Le déficit de compétitivité économique du football marocain par rapport aux autres nations de football africain rejaillit considérablement sur les résultats sportifs.
La compétition intense entre les grands clubs marocains peut-elle générer des effets de synergie sur le Football national?
À quelques semaines de la fin des championnats nationaux de football, les amateurs du ballon rond restent sur leur soif face au déficit d’image que présente le produit football marocain.
Les déceptions cumulées ces dernières années au niveau des coupes des nations africaines jumelées aux piètres prestations des clubs marocains engagés dans les compétitions en Afrique, nous obligent plus que jamais à faire les bons diagnostics.
Sortir de la spirale de l’Échec
Les orientations stratégiques prises par le Maroc pour l’émancipation du sport à travers l’injection de fonds importants ne semblent pas être suffisantes pour sortir le football de la spirale de l’échec.
Côté pratique, les financements directs apportés annuellement par la caisse de dépôt et de gestion, la banque du Maroc et l’office chérifien des phosphates profitent en majorité à l’équipe nationale et aux clubs appelés « d’élite »
Les clubs amateurs et les centres de formations des jeunes, qui constituent la base de la pyramide du Football végètent toujours dans les méandres de l’amateurisme.
L’appui indirect de la société nationale de radio et télévision qui a accepté généreusement d’acquérir tout les droits TV, malgré la qualité moyenne du championnat pro ne favorise pas l’émergence de la culture de l’excellence.
En effet, cette pratique d’assistanat aux clubs de football ne les pousse point à améliorer la qualité du spectacle et du produit pour séduire les chaines TV étrangères. La SNRT fournit plus un programme de subvention indirecte aux clubs qu’une contrepartie financière pour l’achat d’un produit.
Mais en fait, notre football souffrait-il vraiment du manque de moyens financiers? Les prouesses de l’équipe nationale en 1986 et 1998, les glorieuses victoires des FAR (années 80), du Wac et du Raja (années 90 et 2000) prouvent le contraire.
Certes, les moyens financiers doivent être apportés comme levier à une politique sportive globale et intégrée tenant compte de la réalité de la pratique du football au niveau national et au niveau de nos concurrents directs africains.
De façon étroitement corrélée, les clubs de football marocains souffrent d’un déficit de compétitivité important par rapport aux modèles économiques des clubs africains issus des nations qui dominent le football africain.
Des clubs fragiles
Bien que moins endettés et dotés de structures moins capitalistiques avec des situations financières relativement saines, les clubs marocains sont fragilisés par le manque d’actifs immobiliers (les stades appartiennent aux villes et communes) et par la quasi absence de capitaux risques des entreprises.
De plus, les revenus globaux des clubs marocains sont tributaires des droits télévisuels nationaux, des recettes de la billetterie et des revenus de la publicité et du sponsoring.
Les valeurs ajoutées sur transferts de joueurs sont occasionnelles et restent phagocytées par le marché des pays du golf (Qatar et Émirats rabes unis),un marché très stigmatisé par les clubs marocains.
La mise en place cette année du professionnalisme du football a pourtant le mérite d’avoir protégé les intérêts des joueurs et des salariés des clubs et à astreindre les managements de clubs à respecter scrupuleusement les cahiers de charge imposés, à ce niveau de la compétition.
Les objectifs du professionnalisme
Toutefois, l’objectif du professionnalisme et son apport positif dans l’amélioration du niveau des équipes et du championnat, et la transformation des clubs sportifs en sociétés est loin d’être atteint.
Ipso facto, de nouveaux modes de management sportifs ont vu le jour cette année telle que le modèle préconisé par le Raja de Casablanca.
On se rappelle que le printemps rajaoui de l’année dernière a eu raison du Président Hanat qui, évincé par les supporters, a cédé la place au plus jeune Président de l’histoire du club et du football marocain, Mohammed Boudrika (30 ans).
Ce jeune entrepreneur, fort d’un staff formé de jeunes managers, a posé les jalons d’une organisation digne des grands clubs, tant au niveau de l’école de formation, au niveau technique qu’au niveau managérial.
Loin des résultats sportifs du Raja cette saison, qui sont de notoriété publique (leader à 4 matchs du sacre final et détenteur de la coupe du trône), le plan d’action du Raja est empreint d’une stratégie marketing solide dont la finalité est de rechercher de nouveaux capitaux en s’adossant à la notoriété du club et à son large bassin de supporters.
Parmi ces chantiers majeurs : l’assainissement financier du club, le recrutement d’une brochette des meilleurs joueurs nationaux, la signature de nouveaux contrats de sponsoring, le lancement d’une émission radio hebdomadaire dédiée à l’information sur le Raja et qui a drainé beaucoup de mécènes et , enfin, le dépôt auprès de la haute autorité de la communication audiovisuelle d’un projet de la lancement d’une chaine TV satellitaire du Raja, une première du genre au Maroc.
Dans la foulée, le jeune Président glane le poste de Président du comité Directeur du club omnisport du Raja et lance le projet de Fondation Raja pour les œuvres caritatives.
L’autre grand club de casablanca, suite à une saison blanche, est entrain de vivre son printemps arabe : des vagues de supporters de Wac manifestent chaque jour pour le départ de leur Président. Ce prestigieux club endure une crise interne qui a eu raison de ses résultats sportifs.
Cette compétition et rivalité entre ces deux clubs de Casablanca ne peut être que bénéfique pour le football.
Or la rivalité, l’émulation ou la concurrence sont toujours présentes dans l’histoire de ces deux clubs. On peut facilement en déceler les manifestations même lorsqu’elles sont délicatement voilées. Que l’expérience subjective de la compétition prenne des formes évidentes ou indirectes, elle demeure bien réelle, toujours chargée d’émotions pour les supporters rajawis ou wydadis.
Pour bien des gens, le fait de se mesurer aux autres ou de tenter de les surpasser constitue un tabou. Même le fait de chercher à exceller demeure à leurs yeux une attitude narcissique qui ne peut s’exprimer que de façon dissimulée ou indirecte. Il n’en demeure pas moins qu’à travers le football la compétition directe est acceptée que ce soit au niveau des résultats sportifs qu’au niveau du mode de gestion du club. On retiendra que quand la compétition est farouche entre ces deux clubs rivaux, le gagnant est celui qui a le plus grand contrôle de ses émotions et le grand gagnant c’était toujours le Football national.
Avec une équipe des Forces armées royale au top niveau, la bonne santé du Raja et un probable retour en force du Wydad, l’année prochaine nous laisse présager un regain de confiance en notre football et en notre équipe nationale.
Par Saïd Chayane (Atlas.Mtl numéro 205)
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