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Entendu, M. Drainville!…

Abdelghani Dades

Abdelghani Dades

Rendons d’emblée une justice à M. Bernard Drainville, ministre Québécois des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne et porte étendard de la Charte des valeurs Québécoises : Bien avant les «fuites» qui l’ont obligé à courir un marathon médiatiques (quinze entretiens pour la seule journée du 23 août!), il avait entrepris une série de rencontres avec des organismes et des citoyens, de toutes appartenances socioculturelles, pour  évaluer les impacts possibles du projet gouvernemental.

Convictions

Dans ces entretiens, nous pouvons en témoigner, il a écouté attentivement tous les points de vue exprimés et accepté toutes les idées émises.

Il est en outre apparu convaincu des faits que :

Sur la question de la place du sacré dans la société et des libertés individuelles, étant dans le domaine des perceptions et du subjectif, il est nécessaire de baliser avec précision le terrain – notamment des accommodements raisonnables –  afin de réduire le champ de l’arbitraire et des abus;

Quel que soit le sort du projet, incertain dans un contexte de gouvernement minoritaire, à la faveur du débat auquel va donner lieu le projet, de clarifier les perceptions des uns et des autres et de la sorte, amener tous les Québécois, toutes origines confondues à comprendre que la diversité est désormais irréversible et  que le seul choix raisonnable est de l’accepter, de l’intégrer, y compris dans un processus de (re)définition de l’identité nationale.

En particulier dans le cas du segment maghrébin de la population, à la fois affluent principal du flux migratoire  au Québec et communauté la plus discriminée (notamment en matière d’accès à L’emploi), M. Drainville est persuadé que «la charte sera utile».

Appréhensions

Cette bonne foi évidente n’a certes pas calmé toutes les appréhensions de ses différents interlocuteurs; pas les nôtres en tous cas. Car dans tout projet visant à établir un cadre normatif, en quelque matière que ce soit, trois éléments fondamentaux doivent être réunis : des obligations, des droits et des sanctions.

Sur ce contenu, aucune information crédible ne permet de juger du fond. D’où nos appréhensions. Mais Il serait toutefois hasardeux de prendre une quelconque position. En revanche, il est plus que certain – et M. Drainville en convient lorsque, appelant à «un débat posé», «même avec des pointes d’émotion» – que le débat ne manquera pas de donner lieu à certains débordements teintés de xénophobie et contribuer ainsi à stigmatiser un peu plus, des communautés déjà fortement discriminées. Que faire si le débat s’enflamme sur des aspects accessoires ou sur des sujets autres que les valeurs, que l’on en vienne à oublier l’essentiel et que la «chicane» prenne tout l’espace? On semble n’en savoir trop rien! D’où notre préoccupation…

Prédication

Autre sujet chaud de la semaine : la venue de prédicateurs, présentés comme radicaux, à Montréal. Il faut savoir que 90% des Musulmans de Montréal, y compris les médias communautaires, ont appris la nouvelle par… les bons soins du gouvernement du Québec, lorsqu’ un membre de l’équipe Marois a demandé au gouvernement fédéral d’empêcher une telle activité.

Nonobstant ce fait, en temps normal, nous aurions plutôt laissé le soin à l’opinion publique de juger de l’opportunité de la chose, d’y participer, de la critiquer ou de la boycotter; de la sanctionner donc, comme elle le mériterait. Mais dans le contexte actuel – les tensions dans le monde arabo-musulman et le pré-débat sur le projet de Charte faisant un cocktail assurément explosif – on ne peut manquer de s’interroger sur les tenants et aboutissants de l’entreprise.

Or, là encore, l’information manque. On ne sait pratiquement rien sur les organisateurs; un certain Collectif Indépendance; sauf qu’il est constitué de jeunes, Musulmans, nés pour leur majorité au Québec et issu de l’immigration de deuxième et troisième générations et qui ne communiquent ni sur l’activité elle-même, ni sur ses objectifs. Quand aux conférenciers, la seule chose que l’on sait, c’est qu’ils viennent de France; mais rien sur leurs obédiences.

Principe de précaution

Dans les deux cas donc, quoique l’on puisse penser, on ne pourra s’en tenir qu’à des positions de principe et à une nécessaire circonspection.

Disons toutefois que, comme nous sommes réticents à une conception de la laïcité importée de France qui exclue plus qu’il ne rassemble, nous sommes opposés au supposé «Islam Français», Islam de banlieues, mélange d’obscurantisme et de tentation de violence, dont certain tenants font de 100% de Musulmans vivant en Occident et de 90% des Musulmans vivants dans leurs pays d’origine des mécréants à combattre, parce que, vivant en démocratie ou luttant pour la démocratie, ils acceptent d’autres lois que les Lois du Seigneur.

Disons aussi, pour ce qui est des valeurs Québécoises, dans celui des pays d’origine des Québécois musulmans que je connais le mieux, que la francophonie est notre héritage (particulièrement cultivé), que nos Constitutions protègent la liberté de conscience, qu’elles vont au-delà de l’égalité des genres et se donnent comme objectif la parité femmes-hommes dans tous les domaines de la vie sociale et que la neutralité de l’État, alors même qu’on est en contexte musulman majoritaire, s’exprime sous forme de laïcité de l’administration publique. Il n’y a donc rien qui puisse nous effaroucher, dans ces domaines que beaucoup d’entre nous ont parfaitement assimilé et sous l’empire desquels nous vivons majoritairement.

Et attendons de voir le contenu du projet défendu par M. Drainville, de le lire et de l’analyser, avant d’exprimer, le plus sereinement possible, nos positions et, éventuellement, nos critiques, notre appui ou notre opposition.

Abdelghani Dades (Atlas.Mtl)

 

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