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L’insoutenable légèreté de l’être

L’insoutenable légèreté de l’êtreImmanquablement, le spectacle que nous donne le monde ces derniers temps, orientera nos réflexions vers ce titre, dans un emprunt que Milan Kundera nous pardonnera sans aucun doute, car notre propos est d’aborder une cause que lui-même n’aurait en aucun cas reniée.

La cause ? L’indicible légèreté de nos préoccupations d’occidentaux gâtés par la vie face à la lourdeur du destin de ceux qui souffrent et meurent en Méditerranée, en Afrique du Sud, dans la région des Grands Lacs du Continent noir, au Yémen, en Libye, en Syrie, dans des conflits oubliés écrasants les populations anonymes de contrées invisibles sur les cartes des Atlas, et même, tout près de nous, aux frontières américano-mexicaines.

De fait, alors que par milliers, des femmes, des enfants et des vieillards, coupables seulement de vouloir vivre et accessoirement manger à leur faim, mettent leurs existences en jeu contre de vains espoirs, à quoi pensons-nous ? Aux quelques dollars que des réformes fiscales, que nous reconnaissons pourtant nécessaires, vont nous coûter et aux quelques plaisirs menus et souvent superflus dont cela risque de nous priver !

Pendant que par centaines des gens fuyant la guerre, la souffrances et les larmes et payent au prix fort, en contrepartie d’une illusion et d’un mirage migratoire, le droit d’aller se noyer à la source de nos civilisations – la Mare nostrum -, que fait la plus grande puissance du monde, le pays (supposé) de la liberté et des droits humains ? Elle déploie des navires et fait étalage de sa force, non pas pour aider aux opérations de secours de ces nuées de naufragés de la vie, mais au large du Yémen, où des intérêts pétroliers dont elle n’a que faire pourraient être en péril.

La peur de l’autre

Attitude personnelle et attitude d’État ci-dessus décrites ne sont que deux exemples de comportements multiples d’un égoïsme qui fait vite de muer en conservatisme, un conservatisme qui amène incontournablement à exclure de nos pensées conscientes tout ce et tous ceux qui peuvent nous donner mauvaise conscience. Cette petite peur intime, sans que l’on y prenne garde, fait vite de se retourner contre ceux qui la provoquent. Elle devient, peur de l’autre, peur de la différence même lorsque cette différence n’est pas vraiment culturelle, raciale ou cultuelle, même lorsqu’elle essentiellement de nature matérielle et que la ligne de séparation qu’elle trace met d’un côté «nous» qui nous croyons riches et «eux» que nous regardons comme des pauvres, des pauvres qui n’ont pour seul objectif que de voler nos emplois, manger notre pain, ruiner notre petit confort.

Où est passé notre humanité?

Où est passé notre humanité? A-t-elle disparu avec notre foi en ces valeurs religieuses, spirituelles, morales ou éthiques qui, au lendemain de mai 68, semblaient enfin devoir s’imposer et ouvrir la voie devant des lendemains qui chantent? A-t-elle été la première victime, non identifiée à ce jour, du matérialisme galopant qui semble être la marque de notre temps?

Ou alors – à en croire ceux qui croient que notre époque est l’une des moins violentes de l’histoire de l’humanité et l’impression contraire que nous avons de cette réalité n’est due qu’au développement de moyens de communication de plus en plus invasifs – ne serait-elle qu’anesthésiée par des flots impétueux de nouvelles sans information et sans connaissance et capacité d’analyse?

La question méritait d’être posée; elle nécessite cependant surtout qu’on y apporte quelque réponse, ne serait-ce que pour cesse cette insoutenable légèreté qui est devenue notre seconde nature et qui frise l’attitude criminelle et qui pourrait même, dans certaines situations, motiver des actes criminels.

Abdelghani Dades (Edito Atlas.Mtl 252)

 

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