve vraiment les intérêts du Québec et des québécois, au lieu de se servir du Québec et des québécois.

Un cas emblématique

Dès lors, le taxi (et la loi 100) devient emblématique. Car si le problème posé par cette forme très imparfaite d’«économie de partage» que représente Uber est le premier à avoir été en débat, il en existe d’autres, affectant aujourd’hui l’ensemble du secteur économique tertiaire – en particulier aujourd’hui le commerce de détail et l’hôtellerie et d’autres encore… – mais dont on parle que peu ou pas, si l’on excepte une récente sortie du PDG de la chaine Simmons.

Mais il faudra bien en parler; plutôt tôt que tard; peut-être aussi légiférer; en tous cas préparer, vite,  le Québec et ses entreprises à la nouvelle économie; en faire un leader en la matière; en une phrase, en faire un gagnant…

Abdelghani Dades (Edito Atlas.Mtl 278 du 19 mai au 1juin 2016)

 

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