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Sous le radar. La politique d’immigration en débat

Comme bon nombre de questions pourtant essentielles, le débat parlementaire – en commissions principalement – sur les plans, projets et programmes gouvernementaux traitant de l’immigration, n’a que peu ou pas fait la Une.

Pourtant, ce n’est pas là un sujet que nous saurions, collectivement négliger.

Et pour cause! Les flux migratoires; traditionnels, dus à l’insécurité dans des zones de crises de plus en plus nombreuses ou encore latents mais non moins menaçants qui pourraient découler du changement climatique; prennent avec de plus en plus d’évidence place parmi les grands défis du XXIème siècle.

Pour le Canada et le Québec, tous segments de population confondus, plus peut-être par nos caractéristiques démographiques, ce débat est crucial. Écartons d’emblée cependant la présomption qu’il est occulté pour d’obscures raisons ou à des fins inavouées. En fait, il n’est dans l’ombre que parce que la «dictature» de l’information-spectacle est ce qu’elle est. Mais dans le microcosme politique et académique il fait – littéralement – rage.

Universitaires, syndicalistes, milieux associatifs et partis politique en participent assidument. Seuls manquent dans le décor un participant qui ne devrait sous aucun prétexte laisser vide sa chaise : les canadiens, citoyens ou résidents permanents (donc citoyens en devenir; et citoyens à part entière à plus ou moins brève échéance). Une dimension manque dès lors  aux échanges et discussions, qui fait que, parfois, les choix idéologiques (interculturalisme contre multiculturalisme par exemple) déterminent les attitudes des uns et des autres et influencent, parfois, même les politiques adoptées en bout de ligne.

C’est assurément un tort; ne serait-ce que parce que ces absents  représentent aujourd’hui, par exemple à Montréal, 39% de la population.

Revenons au débat en cours.

Plusieurs consultations parlementaires ont déjà eu lieu ces derniers temps au Québec, avec présentation de mémoires etc. en préalable à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une nouvelle politique d’immigration. On y a tout vu et tout entendu, le meilleur et le pire, des thèses objectives y ont été défendues, mais également des interventions fortement marquées idéologiquement; toutes utiles cependant.

On n’en voudra pour preuve que le mémoire présenté par M. Pierre Fortin; dont nous reproduisons de larges parties dans les pages qui suivent.

Certes cet intervenant part-il d’une position idéologique qui remet en question les idées que l’immigration ne peut résoudre le problème démographique qui pourrait être celui du Québec dans les années à venir; il ne croit pas non plus que des pénuries de main d’œuvre se produiront et ne sauraient être palliées que par des flux conséquents de nouveaux arrivants. L’auteur considère également que l’immigration représente un coût pour l’État, une somme nulle pour l’économie et qu’elle ne bénéficie en aucune façon aux populations plus anciennement installées. M. Fortin croit également en une idée généralement combattue dans les réflexions sur le sujet, celle d’un «seuil de tolérance» à l’Immigration. Il ramène même en conclusion l’immigration au Canada et au Québec à une sorte de «devoir de charité et de solidarité» par lequel nous contribuerions – mais plus que notre part – à alléger les souffrances de l’humanité entière.

Ce sont là des idées que nous ne saurions soutenir; en publiant des extraits de son mémoire, disons-le de suite, notre propos est d’abord d’informer nos lecteurs mais aussi, de mettre en lumière d’autres idées contenues dans le Mémoire Fortin et qui méritent assurément considération.

D’abord, il en ressort, même si cela n’est pas explicitement dit, que face à la question des mobilités humaines, tous les pays et les États du monde – pays émetteurs, pays de transit et pays récepteurs – sont interdépendants et que cette caractéristique permanente de nos sociétés  ne pourra jamais être traitées par de politiques uniquement nationales qui ne tiendraient pas compte du caractère universel du phénomène.

Ensuite et c’est bien plus important, il estime, à raison, qu’une bonne politique migratoire ne saurait découler que d’une politique d’inclusion des résidents permanents et citoyens arrivés au pays durant les dernières décennies. Or, constate-t-il, c’est aujourd’hui loin d’être le cas. Sur ce point il reçoit d’ailleurs un soutien de poids, contenu dans une déclaration faite presque concomitamment par le président de la Commission des droits de la personne rappelant que le taux de chômage est deux fois plus élevé chez les minorités visibles (13,3 %) que dans la population générale (7,2 %) et que des tests de la commission ont montré que si une personne a un nom à consonance étrangère, elle a 15 fois moins de chance d’avoir des entrevues.

À ce stade de la réflexion, nous regrettons encore d’avantage l’absence dans le débat de l’avis des populations canadiennes issues de l’immigration qui auraient pu se faire entendre et souligner que autant la gestion des flux à venir est importante, autant elle ne saurait s’améliorer sans questionner les politiques d’inclusion au bénéfice de ceux qui sont déjà là; les absents auraient également pu rappeler cette élément de simple bon sens qu’une politique ne servant qu’à gérer prévisionnellement serait à tout le moins une politique boiteuse et même , une politique unijambiste.

Ce texte fait partie de notre série d’éditoriaux «Sous le radar»                                                                           mettant en lumière les questions d’actualité qui ne retiennent pas                                                       forcément l’attention de nos confrères de la presse dite nationale.

Abdelghani Dades (Édito Atlas.Mtl 272 du 25 février au 09 mars 2016)

Rubriques : Édito, Immigration Mots-clés : , , , , ,
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