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Intégration professionnelle. Des progrès, mais…

Intégration professionnelle. Des progrès, mais…Il y a cinq ans de cela, plus exactement au cours du printemps 2008, des statistiques jusque là inédites, étaient rendues publiques, probablement à la faveur d’une «fuite».

De ces statistiques il ressortait que, dans le monde du travail, une personne issue d’une communauté culturelle d’immigration récente, avait quatre fois plus de chances que n’importe lequel de nos autres concitoyens, de se retrouver au chômage, en chômage déguisé (c’est-à-dire exerçant dans un domaine autre que celui de ses compétence ou en surqualification) ou, pour dire les choses comme un fonctionnaire «en difficulté d’emploi».

Dans ce triste tableau, tous les exclus du travail n’étaient en outre pas sur un pied d’égalité. Ainsi, 22 % des  membres de la communauté noir africaine subsaharienne  étaient-ils sans emploi, tout en laissant cependant le triste record en la matière, à leurs concitoyens originaires du Maghreb, avec un 27,8% qui résonnait comme un scandale et une injustice.

Plus grave encore; alors que jusque là, les seuls primo-arrivants dans ces communautés étaient exclus de toute contribution à la création de valeur, depuis quelques années, même leurs enfants, nés et éduqués ici, faisaient connaissance avec les affres de l’oisiveté et de la précarité.

Nous devons à la vérité de dire que ces informations ont créé une onde de choc, tant dans les communautés concernées que chez les décideurs politiques ayant à connaitre du dossier de l’intégration.

Obstacles et outils

On a ainsi pu constater qu’a u niveau provincial comme au niveau fédéral, on avait conscience du fait que cette situation représentait une grosse perte de potentiel et de compétences, contraire jusqu’aux objectifs assignés aux programmes d’immigration. On a pu se rendre compte également de l’existence d’une volonté politique ferme de trouver des solutions adéquates.

De nouvelles réflexions ont ainsi été menées pour mieux cerner les facteurs générateurs du problème. Trois causes principales ont été identifiées :

L’existence de règles corporatives  formant autant de contraintes, mais à l’évidence obsolètes,

Des difficultés dans la validation et la reconnaissance des expériences et expertises acquises hors du pays,

Des réticences au recrutement de personnes culturellement différentes,

Un manque d’information chez les demandeurs d’emploi sur les ressources disponibles.

Face à quoi, des programmes d’insertion professionnelle ont été réactivés ou créés, des négociations ont été entreprises avec les ordres professionnels et les associations gérant les «métiers protégés», des campagnes de sensibilisations menées en direction des employeurs et d’informations vers les demandeurs d’emploi. Avec un certain nombre de résultats, dont les plus notables sont constitués par des ententes avec les corps professionnels.

Cinq années plus tard, où en sommes-nous?

Avancées relatives

Les chiffres les plus récents  démontrent que des avancées ont été réalisées; mais elles restent toutes relatives.

Bien que de  nombreux programmes  aient été mis en place, dotés de centaines – voire de millions – de dollars, dans la communauté  noir africaine subsaharienne  le 22 % aurait été ramené à 18 % et chez les  originaires du Maghreb, le 27,8% aurait baissé de 4 points, s’établissant désormais aux alentours de 23 %.

Pourquoi l’effort consenti par les autorités, intervenant au surcroît dans un contexte de rareté (sinon de pénurie) de qualification n’a-t-il donné que de si relatifs résultats ?

Un début d’explication vient de nous être donné par un article paru chez nos confrères de la place. Ledit article nous apprend par la voix de Mme Indu Krishnamurthy. Mme Krishnamurthy est coordinatrice de l’ACEM, qui gère un fonds d’emprunt communautaire mandaté par le gouvernement fédéral pour mettre en place un projet pilote s’adressant aux nouveaux arrivants désireux d’obtenir la reconnaissance des diplômes et expériences professionnelles acquis à l’étranger.  Sur ce programme, doté de 1,5 millions de dollars, ACEM peut consentir des prêts, allant jusqu’à 10 000 $ aux candidats à la reconnaissance de leurs compétence. Mais en 7 mois d’existence le projet pilote n’a attiré que … 16 personnes. Faible résultat.

Pour Mme Marie-Thérèse Chicha, professeure en relations industrielles  à l’Université de Montréal, cela s’explique par le fait que «Beaucoup d’immigrants n’ont pas la capacité de s’endetter puisqu’ils ne savent pas si leur reconnaissance professionnelle va déboucher sur un emploi». Et on ne peut que les comprendre sachant que le délai de latence (période séparant l’arrivée au pays de l’accès à un emploi autre que de survivance et en moyenne de 5 ans et peut atteindre 9 ans. Qui est prêt à s’endetter sans savoir quand il sera en mesure d’honorer sa dette?

D’autres pistes encore à explorer

Et ce n’est là qu’un aspect du problème à résoudre. Car les obstacles varient avec les personnes qui les affrontent; ce n’est surtout pas toujours seulement un problème d’argent. Et, en face, les programmes destinés à aider à les surmonter sont nombreux mais trop épars; ils sont toujours «généralistes» et ne répondent donc pas forcément à toutes les situations possibles.

Ils sont assurément utiles mais pas systématiquement efficients. D’où la nécessité d’explorer , à partir de l’existant, des pistes de solutions plus fines, plus adaptables aux différents cas de figures qui bloquent encore la voie de l’accès à l’emploi pour tous ceux qui sont en mesure de contribuer à l’effort collectif de développement de notre pays et de notre société.

Abdelghani Dades (Edito: Atlas.Mtl 209 du 4 au 17  juillet 2013)

 

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