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Dis-moi quelle langue tu parles… 40 % des emplois au Québec ne sont pas accessibles aux immigrants unilingues francophones!

Dis-moi quelle langue  tu parles…  40 % des emplois au Québec ne sont pas accessibles aux immigrants unilingues francophones!Les nouveaux arrivants qui ne parlent que le français éprouvent plus de difficulté à se dénicher un emploi au Québec que ceux qui ne connaissent que l’anglais. Le taux de chômage de ces immigrants francophones est de 40 % supérieur à celui de ces nouveaux arrivants anglophones.

C’est ce qui ressort de la compilation, obtenue par notre confrère Le Devoir, que le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI) a faite à partir de l’Enquête nationale auprès des ménages de Statistique Canada de 2011 et de 2006.

Ainsi, le taux de chômage des immigrants récents — ceux qui sont arrivés depuis cinq ans ou moins — qui ne parlent que l’anglais atteint 16 %, alors qu’il se gonfle à 23 % chez les mêmes immigrants récents qui ne parlent que le français, pour une différence d’un peu plus de 40 %.

Emploi : Anglophones d’abord,                                                                                                                                     bilingues ensuite… s’il en reste!

Dans les premières années suivant leur arrivée, les unilingues francophones (comme leur langue maternelle n’est pas le français pour la plupart, ils sont en fait bilingues) sont affligés du même taux de chômage que les immigrants allophones qui ne connaissent ni le français ni l’anglais. En revanche, ces nouveaux arrivants allophones, souvent des femmes, participent peu au marché du travail.

De leur côté, les immigrants récents anglophones qui ne connaissent pas le français font aussi bien sur le marché du travail que les nouveaux arrivants qui connaissent les deux langues officielles du Canada.

Dans la région de Montréal, ces immigrants anglophones peuvent compter sur des entreprises prêtes à les accueillir. Vingt-huit pour cent des immigrants travaillent le plus souvent en anglais, note l’économiste Brahim Boudarbat, de l’Université de Montréal, un des auteurs avec Gilles Grenier, de l’Université d’Ottawa, du volumineux rapport remis au MIDI en novembre 2014 et intitulé L’impact de l’immigration sur la dynamique économique du Québec.

«Les immigrants qui ne parlent pas anglais n’ont pas accès à 40 % des emplois» au Québec, relève Brahim Boudarbat.

Une exigence généralisée du bilinguisme 

Une des raisons qui expliquent les difficultés dans le marché du travail des nouveaux arrivants francophones, c’est l’exigence généralisée du bilinguisme, surtout dans la région de Montréal. « C’est clair que c’est un problème », a signalé Michèle Vatz-Laaroussi, professeure en travail social à l’Université de Sherbrooke. « Les immigrants francophones qui arrivent n’ont pas cette qualification-là. » Les organismes en immigration réclament depuis longtemps des cours gratuits pour ces francophones, mentionne-t-elle.

Les employeurs ont souvent « la mauvaise habitude » d’exiger le bilinguisme « par automatisme », souligne Anait Aleksanian, directrice générale du Centre d’appui aux communautés immigrantes de Bordeaux-Cartierville (CACI). Il faut souvent « négocier » avec les employeurs afin qu’ils acceptent d’embaucher un immigrant qui ne parle pas anglais quand la connaissance de cette langue n’est pas nécessaire, relate-t-elle. L’organisme donne 43 classes de français par session et cinq classes d’anglais, toutes à temps partiel. Les cours de français sont gratuits, mais il y a des frais d’environ 100 $ par session pour les cours d’anglais.

Georgina Kokoun, coordonnatrice du Regroupement des organismes en francisation du Québec (ROFQ), constate que la plupart des offres d’emplois dans la région de Montréal mentionnent l’exigence du bilinguisme. « On voit rarement des postes où on demande juste le français. Il faut être bilingue. J’ai une amie du Sénégal qui m’a dit : “L’immigration au Québec, c’est du dol, c’est comme une arnaque. On te dit que tu peux travailler au Québec en français comme tu le fais dans ton pays.” »

La discrimination fait le reste…

La discrimination est un autre facteur qui explique la situation. Dans une correspondance avec Le Devoir, le MIDI le reconnaît d’emblée.

Les immigrants francophones qui ne parlent pas anglais proviennent essentiellement du Maghreb ou de l’Afrique noire. « Ce sont des minorités visibles et on fait le lien entre Maghreb et musulmans, fait observer Michèle Vatz-Laaroussi. Il y a plusieurs études qui le démontrent : il y a vraiment un phénomène de discrimination [à l’endroit] de ces populations dans l’emploi. »

Enfin, les compétences pour lesquelles ces immigrants ont été sélectionnés ne sont souvent pas reconnues. « Il faut que le milieu de l’emploi s’ouvre à des compétences acquises un peu différemment, fait valoir l’universitaire. On le voit dans les entreprises multinationales où on a l’habitude d’embaucher des gens d’un peu partout : cette différence-là, on en fait une plus-value pour l’entreprise. Au Québec, dans les entreprises moyennes ou petites, on a l’impression que ça va être une difficulté à gérer. »

Moins de chômage avec le temps?

Pour tous les immigrants, les taux de chômage s’amenuisent avec le temps. Ainsi, pour les immigrants qui sont arrivés depuis plus de cinq ans au Québec, mais moins de dix ans, le taux de chômage des unilingues francophones chute de plus de 9 points de pourcentage, à 13,8 %, encore un peu plus que le taux de 11,4 % des immigrants qui ne connaissent que l’anglais, a compilé Brahim Boudarbat.

Après plus de dix ans de présence au Québec, les immigrants affichent des taux de chômage équivalant à ceux de l’ensemble des résidants de la région métropolitaine de Montréal, soit 8,9 %. Les immigrants qui connaissent autant le français que l’anglais se distancient des autres, avec un taux de chômage de 7,9 %, soit à peu près le même taux que la main-d’oeuvre bilingue de la région. Onze pour cent des immigrants qui ne parlent qu’anglais sont en chômage, tandis que parmi ceux qui ne parlent que français, le taux de chômage s’élève à 10 %, soit le même pourcentage que l’ensemble des unilingues francophones de la région montréalaise.

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