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Sous les pavés, la plage…

À propos des grèves étudiantes du printemps 2012 certains n’ont pas manqué d’évoquer un monde arabe aux ébullitions de toute récente mémoire. On a ainsi entendu parler d’un Printemps Érable, une image qui sur le coup semblait être imposée par cette sorte mimétisme que tout les journalistes du monde affectionnent tant.

Avec le recul cependant, l’image n’est peut-être pas aussi vaine qu’il puisse y paraître. Mais la référence ne sera certainement pas celle des révolutions tunisienne et égyptienne autant que pourrait l’être en l’occurrence le souvenir du Mai 68 de la France.

Comme dans ce dernier cas en effet, on est en attente d’un rendez-vous de Grenelle Québécois qui aura à statuer sur les coûts et les prix de l’éducation et les enjeux de l’économie du savoir. Comme dans ce dernier cas également, bien des certitudes se sont trouvées ébranlées. Et comme dans ce dernier cas enfin, il faudra peut-être aussi aller jusqu’à des réformes de nature institutionnelle pour qu’une sorte de sérénité sociopolitique retrouve ses droits, que la société retrouve son calme et que la classe politique renoue avec un véritable art et une véritable envie de gouverner.

La France a eu la chance à l’époque d’avoir à sa tête un homme de la stature du Général de Gaulle. Perspicace, il avait en effet compris que ce n’étaient pas seulement les étudiants qui s’exprimait mais tout le pays et que tout le pays, à travers ses étudiants, exprimait un besoin de changement, de révolution dans ses modes de production et de gestion. Il a lors proposé une réforme fondée sur une régionalisation avancée de nature à rapprocher chaque citoyen de la chose publique et de l’amener à s’intéresser à son administration. À la remarquable prescience du Général il n’a alors manqué qu’une chose : accepter l’idée que ce renouvellement ne pouvait intervenir qu’appuyé par un changement de garde, de sorte qu’une nouvelle France ne pouvait être pilotée que par une génération de politiciens plus proches de l’esprit du temps et des réalités de l’époque. C’est pourquoi, parce que le général ayant lié son sort de président à un succès référendaire («il va sans dire, avait-il déclaré dans son dernier discours officiel, que si cette réforme était rejetée, je me retirerais de la vie politique»), le peuple français, considérant que le renouvellement générationnel  a voté Non. Mais sa réforme, il en verra quand même un début d’application depuis sa retraite de Colombey-les-Deux-Églises…

Revenons au Québec.

Comme en France après Mai 68, beaucoup de nos certitudes citoyennes apparaissent comme elles sont vraiment : mal en point!

Au niveau provincial les résultats des élections législatives du 4 septembre 2012 expriment parfaitement ce malaise. Nous avons en effet été collectivement incapables de faire un choix clair entre deux options l’une plutôt libérale et l’autre plutôt social-démocrate. Et pour cause! Au fur et à mesure que la campagne électorale nous rapprochait des urnes, les propositions des principaux partis en course se rapprochaient et se ressemblaient. Résultat : nos votes ont débouché sur une majorité molle et si faible qu’elle peut se dissoudre dans n’importe quel désensus parlementaire si mineur soit-il, a fortiori s’il était de nature budgétaire. Notre répugnance à retourner en élection à trop brève échéance – et parce que tous nos politiciens le savent et ne veulent payer pour – est la seule chose qui nous sépare du constat d’instabilité politique. Mais pour autant, si des élections étaient déclenchées aujourd’hui, combien serions-nous à aller voter?

Le malaise est encore plus perceptible au niveau de la politique municipale. Nombre d’entre nous (ainsi que beaucoup de nos édiles), avons en effet mauvaise conscience devant ce que nous révèle chaque jour la Commission Charbonneau; Mais combien seront-nous à aller voter en novembre 2013?

Sans doute pas grand monde. Non pas parce que nous serions «cyniques» politiquement, mais parce que nous sommes réellement désabusés, parce que, Mesdames et messieurs les politiciens, vous ne nous faites plus rêver, vous ne nous proposez plus de projets de société pleins de nouvelles idées et de nouveaux défis, vous ne nous donnez plus de raisons de croire que demain sera meilleur qu’hier et que les lendemains peuvent chanter. Le Québec est de moins en moins «le plus meilleur endroit au monde» et c’est de votre faute!

Abdelghani Dades: (Edito Atlas.Mtl 194 du 22 novembre au 05 décembre 2012)

 

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