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«Chômage chez les immigrants : la politique d’intégration à revoir»

«Chômage chez les immigrants :                           la politique d’intégration à revoir»Ceci est le titre donné, par diverses rédactions de média nationaux en ce début d’année 2013, à des articles traitant de déclarations faites par M. Jean-Francois Lisée ministre des Relations Internationales et ministre en charge de la Région de Montréal. Et les déclarations en question sont tout aussi intéressantes que les accroches choisies par nos confrères.

M. Lisée affirme en effet que «Le problème auquel on est confrontés est un problème d’emploi d’une partie de la population immigrante»; qui débouche sur un «taux de chômage inacceptable» alors que, toujours selon le ministre «on a une dette envers ceux qui sont là; (et) il faut réparer».

Rarement auparavant, constat n’avait été aussi clairement énoncé.

Explorant les raisons qui peuvent être à l’origine de d’une telle situation, M. Lisée cite essentiellement la question linguistique. «40% des immigrants au point d’entrée n’ont aucune connaissance du français» déclare-t-il.

Cette déclaration nous interpelle d’autant plus que, c’est un fait avéré, la communauté des originaires du Maghreb qui est la plus cruellement affectée par ce problème de difficulté à l’accès au marché du travail.

De ce fait, si nous ne pouvant qu’agréer le caractère «inacceptable» du taux de non-emploi dans la population active d’origine maghrébine, nous ne pouvons nous faire à l’idée qu’il résulterait uniquement de l’ignorance de la langue nationale du Québec. Soyons clairs : nous ne remettons pas en cause ici la primauté du français dans la province; bien loin de là.

Mais, sachant que

  • – D’une part  – et c’est une déclaration d’une ancienne titulaire du portefeuille ministériel de l’immigration et des communautés culturelles – quelque 70% des budgets consacrés à l’intégration des immigrants sont consacrés à la francisation;
  • – D’autre part que 85% des nouveaux arrivants d’origine maghrébine sont francophones et qu’une bonne part d’entre eux a même choisi de s’installer au Québec principalement pour vivre en français;

Il est évident que les originaires du Maghreb, soit le tiers de l’immigration québécoise de la dernière décennie, ne peuvent bénéficier au mieux, dans les attentions du gouvernement, que d’une partie des 30% du restant des budgets consacrés à l’intégration.

Calcul sommaire, voire simpliste : la population des originaires du Maghreb – 30% de l’immigration – ne bénéficierais donc que de 10% des ressources consacrées à l’intégration. Serait-ce là l’explication de la situation de précarité qui est le lot de ce segment de la population du Québec?

Les choses en fait ne sont pas aussi simples.  Car les difficultés d’intégration ne résultent pas uniquement d’une question de budget. Comme il ne suffira pas en effet de franciser les nouveaux arrivant pour régler le problème, il ne suffira pas d’injecter de l’argent – un argent par ailleurs rare – pour le solutionner.

D’autres facteurs entrent en ligne de compte. L’un de ces facteurs à d’ailleurs fort justement mis en avant le jour-même de la déclaration de M. Lisée, par une autre déclaration ministérielle, celle de Mme Diane de Courcy, ministre de l’immigration et des communautés culturelles. Mme de Courcy estime en effet que si, officiellement, 85% des immigrants ont obtenu la reconnaissance de leurs acquis par les ordres professionnels «ceci c’est de la théorie, en pratique, c’est très différent».

D’où, à son initiative, la mise en place d’un programme «Intégration par les compétences» qui pourrait «outiller les PME pour faciliter» la traduction de la reconnaissance en recrutements.

L’un dans l’autre, quatre mois après l’entrée en fonction du gouvernement Marois, on voit donc ainsi se dessiner une politique qui pourrait porter, à terme, une solution à un problème qui n’a que trop duré.

Nous continuons cependant de croire que LA solution n’est pas uniquement entre les mains de l’Exécutif.

En fait il y a place aux apports, du moins dans la réflexion, de tout le monde y compris les communautés culturelles premières concernées.

Cet apport pourrait se faire dans le cadre du rétablissement d’une structure, disparue en 2007 sans raison matérielle (elle n’avait aucune imputation budgétaire) : celle des tables communautaires (Table Maghreb, Table Asiatique etc.) de concertation réunissant sous les auspices du MICC  différents acteurs et chercheurs pour émettre des avis sur les questions liées à l’intégration.

Cette structure n’aurait évidemment pas pour but de prôner des politiques d’intégration «à la carte»; tâche impossible à la dimension d’un État, mais de conseiller utilement le gouvernement, de l’aider à évaluer l’efficacité de ses politiques.

Elle aurait également pour effet de confirmer qu’il y a une volonté politique réelle de régler le problème de l’emploi dans les communautés culturelles et par là même, de solutionner à la fois une injustice faite aux compétences immigrantes et un problème de rareté (ou de raréfaction) grandissante de main d’œuvre qui hypothèque incontestablement  notre avenir commun.

Abdelghani Dades (Edito Atlas.Mtl 198 du 31  janvier au 13 février 2013)

 

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