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Chronique d’une fin du monde annoncée. Grandeurs et servitudes

Plus que quelques jours nous séparent de ce 12-12-12 que le calendrier des Mayas annonce être celui de la fin du monde.

Pourtant tout à été fait, depuis quelques temps déjà pour  conjurer ce funeste sort. On a ainsi, au cours des derniers mois,  rigoureusement évité le triple chiffre et veillé à utiliser exclusivement la scripture alphanumérique pour désigner cette date fatidique. En écrivant «12 décembre 2012» (et mieux encore, en toutes lettres, «douze décembre deux mille et douze»,) on croyait  avoir réussi à expurger le 12-12-12 de sa charge numérologique occulte et effrayante, épargnant de la sorte à une humanité terrorisée les sombres présages venus des fins fonds de l’Histoire; on croyait que le legs – en forme d’avertissement charitable – à nous fait par une civilisation qui n’a pas su durer, avait servi à quelque chose…

Mais, oh! Déception, il n’en est rien : les signes avant-coureurs sont encore là et ils ne présagent rien de bon.

Dans le «plusss meilleur pays au monde» en effet, tous les jeux semblent déjà faits et rien ne semble plus aller; au grand dam de ceux qui croyaient encore que la grève de 1949, la rébellion de 1955, l’élection de 1976 et toute la Révolution tranquille avait définitivement forgé un citoyen exemplaire, une classe politique modèle et une société équitable et solidaire.

Au cours des quelques jours derniers (pour ne pas dire derniers jours), tous ces idéaux ont volé en éclats, en deux actes…

Un membre du gouvernement s’est ainsi fait montrer la porte au motif que dans une vie antérieure, il avait connu quelques déboires. Il a été proprement démissionné. On ne voulait plus commercer avec lui parce que, avant d’être un élu du peuple, il avait été un homme du peuple. Comme tout un chacun, à un moment de son existence, il avait perdu son emploi et vécu dans la précarité. Résultat : des échéances impayées, des factures oubliées.

Il avait certes réussi à se relever, armé de compétences certaines, avec courage il avait recommencé à se battre et à réussir. Ce qui aurait dû être digne d’admiration et de respect. Mais non, tomber est un acte inexpiable, il rend rédhibitoire tout accès ultérieur au monde des gens bien. Il y a même un journal (ou serait-ce une feuille de chou?) qui, avec beaucoup de bon goût, l’a affublé  du titre de «ministre bougon».  Haro sur le baudet donc; pas de pitié pour les canards boiteux, ceux qui,  à un moment ou un autre, même à leur corps défendant, peuvent nous rappeler combien nous pouvons être faibles et vulnérables.

Le peuple a trouvé la chose normale et  si lettré il était, il aurait même pu entonner en cœur  que si un ministre est «tombé par terre, c’est la faute à Voltaire; le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau!».

Fort de cette morale que la morale devrait réprouver, le même peuple n’a même pas frémi lors qu’il lui a été démontré que «selon que vous soyez puissant ou misérable» votre sort pourra différer…

Un autre politicien, sorti des plus grandes universités des Amériques, déjà bien en selle dans la fonction publique, se voyait au même moment gratifié d’une nomination exceptionnelle, garantissant des revenus à vie le mettant à l’abri de tout aléa matériel éventuel, présent et avenir.

Nous ne voulons y voir nulle malice. Mais si au sommet de l’État, de telles injustices peuvent sont possibles, c’est que l’horloge suprême est sur le point de s’arrêter. et que la fin du temps (ou la fin d’un temps?) est imminente.

On aurait certes pu, pour se consoler, regarder  vers d’autres horizons. Mais là encore, tout se bouche. Le Canada, «Père»  des Casques bleus Onusiens, chantre de la paix dans le monde, image de la justice, c’est trouvé subitement ramené, en une fraction de seconde, le temps d’un vote, à la dimension des Iles Marshall, de la Micronésie, de Nauru et de Palau.

Que nous reste-t-il maintenant si au fonds de nos cœurs nos certitudes, ces idéaux d’égalité et de paix  qui nous grandissaient, ne sont plus? La fierté d’être montréalais? Elle est elle aussi ternie par les révélations auxquelles à donné lieu la commission Charbonneau.

Que nous reste-t-il alors? Peut-être accueillir le 12-12-12 non pas comme la fin du temps et du monde, mais la fin d’un temps et d’une forme de monde,  l’aube de quelque chose de nouveau ou de renouvelé.

Vain espoir ?…

Abdelghani Dades (Edito Atlas.Mtl 195 du 6 au 19 décembre 2012)

 

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