Commentaires fermés sur Identité et valeurs communes. Faut-il défendre l’islamophobie?

Identité et valeurs communes. Faut-il défendre l’islamophobie?

Identité et valeurs communes. Faut-il défendre l’islamophobie?Si les prévisions météorologiques demeurent incertaines quand à l’été qui s’annonce, en matière sociale et politique, il ne faut certainement pas être grand clerc pour annoncer que la rentrée sera chaude.

Le gouvernement du Québec nous annonce en effet son intention de mettre sur la table son projet de Charte de la Laïcité, à moins que ce ne devienne entre temps une Charte des Valeurs Québécoises, on n’en sait encore trop rien; Et alors même que le débat sera encore loin d’être épuisé, se déclenchera la grande affaire des élections municipales.

Nous entendons déjà les cris et les clameurs que ces deux démarches vont déclencher et  voyons venir des dérapages,  à tout le moins xénophobes, à côtés desquels ceux auxquels le happening des accommodements religieux ferons figure de joutes verbales de cour de récréation.

Ces sombres vaticinations ne trouvent pas leur source dans quelque boule de cristal, mais bel et bien dans les médias; dans les medias populistes s’entend, ceux dont les colonnes et les plateaux ne savent recevoir  que la lie des idées. Les  Dutrisac de ce monde commencent ainsi à s’en donner à cœur joie, tant dans leurs commentaires délétères  que dans le choix de leurs invités et des thèmes qu’ils abordent. La palme du genre revient, sans conteste, à un écrivailleur intermittent, commodément présenté comme «chroniqueur»  qui nous gratifiait dès le 22 mai écoulé de ce qui suit : «Peut-on faire cohabiter plusieurs civilisations au sein d’un même pays? (…) Lorsque deux systèmes de croyances opposés se rencontrent dans une société, ils finissent souvent par s’affronter. » Décryptons cette sentence.

Profession de foi islamophobe

Habile manieur de mots, notre  chroniqueur entame sa profession de foi par une référence implicite au Choc des cultures. La thèse du choc des cultures, dont le caractère erroné a été largement démontré a été tant et tant rebattue qu’elle a fini, en son temps, que dans l’inconscient collectif elle reste pourtant ancrée comme une vérité absolue.

Jeu d’enfant  dès lors lorsque, immédiatement, dans la même phrase, par un habile tour de passe-passe sémantique, on substitue le mot «croyance» au terme «civilisation».

Mais à ce stade, un nouveau rempart reste à renverser : le multiculturalisme. Selon l’auteur une «idéologie naïve» et une «utopie» qui (tout comme l’inter culturalisme québécois, curieusement absent) prétend à tort que l’on peut «dissoudre l’humanité dans un mélange global».

Une voie royale est alors ouverte devant toutes les contre vérités et les toutes les absurdités. Qui ne tardent pas à suivre.

Selon notre grand penseur en effet, il faut absolument décomplexer l’utilisation du concept d’islamophobie qui «fait passer pour un trouble mental ou une détestable manifestation de haine l’inquiétude devant l’Islam (…) (et) verrouille le débat public en censurant le doute et la critique (…)».

Que voilà une phrase bien écrite! Que voilà une idée bien emballée! Que voilà un talent certain; mais hélas mis au service d’une idée (ou d’une idéologie?) aussi fausse qu’empoisonnée!

Une nouvelle forme de révisionnisme

Le tout nous fait assurément penser à tous ces brillants écrivains français, Doriot et autres, qui sous l’Occupation, avaient mis leurs plumes au service de l’occupant ; à leurs successeurs qui dans les années 50 justifiaient les goulags; à ceux qui, plus tard encore, Roger Garaudy par exemple, s’embourbaient dans le révisionnisme.

Légitimer l’islamophobie, surtout au prétexte que ne pas jeter l’opprobre sur toute une frange de la population du pays au seul prétexte qu’elle adore Dieu d’une manière différente «C’est la liberté de penser qui régresse» est une infamie.

Venant d’un écrivain dont nous connaissons l’aversion pour l’antisémitisme – seul point commun entre nous apparemment – est un reniement ; c’est faire insulte à tous les musulmans dont les noms figurent au grand registre des Justes parmi les Nations de Vad Yashem, à tous ceux qui s’engagent dans le projet Aladin, à tous ceux parmi eux enfin, qui aujourd’hui, ici et dans leurs pays d’origine, œuvrent pour la liberté de conscience et la liberté tout court.

C’est faire insulte aussi à la mémoire de ceux dont au Québec (et dans les colonnes du journal qui accueillent ses «chroniques», tel feu Pierre Bourgeault) qui savaient dire la souveraineté sans exclure personne. C’est surtout faire insulte au Québec et à son avenir, en tentant de biaiser, avant même qu’il ne commence, le débat sur l’identité nationale, et refuser la vérité – absolue celle-là – que l’identité a cette particularité que, si elle est indiscutablement une, pour être unifiante elle ne peut être que multiple.

Un avenir ensemble

Nos inquiétudes face à de tels errements ne viennent pas du fait qu’ils puissent exister et s’exprimer. Car chacun est libre de ses pensées, y compris erratiques. Mais que personne n’y réagisse, laissant de la sorte la chienlit (qui pousse toute seule nous rappelait feu le Général     De Gaulle)  envahir le champ de nos idées. Et cela au moment même ou tous  – parce que nous avons un avenir à construire ensemble, à partir de valeurs communes, clairement définies  et communément admises, dont l’islamophobie, comme toute autre idées exclusive, ne peut être qu’exclue – noud devrions nous sentir concernés et agir en conséquence.

Abdelghani Dades (Edito: Atlas.Mtl 207 du 6 au 19 juin 2013)

 

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