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Profilage racial : un bar de Terrebonne doit verser une compensation à quatre clients pour leur avoir refusé l’accès à son établissement

Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesseLa Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse vient de remporter une première victoire juridique en matière de profilage racial mettant en cause un établissement commercial.

Le Tribunal des droits de la personne a en effet condamné le propriétaire d’un bar de la rive nord de Montréal à verser 12 000 $ à quatre hommes noirs, dont deux policiers, qui se sont vu refuser l’entrée à l’établissement après un contrôle d’identité. De plus, le Tribunal a ordonné au propriétaire de cesser toute pratique discriminatoire dans l’accès à son établissement.

« Cette victoire est d’autant plus importante pour la Commission que le contrôle des pièces d’identité est un phénomène auquel sont confrontés les membres des minorités racisées de façon disproportionnée, comme l’a démontré notre consultation sur le profilage racial en 2011 », a précisé aujourd’hui le président de la Commission, monsieur Gaétan Cousineau, qui a accueilli avec satisfaction cette décision.

Dans le jugement rendu récemment, le Tribunal a retenu la version des plaignants, quatre amis d’origine haïtienne et de race noire, ayant fait leur scolarité au Québec. Trois des plaignants étaient dans la trentaine au moment des faits, et le plus jeune avait 22 ans. Deux d’entre eux sont policiers au Service de police de la Ville de Montréal. Comme le rapporte le jugement, ce soir-là, ils avaient décidé de sortir dans un bar à Terrebonne. À leur arrivée, un portier les informe qu’ils doivent payer des frais d’entrée, ce qu’ils s’apprêtent à faire lorsqu’un second portier fait irruption dans le vestibule et leur demande deux pièces d’identité.

Le plus vieux du groupe, âgé de 38 ans, n’a aucune pièce d’identité sur lui. Le portier l’informe qu’il ne peut le laisser entrer. Après une discussion polie et respectueuse au cours de laquelle deux des plaignants offrent de se porter garants de leur ami, les quatre essuient un nouveau refus et décident de quitter les lieux ensemble.

À la suite d’une plainte déposée par les quatre hommes et d’une enquête de la Commission, la cause s’est retrouvée devant le Tribunal des droits de la personne. Celui-ci devait décider si l’intervention du deuxième portier, qui a exigé des pièces d’identité, constitue du profilage racial fondé sur la couleur des plaignants.

Le Tribunal a retenu la version des plaignants « en raison de la cohérence et de la vraisemblance de leur témoignage » et a noté que la procédure d’exiger deux pièces d’identité n’est pas habituelle, puisque le premier portier avait déjà admis les quatre plaignants en leur exigeant les frais d’entrée sans leur demander de cartes.

De plus, cette demande surprend puisque le client en question avait 38 ans et ses amis se sont portés garant. Le Tribunal considère que le portier n’avait aucune raison d’exiger de pièces d’identité comme condition d’accès au bar.

Le Tribunal mentionne que les motifs du propriétaire du bar pour justifier l’intervention du portier « comportent plusieurs incohérences et ne reposent sur aucun critère objectif ou raisonnable. » Le portier, qui était la personne en autorité pour contrôler l’accès au bar, disposait de toute la latitude pour laisser entrer un client qui a visiblement l’âge légal de fréquenter un bar.

Le Tribunal conclut que ce qui a incité le portier à demander des pièces d’identité aux plaignants est « le fait qu’ils aient été de couleur noire (…) et de surcroit, qu’ils se soient présentés en “groupe” ».

On ne peut pas changer de couleur

Les plaignants ont raconté s’être sentis humiliés et atteints dans leur dignité par les événements au bar de Terrebonne, qui leur ont rappelé la discrimination subie dans l’enfance et ont affecté leur estime de soi. Depuis, ils ont changé leurs habitudes de fréquentation des bars, notamment en évitant de sortir en groupe de peur d’être associés aux gangs de rue. Selon l’un des plaignants, ces évènements ont exacerbé ses doutes et il a mentionné « ne pas pouvoir changer de couleur ».

Deux des plaignants étaient des policiers, mais n’ont pas informé le portier de leur profession parce que « la Loi sur la police interdit d’obtenir des privilèges reliés à la fonction » et que « l’accès à un bar ne doit pas dépendre de la fonction qu’on occupe. »

Le Tribunal considère tout à fait raisonnable que, même si seulement un des plaignants a été exclu du bar, les trois autres aient décidé de ne pas entrer par solidarité. En conséquence, ils ont éprouvé le même sentiment d’exclusion que leur ami. Le Tribunal conclut donc « que les quatre plaignants ont été victimes de discrimination. Par conséquent, ils ont droit aux mêmes dommages. » Ils se sont vu accorder une somme de 3 000 $ chacun à titre de dommages moraux.

Le profilage racial se rapporte à des actions prises par des personnes en situation d’autorité et qui reposent sur des facteurs tels que la race des personnes concernées. Si le phénomène n’est pas nouveau, ce n’est qu’en 2012 que le Tribunal des droits de la personne a rendu un premier jugement condamnant un policier du SPVM pour profilage racial. Selon le Tribunal, le fait qu’un portier demande des cartes d’identité pour permettre l’entrée dans un bar constitue une situation où peut s’exercer du profilage racial.

SOURCE : Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (MONTRÉAL, le 13 mars 2013)

 

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